Compte-rendu de la réunion de dialogue social du 13 décembre 2018

Vos représentants USMA :

  • Ophélie Thielen
  • Viviane André
  • Ivan Pertuy

I. Informations générales

1.Rémunération (s)

Vos représentants ont rappelé les propositions de l’USMA en matière de rémunération, primes et accessoires, présentées au groupe de travail « carrières » :

– nous demandons une revalorisation des rémunérations sans augmentation de la part modulable de la prime individuelle, qui n’aurait d’autre effet que d’abîmer notre efficacité collective ; dans l’hypothèse où une revalorisation ne pourrait intervenir que dans le cadre d’une augmentation de la part modulable, l’USMA plaide pour que cela se fasse par la création d’une prime collective, à l’échelle de chaque juridiction.

– nous demandons que l’ensemble des travaux supplémentaires exigés des magistrats soient rémunérés correctement(commissions bénévoles ou sous-payées, astreintes, etc.).

Vos représentants de l’USMA ont rappelé que si certaines indemnités ont fait l’objet d’une revalorisation, la demi-journée de conseil de discipline reste indemnisée à hauteur de 360 francs (le décret date de 1996…).

Vous trouverez l’ensemble de nos revendications à ce titre détaillées dans la fiche n°5 disponible sur notre site : https://usma.fr/magistrats/fiche-debat-n-5-remuneration-primes-evaluation-et-avancement

2.L’usage d’un pseudonyme n’autorise pas à écrire n’importe quoi

Le canard enchaîné a dénoncé la semaine dernière les tweets inadmissibles d’un magistrat honoraire.

Vos représentants USMA souscrivent à la proposition du secrétariat général de soumettre les magistrats honoraires aux obligations de déclaration d’intérêt et d’obligation déontologique.

Nous avons néanmoins réaffirmé que le récent addendum à la charte de déontologie en la matière, qui musèle le droit à la critique des magistrats, n’était pas une solution efficace contre les manquements aux obligations déontologiques les plus élémentaires survenus dans cette affaire.

Nous plaidons pour une parole libre de magistrats conscients de la réserve attachée à leurs fonctions, qui leur ouvre le droit à la critique dans le respect de la mission qu’ils ont à accomplir au nom du peuple français.

3.L’amendement facilitant la mobilité dans la FP territoriale

L’amendement « mobilité », réduisant les incompatibilités statutaires à l’issue d’un détachement au sein d’une collectivité territoriale, a été adopté par l’Assemblée nationale (article 22 bis) et n’est pas l’objet du désaccord survenu au sein de la commission mixte paritaire http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1497.pdf. L’examen en nouvelle lecture est prévu le 19 décembre prochain.

4.La fin de la mobilité en cour administrative d’appel ?

Le secrétariat général a fait état d’une réflexion en cours sur la suppression de la mobilité en cour administrative d’appel, qui présente à la fois l’inconvénient de ne pas permettre l’accès aux fonctions de sous-directeur (il ne s’agit pas d’une mobilité statutaire) et de ne pas donner à nos collègues une connaissance administrative utile au débat contentieux. Cette suppression serait envisagée à l’égard des magistrats issus du concours externe.

L’USMA a souligné, d’une part, que le critère du mode de recrutement, sans prise en considération du parcours individuel de chacun avant son entrée dans le corps, n’apparait ni juridiquement solide, ni opportun.

L’USMA a souligné, d’autre part, que l’amendement mobilité accroissant les possibilités de mobilité ouvertes en régions n’était pas encore adopté et qu’il était prématuré d’envisager une réduction de ces possibilités de mobilité en supprimant la mobilité en Cour.

L’USMA a enfin rappelé qu’il était important qu’une structure de soutien à la mobilité ambitieuse soit mise en place au sein des services du Conseil d’Etat, en capacité d’obtenir et de diffuser l’ensemble des postes ouverts à la mobilité dans les collectivités territoriales et dans les administrations déconcentrées.

Ce n’est que lorsque l’offre de mobilité pour nos collègues hors région parisienne sera satisfaisante que pourra être envisagée la suppression de la mobilité en Cour.

5.De la formation initiale des magistrats « à la carte »

L’USMA a souligné les progrès déjà significatifs d’adaptation de la formation initiale à la diversité des profils de nos nouveaux collègues et plaide pour une diversification aussi fine que possible (https://usma.fr/communiques/elaboration-du-plan-triennal-de-formation). Le projet d’adaptation de la durée et de la destination des stages selon trois profils (8 semaines de juridiction, 8 semaines en administration ou 4 semaines en juridiction et 4 semaines en administration) annoncé par le secrétariat général, ne peut que recueillir notre assentiment.

6.L’environnement de travail (sujet proposé par le SJA)

-Des ordinateurs qui fonctionnent

L’obsolescence des matériels devrait peu à peu se résorber, du fait de commandes récentes très importantes de matériels équipés de Windows 10, déployés pour la première vague avant la fin de l’année, pour la seconde au cours du premier semestre 2019. Des achats annuels permettant un renouvellement quinquennal du parc seront mis en place, si les dotations budgétaires le permettent, à compter de l’année prochaine.

-Des bases de données qui restent

Vos représentants de l’USMA ont souligné que le message interrogeant les magistrats sur l’utilité de LexisNexis, perçu comme une volonté de supprimer purement et simplement l’accès à une base de données importante, avait été anxiogène pour les magistrats (et leurs représentants !), qui ont eu la sensation qu’après leur avoir demandé de faire plus à moyens constants, le secrétariat général leur demandait désormais d’en faire plus à moyens réduits.

Le secrétariat général a confirmé que la base LexisNexis demeurerait accessible, même si un bilan coût-avantage, notamment par le recueil de la parole des utilisateurs, devait nécessairement être réalisé avant d’engager nos juridictions dans une nouvelle convention.

 –Un portail magistrat, en attendant un poste-rapporteur ?

Projet phare du schéma directeur des systèmes d’information, le portail magistrat devrait permettre aux magistrats d’instruire et de suivre les mesures d’instruction en cours. Il devrait constituer une fiche navette fiable, dématérialisée et offrant des fonctionnalités de suivi.

L’USMA a rappelé son vœu (https://usma.fr/syndicat/plf2019) de voir les efforts désormais focalisés sur l’invention d’un nouveau poste-rapporteur fiable et performant.

Le poste-rapporteur est à ce jour le seul outil à la disposition des magistrats et aides à la décision, notamment pour la rédaction des projets dans les contentieux de masse. Or, il n’offre aujourd’hui que peu de fonctionnalités, est très peu ergonomique et ses modèles ne sont pas actualisés (pas de nouvelle rédaction, notamment…).

-Dématérialiser, rematérialiser, c’est toujours travailler

La pratique est relativement hétérogène selon les juridictions.

L’USMA a, à nouveau, plaidé pour que la dématérialisation soit envisagée de manière raisonnable et pour que les magistrats puissent tous disposer d’un entier dossier papier.

S’agissant de l’augmentation constatée du volume d’impression dans certaines juridictions, vos représentants ont relevé que cela résultait vraisemblablement de l’augmentation importante du volume de pièces dans les dossiers, les avocats ne s’embarrassant plus de faire le tri dans les pièces qu’ils se bornent à injecter dans Télérecours.

Nous avons ainsi souligné que l’attention portée au volume d’impression ne devait surtout pas conduire à voir les magistrats privés de dossier papier lorsqu’ils ne souhaitent pas travailler sur écran.

7.Prévenir les risques psycho-sociaux par une organisation qui ne soit pas malfaisante (sujet proposé par l’USMA)

Une souffrance plus ou moins intense mais généralisée

Nous sommes assez régulièrement alertés par des collègues qui souffrent dans leurs tribunaux, qu’il s’agisse de magistrats qui ne parviennent pas à tenir le rythme exigé et demandent parfois le bénéfice d’un temps partiel à la seule fin de préserver un minimum de jours de repos, ou de magistrats qui souffrent au sein de leur chambre, du fait de présidents de chambre qui ne parviennent pas à faire écran à la pression statistique du chef de juridiction ou qui imposent eux-mêmes cette pression statistique, ou du fait de l’insuffisante détermination de ce que l’on attend d’eux, qu’ils soient rapporteurs ou rapporteurs publics. On constate un accroissement du nombre de jours de congé maladie « magistrats » dans le bilan social (+ 11%), qui ne paraît pas conjoncturel.

Nous savons tous que notre métier est un métier psychiquement lourd.

Nous n’avons jamais le bonheur d’avoir terminé, nous nous sentons coupables(à l’idée de n’en avoir pas fait assez, de n’en avoir pas fait plus, ou pas autant que notre co-rapporteur, de prendre des vacances ou des week-ends), nous paniquons à l’idée de ne pas parvenir à remplir les objectifs chiffrés. Notre métier ne nous laisse pas tranquille et le circonscrire, pour préserver une vie personnelle, est un difficile apprentissage.

Des solutions de pansement temporaires locales

Devant la souffrance de nos collègues, nous tentons de trouver des solutions locales lorsque nous disposons d’un délégué ou lorsque le chef de juridiction est ouvert à la discussion et n’est pas en cause, et c’est souvent le cas. Mais il n’y a là aucun dispositif pérenne de prévention ou de prise en charge des difficultés à venir.

Réfléchir l’organisation pour préserver notre bien-être

La prise en compte des risques psycho-sociaux doit conduire à une réflexion globale sur la manière dont un magistrat est accueilli et accompagné dans les juridictions, tout au long de l’année judiciaire et plus spécifiquement au début de sa carrière, lorsqu’il occupe de nouvelles fonctions ou se consacre à de nouvelles matières.

La prévention des risques psycho-sociaux ne peut se limiter à la mise en place d’alertes en cas de mal-être avéré d’un magistrat ou d’une collectivité juridictionnelle. Il nous faut réfléchir notre organisation et déterminer en quoi la gouvernance des juridictions peut avoir des conséquences sur le bien-être ou le mal-être au travail des magistrats. 

Bien entendu, nous savons qu’il n’est pas concevable que le bien-être des magistrats soit l’objectif premier de l’activité de nos juridictions, dont la fonction sociale doit être entièrement dévolue au justiciable.

Mais il reste que des magistrats heureux au travail sont plus efficaces que des magistrats isolés, placés en arrêt maladie, surmenés voire dépressifs, ou qui passent leur week-end à travailler au lieu de bénéficier d’un repos réparateur.

Et…, concrètement ?

Les magistrats ont mené au tribunal administratif de Versailles, à l’invitation de sa présidente, une démarche collective de détermination des mesures organisationnelles de nature à prévenir l’apparition de risques psycho-sociaux.

Un groupe de travail comportant des agents du greffe et des magistrats volontaires, ainsi que les représentants syndicaux et l’assistant de prévention, a décider d’auditionner individuellement (par des binômes greffier/magistrat, émanations du groupe de travail) l’ensemble des membres de la communauté juridictionnelle, aides à la décision compris, sur la base d’un questionnaire inspiré de celui qui avait été utilisé auprès des agents du conseil d’État.

Une synthèse des risques a été élaborée, conduisant à la mise en place, dans le cadre du plan de prévention des risques psycho-sociaux, d’actions de management spécifiquement dévolues à la prévention de ces risques.

Il s’agit de mesures simples, telles que l’organisation d’une réunion annuelle de chambre en vue de définir de manière transparente et collective, en début d’année judiciaire, les attentes de chacun à l’égard des autres acteurs de la chambre, en termes quantitatifs et qualitatifs.

Il s’agit aussi pour les chefs de juridiction de réunir des présidents de chambre en début d’année pour leur fixer deux objectifs concurrents : être efficaces pour le justiciable et garder des magistrats en bonne santé physique et mentale.

Diverses mesures peuvent créer de la discussion collective et permettre de prévenir les conflits ou d’éviter l’apparition d’anxiétés individuelles.

C’est par le choix d’une organisation collective qui prend soin de chacun, au sein des chambres et des juridictions, que nous pourrons prévenir l’apparition de la souffrance au travail chez nos collègues. 

L’USMA appelle ainsi de ses vœux la rédaction, par le secrétariat général, d’un guide des bonnes pratiques managériales promouvant la concertation entre magistrats, pour faire de chacun d’entre nous, quel que soit son positionnement hiérarchique ou fonctionnel, un acteur impliqué et efficace de la prévention des risques psycho-sociaux.