RAPPORTEUR PUBLIC : après la chute du cavalier, la stratégie du passager clandestin !

Le rapporteur public est de nouveau dans la tourmente, à la suite du dépôt d’un amendement parlementaire, mortifère pour les droits des justiciables, visant à restreindre son périmètre d’intervention.

Le rapporteur public est de nouveau dans la tourmente, à la suite du dépôt d’un amendement parlementaire, mortifère pour les droits des justiciables, visant à restreindre son périmètre d’intervention.

Un amendement parlementaire, déposé dans le cadre de l’examen, par le Sénat, d’une proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, vise à faire passer, en catimini, une réforme à laquelle s’opposent les magistrats administratifs.

Il s’agit de réduire le périmètre d’intervention du rapporteur public, magistrat qui, selon la définition retenue par l’article L. 7 du titre préliminaire du code de justice administrative, est « un membre de la juridiction qui doit exposer publiquement et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présente à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appelle ».

Le rapporteur public prend connaissance, préalablement à l’audience, de l’ensemble des dossiers qui vont y être appelés puis prononce, publiquement, sur chaque affaire, des conclusions qui aideront la formation de jugement à se déterminer et permettront aux parties d’entendre une lecture de leur affaire les éclairant sur ses tenants et aboutissants, tants factuels que juridiques.

Les magistrats administratifs ont fait grève en 2009 contre cette mesure. L’USMA s’était opposée au cavalier législatif prévu pour son adoption.Néanmoins, plus d’un an après et dans le cadre d’une proposition de loi sans grand rapport avec la procédure contentieuse administrative le projet revient sur le devant de la scène.

Tous les moyens sont donc bons, pour les inspirateurs de cet amendement, pour faire passer, comme un passager clandestin, une réforme qui marquerait le déclin de la juridiction administrative.

Au moins la démarche est-elle claire : améliorer et simplifier la qualité du droit … c’est supprimer ou réduire les « garanties que le [rapporteur public] apporte tant aux justiciables qu’à la formation de jugement » !

Naturellement l’USMA dénonce cette initiative et ne ménagera pas sa peine pour y faire échec.

Amendement présenté par M. ZOCCHETTO, ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 146 BIS : « Art. L. 732-1 CJA. – Dans des matières énumérées par décret en Conseil d’État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d’exposer à l’audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger. »).

Exposé des motifs :

“ Cet amendement apporte une nouvelle dérogation au principe posé par l’article 7 du code de justice administrative selon lequel « un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance son opinions sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent. »

Le rapporteur public est une des originalités de la justice administrative dont l’identité doit être préservée pour les garanties qu’elle apporte tant aux justiciables qu’à la formation de jugement. le contentieux de masse dont sont désormais saisis les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel ne justifie plus que, sur toutes les affaires qui leur sont soumises, un rapporteur public développe à l’audience ses conclusions orales. Des dispositions législatives ont d’ores et déjà dispensé certaines matières des conclusions du rapporteur public : c’est notamment le cas de l’article L. 522-1 du code de justice administrative pour les procédures de référé, des articles L. 213-9 et L. 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour le contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire français opposées aux demandeurs d’asile ou des arrêtés de reconduite à la frontière ou encore de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation pour le contentieux du droit au logement opposable.

L’amendement ajoute un article L. 732-1 au code de justice administrative afin de permettre, dans les matières énumérées par décret en Conseil d’État, au président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d’exposer à l’audience ses conclusions sur une requête eu égard à la nature des questions à juger. Le rapporteur public pourra ainsi, à son initiative, dossier par dossier, être dispensé d’exposer publiquement ses conclusions à l’audience au regard de la nature des questions à juger, de la pertinence de l’éclairage qu’il est oralement susceptible d’apporter à la formation de jugement et de l’intérêt de conclusions pour l’information des parties.”)