APL sur l’asile et l’immigration, ou de quelques sujets d’inquiétude

Le 15 mai 2014, les représentants de l’USMA ont rencontré M Molina, directeur adjoint de cabinet du Ministre de l’intérieur et M Sodini, conseiller technique en charge de l’asile et de l’immigration

Les avant-projets de loi sur l’asile et l’immigration nous ont été présentés dans leurs grandes lignes, et sont d’ailleurs largement diffusés et/ou commentés par les médias depuis le début de la semaine.

Voir l’interview d’Anne Baux, président de l’USMA, dans FIL DP du 16 mai 2014 :

Ces avant-projets de loi inquiètent fortement l’USMA. Certes, l’une des idées fortes du ministère, à savoir l’expérimentation d’un transfert du contentieux de l’asile devant les TA, ne semble plus être d’actualité. Mais cette mesure « phare » n’était que l’arbre qui cachait la forêt…

Expérimentation d’un transfert du contentieux de l’asile : nous avons gagné une bataille…

L’USMA, qui s’est fortement mobilisée sur cette question (voir notre communiqué commun avec l’ACAT et le Syndicat de la Magistrature), se félicite que l’idée d’une expérimentation d’un contentieux de l’asile devant les TA ait été abandonnée. Nous savons cependant que le gouvernement a renoncé à cette expérimentation in extremis, et que nous ne sommes pas à l’abri que cette mesure revienne dans le débat par la voie d’un amendement parlementaire…

…mais pas la guerre : l’idée d’un transfert de l’asile aux TA n’est pas abandonnée !

Si l’expérimentation initialement projetée ne semble plus être à l’ordre du jour, il ne faut pas perdre de vue que l’avant projet de loi comporte bien un transfert partiel du contentieux de l’asile devant les TA.

Il y est en effet prévu que les refus d’asile opposés à des étrangers placés en rétention soient jugés, non plus par la CNDA, mais par les TA, en juge unique et selon une procédure d’urgence.

L’USMA est opposée à une telle mesure, qui amorce un mouvement de transfert du contentieux de l’asile aux TA. Le contentieux de l’asile fait appel à des outils et concepts juridiques spécifiques, à des connaissances géopolitiques solides et à une appréciation experte des pièces et de la cohérence d’un récit : la Cour nationale du droit d’asile, du fait sa spécialisation et de sa composition, est la seule juridiction à même de juger correctement ce contentieux, que les TA ne sauraient, même progressivement, absorber.

L’USMA regrette fortement que la CNDA, qui se voit imposer par nouvelles dispositions des délais de jugement très brefs (un ou quatre mois), ne soit pas dotée des moyens pour faire face à ces nouvelles contraintes. L’avant projet de loi sur l’asile ne comporte en effet aucune des mesures de professionnalisation de la CNDA qui étaient pourtant préconisées par le rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile déposé le 10 avril dernier, et pour lesquelles l’USMA plaidait

Création de nouvelles procédures dérogatoires au droit commun devant les TA

L’avant-projet de loi sur l’asile prévoit la création de nouvelles procédures d’urgence devant les TA pour le jugement des OQTF édictées suite à un refus d’asile et des décisions de transfert prises en application du règlement Dublin : ces décisions seront jugées en juge unique, dans un délai de 15 jours.

L’USMA reste vivement opposée à cette multiplication injustifiée des procédures d’urgence devant les TA, qui ont déjà des difficultés à tenir les délais de jugement qui leur sont astreints dans le contentieux des étrangers. L’USMA rappelle que la collégialité, avec conclusions du rapporteur public, doit demeurer le principe.

Le juge administratif, juge pénal ?!

Ainsi que cela nous avait été annoncé lors de notre rendez-vous au ministère de l‘intérieur du 15 mai 2014, l’avant projet de loi sur l’immigration prévoit de confier au juge administratif le jugement des conditions d’interpellation et de garde à vue des étrangers.

Cette mesure n’est pas acceptable !Loin de revenir sur l’ordre d’intervention des juges administratif et judiciaire (JLD), réinversion que l’ensemble des syndicats de magistrats administratifs et judiciaires appellent de leurs vœux et qui était d’ailleurs préconisée par le rapport parlementaire de M. Fekl, cette mesure consiste à alourdir encore la charge des TA en leur confiant le jugement de mesures qui relèvent naturellement, et constitutionnellement, de la seule compétence du juge judiciaire.

L’USMA va poursuivre son action auprès du gouvernement et son travail de lobbying auprès des parlementaires pour que de telles mesures ne voient pas le jour.