CE, avis,16 octobre 2019, n° 431140 (avocat désigné d’office – OQTF)

JORF n°0245 du 20 octobre 2019 
texte n° 46 

Avis n° 431140 du 16 octobre 2019 

NOR:  CETX1930272V ELI: Non disponible 

ECLI:FR:CECHR:2019:431140.201900916

Le Conseil d’Etat, (Section du contentieux, 6e et 5e chambres réunies)
Sur le rapport de la 2e chambre de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
Par un jugement n° 1902209 du 28 mai 2019, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président du tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur les conclusions de la requête présentées par M. M… B… au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, a décidé, en application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante : est-il possible, et, le cas échéant, dans quelles conditions, pour un avocat désigné d’office pour assister son client, de revendiquer le bénéfice des dispositions des articles 19 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 81 du décret du 19 décembre 1991 ?

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,
– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Rend l’avis suivant :
1. D’une part, les I bis et III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui définissent le régime contentieux applicable à la contestation de certaines obligations de quitter le territoire français, disposent que : « / L’audience est publique. (…). L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office. ». Selon l’article R. 776-22 du code de justice administrative la demande doit intervenir « au plus tard avant le début de l’audience. (…) Quand l’étranger a demandé qu’un avocat soit désigné d’office, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné en informe aussitôt le bâtonnier de l’ordre des avocats près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se tiendra l’audience. Le bâtonnier effectue la désignation sans délai ».
2. D’autre part, selon les termes de l’article 19 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « L’avocat commis d’office ou désigné d’office dans les cas prévus par la loi peut saisir le bureau d’aide juridictionnelle compétent au lieu et place de la personne qu’il assiste ou qu’il a assistée ». Selon l’article 20 de la même loi : « Dans les cas d’urgence, sous réserve de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ». L’article 25 de la même loi dispose que « (…) A défaut de choix ou en cas de refus (…), un avocat (…) est désigné, sans préjudice de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, par le bâtonnier (…) ». L’article 37 de la même loi dispose que : « Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et des frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. (…) ». Enfin en vertu de l’article 81 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l’application de cette loi : « L’avocat ou l’officier public ou ministériel commis ou désigné d’office (…) en application des articles L. 222-1 à L. 222-6L. 511-1, L. 511 3-1, L. 511-3-2L. 512-1 à L. 512-4L. 552-1 à L. 552-10 et L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (…) est valablement désigné au titre de l’aide juridictionnelle si la personne pour le compte de laquelle il intervient bénéficie de l’aide juridictionnelle. (…) ».
3. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’avocat désigné d’office dans le cadre de la procédure prévue par les I bis ou III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile peut obtenir le versement à son profit de la somme mise à la charge de la partie perdante sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à la condition que la personne qu’il assiste ait, soit directement soit par son entremise, en application de l’article 19 de cette loi, sollicité et obtenu l’aide juridictionnelle. Si l’avocat désigné d’office est valablement désigné au titre de l’aide juridictionnelle lorsque la personne qu’il assiste bénéficie déjà de celle-ci, sa désignation d’office ne peut, par elle-même, valoir demande et admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle au profit de cette personne et lui ouvrir droit au bénéfice de ces dispositions. Il s’ensuit qu’il appartient à l’avocat désigné d’office qui entend obtenir le versement à son profit de la somme mise à la charge de la partie perdante de formuler expressément, au besoin dans ses écritures, une demande tendant à l’attribution de l’aide juridictionnelle à son client si celui-ci ne l’a pas fait. Le juge ne peut décider que les sommes mises à la charge de la partie perdante seront versées à cet avocat dans les conditions prévues à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans avoir, au préalable, admis son client au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire sur le fondement de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991, sans préjudice de la décision définitive du bureau d’aide juridictionnelle.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Rennes, à M. M… B…, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur. Il sera publié au Journal officiel de la République française.