Le Gouvernement prépare actuellement un projet de loi sur l’immigration dans le plus grand secret, du moins vis à vis des organisations syndicales de magistrats, qui n’ont, pour l’heure, été consultées sur aucun texte.
C’est donc, à partir d’une version officieuse du projet, que l’USMA souhaite appeler l’attention de l’opinion publique et des parlementaires sur les aspects qui touchent à l’organisation de la justice administrative.
Le projet instituerait notamment un nouveau dispositif lorsque l’administration refuse un titre de séjour à un étranger. Celui-ci ne serait plus « invité à » mais « obligé de » quitter le territoire national dans un délai d’un mois. S’il n’obtempérait pas, l’administration pourrait, d’office, le reconduire à la frontière. Pour y faire obstacle, l’intéressé devrait saisir le juge administratif dans un délai de 15 jours, ce recours étant suspensif. Le juge aurait deux mois, et seulement 72 h en cas de rétention, pour statuer non seulement sur la légalité du refus de titre de séjour mais aussi sur celle de l’obligation de quitter le territoire.
A première lecture, ce nouveau système qui conduit à faire juger en même temps le refus de titre de séjour et l’obligation de quitter le territoire (alors qu’actuellement, le refus de titre et la reconduite à la frontière donnent lieu à deux requêtes et, le plus souvent, à deux audiences, très distantes l’une de l’autre dans le temps, voire dans l’espace) semble éviter l’installation de situations, juridiquement et humainement insolubles, sans réduction des droits des intéressés.
Néanmoins, le délai de recours est trop court pour permettre à l’étranger de trouver un défenseur spécialisé dans ce droit et constitue une régression par rapport au droit actuel pour les refus de titre : 15 jours au lieu de deux mois. Le délai laissé au juge pour statuer est également trop bref. Si on veut que la réalité soit conforme au droit, surtout dans les régions où le contentieux des étrangers est très abondant, quatre mois seraient nécessaires.
Par ailleurs, même si le texte ne l’indique pas, il est prévu, par un décret en préparation, que ce nouveau dispositif soit confié à un juge unique. A l’heure où l’affaire d’Outreau montre tous les dangers de l’isolement des magistrats et où nombre de voix réclament un retour vers plus de collégialité dans les décisions judiciaires, l’USMA désapprouve la généralisation du juge unique dans la justice administrative pour le droit des étrangers, lourd de conséquences pour les intéressés, humainement délicat et juridiquement de plus en plus complexe. Elle demande le maintien de la collégialité pour juger les nouveaux refus de titre assortis d’une obligation de quitter le territoire.
Enfin, ce projet va à l’encontre d’un souci de clarification et de simplification du droit car il laisse subsister l’ancien système des reconduites à la frontière notifiées par voie postale et ne règle pas le sort des milliers de dossiers actuellement en instance devant les juridictions administratives.