Avant d’entrer dans le vif du sujet qui nous préoccupe, l’USMA a relevé un point important (et positif) de cette enquête : l’immense majorité des collègues demeure fière de travailler au sein des juridictions administratives.
Ce qui veut dire qu’en travaillant sur les leviers de progrès dont nous disposons, et en y travaillant ensemble, nous pouvons améliorer les conditions de travail des magistrats sans rien perdre de leur efficacité et de leur motivation !
Les résultats de l’enquête confirment, s’il en était besoin, ce que l’USMA dénonce depuis plusieurs années.
Ils appellent des réponses à la hauteur du mal-être des magistrats administratifs, et ce d’autant que les magistrats dénoncent vainement depuis plusieurs années, par le truchement de leurs organisations syndicales, le caractère insoutenable de leur charge de travail. Ils attendent aujourd’hui une réelle prise en compte des problèmes qu’ils expriment en conscience, prise en compte qui ne peut plus se borner – en tout cas peut-on l’espérer – à partir du postulat que cette hausse de leur charge de travail relève du domaine du ressenti.
Trois points méritent d’être soulignés :
°) les magistrats ont majoritairement dénoncé une charge de travail insupportable. Cette conclusion se décline en deux branches :
- une charge effective insoutenable qui entraine une rupture d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. L’USMA estime que les collègues ont besoin d’être entendus sur ce point et de voir s’atténuer la pression statistique pour remplir leur office. Il est temps de cesser d’enfermer les magistrats dans une logique purement comptable d’où serait absente toute préoccupation de service public et contribution à l’œuvre juridictionnelle.
- une charge de travail ressentie comme la conséquence d’un sentiment d’isolement de l’exercice des fonctions. Ce sentiment d’isolement a pour corollaire une soif de reconnaissance des magistrats d’autant plus forte que leur investissement professionnel déséquilibre leur vie privée.
2°) A l’instar des agents de greffe, les magistrats ont exprimé le besoin d’une plus grande attention managériale concernant le climat interne, les avis et propositions qui peuvent être émis, et le besoin d’être mieux reconnus dans leurs missions.
L’USMA attire l’attention du gestionnaire depuis des années sur la nécessité de revoir le recrutement tout entier et la définition même du métier de chefs de juridiction afin d’adopter une éthique à l’aune des principes qui gouvernent la responsabilité sociétale des entreprises
Il est par ailleurs attendu une plus grande transparence des chefs de juridiction dans la communication de leurs avis d’avancement, la notification les explications de la part variable attribuée.
3°) L’absence de sentiment d’appartenance au Conseil d’Etat est également un point à relever.
L’enquête révèle le sentiment persistant chez nos collègues d’une absence d’unité, au sein de l’ordre administratif, entre les juridictions administratives et le Conseil d’Etat. Ce sentiment est sans doute accru par la politique d’augmentation de la productivité suivie depuis plusieurs années et qui a atteint ses limites.
Nous avons trop souvent le sentiment de n’être pas entendus, à propos des difficultés que nous faisons remonter, par excès de confiance dans des statistiques imparfaites et qui ne rendent pas fidèlement compte, là encore, de la dégradation des conditions de travail des magistrats.
Ainsi, nous avons vainement formulé le vœu que la composition du groupe de travail sur la charge de travail soit suffisamment représentative de toutes les juridictions, pour tenir compte de leur diversité.
De même, si l’USMA s’est félicitée de la mise en place, depuis le début de l’année 2016, d’un véritable dialogue social, au cours duquel nous bénéficions d’une écoute attentive, et alors même que quelques unes de nos revendications ont été entendues, elle a regretté l’absence de véritables avancées sur les sujets essentiels que sont la charge de travail, la question du travail dématérialisé, celui du déroulement de carrière, qui sont tous au cœur des problèmes relevés dans cette enquête.
Dans le dialogue qu’elle nourrit avec le Conseil, l’USMA est une force de proposition visant à répondre au mal-être de nos collègues :
- elle a réitéré son souhait de renverser la logique productiviste : nous ne souhaitons plus que des objectifs quantitatifs assignés aux chefs de juridiction, puis déclinés et divisés entre les magistrats, soient la clé de voûte de l’organisation de nos tribunaux. Il est impératif que nous partions du temps de travail que le magistrat est en mesure de consacrer à ses audiences, après déduction du temps consacré aux audiences, aux délibérés, aux journées de formation, de réunions, de commissions, aux journées consacrées aux temps de repos… Objectivement, il est facile de constater que ce temps n’est pas extensible, qu’il est partout en France déjà largement dépassé, un magistrat ne pouvant consacrer plus de 160 jours, le plus souvent, à la préparation de ses dossiers. Le ratio nombre de dossiers par magistrats figurant dans les rapports budgétaires au Parlement est déjà décroché de ce chiffre, et il est illusoire de croire qu’un magistrat administratif peut se consacrer, la même journée, à plus de deux, voire trois dossiers.
- L’USMA se prononce ouvertement en faveur d’un déroulement de carrière offrant des perspectives intéressantes à nos collègues : nous demandons la suppression des chambres à trois rapporteurs, l’ouverture des postes de vice-président que nécessiteront la création des chambres nouvelles, la création de postes de présidents en charge des référés, la création de postes de magistrats chargés de diriger les pôles d’aides à la décision.
- L’USMA considère qu’il est essentiel de développer les possibilités pour les magistrats administratifs d’accéder au CE, que ce soit par le tour extérieur et par le détachement.
- L’USMA demande une reconnaissance de la place du juge administratif dans la société : de ce point de vue, le refus de nous reconnaître un statut constitutionnel et les attributs symboliques suscite l’incompréhension.
- L’USMA demande enfin au Conseil d’Etat d’admettre les conséquences des dysfonctionnements des outils et applications métier et l’inadaptation du travail dématérialisé pour certains dossiers.
La performance ne peut être atteinte sans rechercher le bien être au travail.
Sur ces questions essentielles, les magistrats attendent, avec une impatience certaine, des mesures !