FICHE DEBAT n°5 :
REMUNERATION, PRIMES, EVALUATION et AVANCEMENT
Les propositions de l’USMA en matière de rémunération, primes et accessoires :
– revaloriser les rémunérations sans augmenter la part modulable de la prime individuelle, qui n’aurait d’autre effet que d’abîmer notre efficacité collective ;
– rémunérer (correctement) l’ensemble des travaux supplémentaires exigés des magistrats (commissions bénévoles ou sous-payées, astreintes, etc.) ;
– porter une attention plus importante aux magistrats par les œuvres sociales, en leur octroyant des tickets restaurant ou en subventionnant leurs repas et en accroissant le soutien financier aux activités récréatives dans les juridictions.
Les propositions de l’USMA en matière d’évaluation :
– Homogénéiser les pratiques en édictant une circulaire nationale prévoyant un entretien mené par le président de chambre, préalable à l’entretien d’évaluation conduit par le président de juridiction ;
– Prévoir une évaluation comprenant des rubriques de compétence conjoncturelle et des rubriques de compétence structurelle, les premières pour l’année écoulée, les seconde pour mettre en évidence la capacité grandissante du magistrat à occuper les fonctions auxquelles il peut prétendre par avancement, et notamment président de chambre.
Les propositions de l’USMA en matière d’avancement :
– préciser la doctrine du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel pour l’accès au grade de président, afin d’écarter tout risque de discrimination et promouvoir des magistrats conscients des exigences attachées à la fonction de président ;
– nommer des chefs de juridiction, non pas pour leurs seules qualités intrinsèques, mais également pour leur capacité à rechercher l’efficience plus que l’efficacité pure et à satisfaire le droit à la justice sans atteindre le bien-être de ses magistrats ;
– évaluer la capacité des chefs de juridiction à évaluer et proposer nos futurs présidents de chambre.
- Rémunération, primes et accessoires
Nous l’avons dit dans nos précédents fiches, il nous faut construire des parcours de carrière au sein de la juridiction administrative, pour demeurer un corps attractif pour les potentiels entrants, quelle que soit la voie de recrutement, et pour garder avec nous ceux qui pourraient croire l’herbe plus verte ailleurs.
Nous l’avons également dit, la rémunération place aujourd’hui les magistrats administratifs dans une situation financière défavorable au regard des autres corps issus de l’école nationale d’administration.
A une demande de revalorisation de leur rémunération, les magistrats financiers se sont vu répondre par une augmentation considérable de la modulation de la part variable. C’est l’inverse de ce que nous voulons.
Travailler plus, c’est fait…
Plus personne ne conteste les efforts très importants fournis par la juridiction administrative pour réduire ses délais de jugement en préservant la qualité de ses productions, efforts qui ont des conséquences très importantes sur la qualité de vie de chacun d’entre nous.
Il est donc nécessaire et logique que ces efforts soient, non pas récompensés, mais reconnus, pour ce qu’ils apportent au bien commun.
Si l’on pourrait regretter que l’argent constitue un aspect trop déterminant de la réussite personnelle, il n’est reste pas moins que les magistrats administratifs, impliqués et efficaces, doivent pouvoir prétendre à la même sensation de réussite que les membres des autres corps issus de l’école nationale d’administration.
Le goût (amer) du bénévolat
Bureau d’aide juridictionnelle, commissions électorales universitaires, conseils de discipline dans la fonction publique territoriale, jurys d’examen, suivi des expertises et des commissaires enquêteurs, remplacement des collègues qui partent en cours d’année pour les permanences laissées vacantes, week-end d’astreintes, etc. : les occasions de montrer notre désintéressement sont nombreuses, et nous n’en serions pas si choqués, si ces diverses perturbations étaient véritablement inclues dans notre temps de travail.
Mais ce n’est pas le cas, puisqu’aucune décharge de travail n’est prévue pour compenser ces contraintes, la défalcation de dossiers après une permanence étant seule possible, laissée à l’appréciation de chacun et parfois mal perçue par le président de chambre ou le chef de juridiction
Il est temps que l’Etat, législateur et pouvoir réglementaire, comprenne que la pression statistique exclut désormais que nous perdions notre temps à faire autre chose. Ou que le Conseil d’Etat admette que notre charge de travail est encore plus lourde du fait de ces activités annexes et qu’il les intègre dans notre temps de travail. Ou encore qu’il rémunère honorablement l’ensemble de ces commissions et taches annexes à la réalisation de dossiers en collégiale, pour que nos chefs de juridiction parviennent à trouver des volontaires, sans avoir à les désigner.
Un désintéressement unilatéral
Une autre difficulté tient à ce que le désintéressement exigé de nous est unilatéral. Nombre d’entre nous se voient reprocher leur consommation excessive de papier, « deux écrans c’est suffisant », des formations leur sont parfois refusées, qu’ils soient en métropole ou Outre-mer, nos boîtes mail sont fermées en mobilité, une menace plane sur nos bases de données, nos locaux sont parfois étroits et vétustes et nos outils informatiques d’un autre siècle ou inadaptés à la fonction que l’on veut leur donner. Tout cela est justifié par une exigence budgétaire.
Pas ou presque pas d’œuvres sociales. Des subventions aux associations locales qui ne peuvent être pérennes. Des chèques cadeaux de 25 ou 30 euros à noël qui prémunissent les magistrats d’avoir des enfants gâtés.
Des tickets restaurant, soit refusés, soit à la valeur gelée, alors que l’accès aux restaurants administratifs n’est pas subventionné par notre gestionnaire, contraignant nos collègues dans certaines villes, à exposer un budget repas très important (pour prendre un exemple connu, à Versailles, 20 euros est un prix moyen, cela fait 400 euros par mois pour les mois intégralement travaillés).
Nous mélangeons tout, nous dirons certains : les prestations du comité d’action sociale, les exigences de notre gestionnaire, la stagnation des rémunérations.
C’est notre quotidien qui est pourtant en cause, nos efforts constants, dommageables parfois à nos familles et à notre santé, qui ne sont pas reconnus. Ni par une rémunération, ni par une attention portée à ce que nous sommes.
Les efforts consentis par les magistrats depuis plusieurs années doivent être reconnus par une juste rémunération, dans toutes ses composantes.
Magistrat de compétition
Le corps des magistrats administratifs demeure le moins rémunéré parmi les corps recrutés par la voie de l’école nationale d’administration, rattrapant toujours avec retard le corps des magistrats de CRC.
Lors d’une réunion de dialogue social tenue à la fin de l’année 2017, le secrétariat général du Conseil d’Etat nous avait indiqué qu’un alignement sur les conditions de rémunération des magistrats de chambre régionale des comptes ne pouvait être envisagé, à la demande de l’exécutif, que par une augmentation de la part modulable des primes.
En d’autres termes, le pouvoir exécutif prétend placer les magistrats individuellement en concurrence les uns avec les autres pour trouver une solution innovante d’accroissement de la productivité.
L’USMA lutte à vos côtés chaque jour pour que la juridiction administrative retrouve le goût du collectif.
L’USMA se bat pour que la juridiction conserve son unité, d’abord pour qu’une solidarité plus grande soit organisée au sein des chambres dans le cadre d’une détermination partagée des objectifs collective incluant le rapporteur public, pour qu’une solidarité entre chambre soit ensuite mise en place et permette un rééquilibrage des stocks lorsque cela est utile au justiciable et à la juridiction, pour qu’une solidarité entre juridictions permette encore une réallocation des moyens en fonction des défis elles sont confrontées et, enfin, pour qu’une solidarité entre les tribunaux, les cours et le Conseil d’Etat se fasse jour, car nous sommes magistrats, dans nos têtes si ce n’est dans la loi, de la première instance à la cassation.
L’USMA refuse donc tout net que le collectif soit à nouveau malmené par des primes à la productivité dépourvues de sens et assurément ressenties comme arbitraires.
Le rattrapage des rémunérations, nécessaire pour rendre à nouveau le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel attractif, ne peut s’inscrire que dans la satisfaction d’objectifs collectifs.
Nous appelons donc de nos vœux, d’une part, une augmentation de la rémunération, procédant d’une revalorisation et d’une refonte indiciaire et non d’une augmentation de la part de primes dans le traitement.
Et, en tout état de cause, d’autre part, nous souhaitons que les primes, si elles doivent perdurer, portent l’action collective, et cessent de créer une concurrence individuelle dépourvue de sens entre personnes qui travaillent mieux à plusieurs.
Nous ne sommes pas une chaîne de production, nous sommes une juridiction.
- L’évaluation
Mieux vaut prévenir que guérir
L’évaluation est un moment important de l’année judiciaire pour chacun d’entre nous.
Un instant de répit à l’issue de l’année écoulée à courir contre le temps pour faire passer les dossiers de la pile de gauche « à faire » à la pile de droite « à enrôler » (ou, pour certains, « à envoyer très, très rapidement au rapporteur public »).
Le temps du bilan de l’année écoulée où nous avons dû passer, pour la majorité d’entre nous, par quelques périodes terribles à tenir la tête hors de l’eau. Et, heureusement encore pour une minorité, que nous avons traversée en nous perdant un peu, de vie familiale plus ou moins perturbée en arrêts maladie.
C’est donc un moment où nous attendons un regard bienveillant, et c’est, disons-le honnêtement, souvent le cas.
Mais dire que c’est toujours le cas serait passer sous silence les entretiens au cours desquels votre chef de juridiction vous annonce que vous manquez de rigueur, que votre rédaction n’est pas suffisamment claire ou que vous avez un peu trop défalqué, ou pas assez sorti de dossiers anciens, alors que votre président de chambre n’avait évoqué aucune de ces difficultés au cours de l’année.
Et c’est le premier écueil que l’USMA souhaiterait voir corrigé par notre gestionnaire : nous demandons qu’une circulaire du secrétariat général vienne préciser les modalités de la tenue de deux entretiens, le premier avec le président de chambre, le second avec le chef de juridiction.
Nous appelons de nos vœux le recrutement au grade de président de personnes disposant d’aptitudes managériales. Mais tous les présidents actuels ne le sont pas, et tous ne le seront pas toujours, et il est important de les guider.
Quoi de mieux que de leur demander de réaliser avec chacun des magistrats un pré-entretien à l’entretien d’évaluation avec le chef de juridiction, pour leur dire honnêtement ce qu’ils lui ont transmis comme éléments d’appréciation du travail accompli ?
Cette obligation aurait deux effets positifs :
– d’une part, elle conduirait les présidents de chambre à informer les magistrats au cours de l’année de ce qui ne va pas (les conduisant nécessairement à dire aussi ce qui va bien) pour ne pas avoir à assumer en fin d’année, devant le magistrat, une critique qu’ils auraient oublié de formuler. Il y a là à la fois une chance laissée au magistrat de progresser sur ses points faibles et une attention portée à son travail en cours d’année qui aidera ceux qui rencontrent des difficultés.
– d’autre part, elle éviterait que des collègues découvrent lors de l’entretien annuel que leur président de chambre porte une appréciation défavorable sur leur travail, alors même qu’il s’était montré tout sourire au cours de l’année. L’ambiance dans les chambres serait assurément plus sereine l’année suivante.
Être évalué pour avancer
S’agissant du contenu même de l’évaluation, il nous semble que si les croix à avancement automatique à l’ancienneté, pratique assez partagée, ne sont pas une solution satisfaisante, la suppression des croix n’en est pas une non plus. Les évaluations sont un élément important de l’appréciation portée au stade des avancements au grade de président et la lecture de celles-ci en style exclusivement littéral ne rendra pas aisée les comparaisons.
Il nous semble qu’une grille pourrait être réfléchie permettant de faire redescendre les croix, le cas échant, sans remettre en cause les compétences d’un magistrat. Par exemple, la croix correspondant à la technicité juridique pourrait redescendre, si cela est avéré, en cas de changement de matière, et être compensée par une croix dans une rubrique « capacité à appréhender une nouvelle matière », laquelle augmenterait à chaque changement de matière. En d’autres termes, l’évaluation pourrait comprendre des rubriques de compétence conjoncturelle et des rubriques de compétence structurelle, les premières pour l’année écoulée, les secondes pour mettre en évidence la capacité grandissante du magistrat à occuper des fonctions de président.Et les croix seraient en tout état de cause complétées par des appréciations littérales.
- L’avancement
Premiers conseillers, premiers servis
Nous passerons rapidement sur l’avancement au grade de premier conseiller, qui demeure quasi-automatique.
P1-P4, des présidents normaux
La promotion au grade de président est en revanche un évènement particulièrement marquant de la carrière des magistrats, souvent appréhendé comme une reconnaissance des compétences de celle ou de celui qui y accède et comme une opportunité de diversification des fonctions. L’absence d’inscription au tableau d’avancement a un effet inverse et laisse nos collègues promouvables dans une relative stupeur et une inévitable déception.
L’enjeu exige que les chefs de juridiction informent et justifient auprès de chacun de nos collègues leur classement et portent aux avis d’avancement une attention correspondant à la hauteur de cet évènement. Mais l’enjeu exige également de notre gestionnaire, d’une part, une transparence totale sur les critères qui doivent présider aux choix des lauréats, d’autre part une transparence totale sur ce qui a justifié que certaines candidatures soient retenues et d’autres écartées.
Il nous semble donc souhaitable que la doctrine du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel puisse être précisée sur les points suivants :
– l’absence de discrimination par l’âge. Nos collègues qui méritent d’être présidentes ou présidents ne le méritent pas moins à l’approche de la retraite. Et ils libèreront en outre relativement rapidement un poste de président pour les autres ;
– la prise en compte de la compétence contentieuse, appréciée notamment au regard du temps de carrière passé au sein des juridictions administratives ;
– l’absence de discrimination syndicale. Il est du devoir des représentants syndicaux d’être parfois offensifs, voire clivants, pour vous représenter efficacement. Il va de soi que notre détermination au service du collectif des magistrats ne doit pas avoir pour effet de nuire à notre déroulement de carrière. L’USMA sera toujours particulièrement attentive sur cette question s’agissant de l’ensemble des personnes ayant eu des responsabilités syndicales, tant à l’USMA qu’au SJA ;
– l’absence de discrimination à l’égard des collègues exerçant à temps partiel ;
– l’absence de discrimination fondée sur la voie d’entrée dans le corps ou au regard des fonctions exercées antérieurement à l’entrée dans le corps. L’USMA continue de demander que le principe d’équivalence, applicable aux magistrats entrés dans le corps après les années pivots mais exerçant auparavant des fonctions d’un niveau équivalent à celui du corps, et aux années de scolarité à l’ENA soit expressément clarifié ; si les vertus et les talents ont pu être développés dans un autre cadre, cela ne doit pas être un présupposé mais une réalité justifiée.
Au-delà de la transparence des critères et de la lutte contre les discriminations, l’USMA propose des solutions constructives s’agissant de l’accès au grade de président :
- nous demandons la disjonction du grade et de la fonction de président, pour permettre à chacun de choisir la voie qui lui convient : expert ou manager ;
- nous demandons un effort de formation des futurs chefs de juridiction à l’exercice délicat des promotions, en les sensibilisant à la détection de profils adaptés, ainsi qu’à l’importance de la gestion des entretiens des magistrats promouvables et de la rédaction des avis d’avancement motivés et sincères ;
- nous demandons que les magistrats promouvables fassent acte de candidature, réfléchissent et exposent leur motivation dans leur candidature et l’illustrent par leur parcours ;
- nous demandons que l’ensemble des magistrats promouvables soient informés de la liste des postes susceptibles d’être vacants pour maintenir utilement leur candidature ou la retarder au regard de leurs contraintes personnelles et géographiques ;
- nous demandons enfin que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel soit pleinement investi du pouvoir d’établir le tableau d’avancement, sur la base d’un choix fondé sur des critères objectifs et une grille d’évaluation des candidats.
Nos présidents de chambre sont un rouage essentiel du fonctionnement de nos juridictions. De plus en plus manager, vigie des risques psycho-sociaux, ils doivent être recrutés pour leur capacité à mener une équipe en préservant le bien-être de ses membres.
Chacune et chacun des magistrats promouvables doit savoir ce qui est attendu des magistrats qui occupent des fonctions de président de chambre et comprendre pourquoi, lorsque le moment est venu, il est ou non inscrit sur le tableau d’avancement.
Chacune et chacun d’entre nous doit, par l’intermédiaire de ses représentants, pouvoir s’assurer que les promotions sont motivées par la seule nécessité du corps et exemptes de toute discrimination.
L’USMA plaide ainsi que l’évaluation des chefs de juridiction fasse une place importante à une de leurs missions essentielles : évaluer et proposer nos futurs présidents de chambre.
Des présidents de juridiction jupitériens ?
Il existe une certaine défiance à l’égard des présidents de juridiction, très fréquemment (mais pas toujours) sans fondement.
Eux sont soupçonnés, parce qu’ils ont survécu à au moins deux avancements consécutifs, d’avoir vendu leur âme au gestionnaire.
Manager d’équipes parfois nombreuses, souvent compartimentées (magistrat/greffe), soumis aux exigences contradictoires de magistrats qui réclament le temps nécessaire au travail bien fait et d’un gestionnaire maître de la statistique glissante, pris entre le « jugez vite, nous jugerons bien » et le « jugeons moins, nous jugerons mieux », le président de juridiction, adepte du « jugeons vite et jugeons bien », doit être une personne habile.
C’est à la reconnaissance de cette aptitude à faire aussi bien que possible avec les moyens qu’il a, à rechercher l’efficience plus que l’efficacité pure, à satisfaire le droit à la justice sans atteindre le bien-être de ses magistrats que l’on reconnaît un bon chef de juridiction.
Sur le sujet, les recommandations de l’USMA sont simples : les chefs de juridiction doivent savoir tenir cet équilibre. Ils doivent être formés pour tenir cet équilibre et contrôlés dans leurs pratiques. Leur nomination ne doit tenir compte que de cela, indépendamment des mérites dont les candidats peuvent se prévaloir par ailleurs.