Rencontre avec M. MARIANI sur l’application de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration et au séjour des étrangers en France le 12 octobre 2005 .Ont participé à cette rencontre Paul Louis Albertini et Sabine Saint-Germain
M. MARIANI, qui utilise pour la seconde fois les nouvelles dispositions du règlement de l’AN permettant un « droit de suite » aux rapporteurs de chaque loi, souhaite cette année, présenter un rapport plus qualitatif sur l’application de la loi du 26 novembre 2003. Il nous a indiqué que le ministre de l’intérieur prépare actuellement un projet de loi qui devrait être prêt pour le mois de janvier 2006. Dans ce cadre, les observations recueillies au cours des présentes auditions pourront déboucher sur des propositions au ministre. Il nous a informé que le ministre comptait remettre en cause les possibilités de régularisation des étrangers sur la base d’un séjour d’au moins 10 ans.
Les observations de l’USMA ont porté sur les points suivants.
I Application des dispositions de la loi
Nous avons présenté peu d’observations tant en ce qui concerne le nouveau régime de la double peine qu’en ce qui concerne la protection temporaire. Si ce n’est que :
nous constatons que l’administration abroge peu les arrêtés d’expulsion qui concernent des étrangers directement visés par les nouvelles dispositions législatives ;
l’administration est surchargée et se défend peu, même en matière d’expulsion ministérielle.
L’administration française semble avoir des difficultés pour connaître précisément la situation administrative d’étrangers qui ont transité ou séjourné dans d’autres Etats membres.
M. MARIANI nous a demandé comment s’appliquaient les dispositions sur l’intégration républicaine des étrangers. Nous avons indiqué que nous n’avions rien vu se rapportant à une telle condition dans nos dossiers.
II- Difficultés rencontrées sur d’autres dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
1-La nécessaire modification du régime des reconduites à la frontière
Nous avons exposé la situation actuelle au Député : « Le Gouvernement a décidé d’augmenter le nombre de reconduites à la frontière et d’être plus sévère et rapide en matière de titre de séjour et d’asile. Nous en ressentons vivement les effets : le contentieux des étrangers + 20% entre 2003/2004. Le rythme semble se ralentir depuis quelques mois : sur les 12 derniers mois +3%. Les RAF qui avaient cru de 50% ralentissent également sur les 12 derniers mois : +21% Mais il y a un transfert vers les référés qu’il ne faut pas négliger : +30 % sur les derniers 12 mois. Enfin les expulsions, dont le volume national reste encore faible (360 ) ont cru de 10% sur les 12 derniers mois. Le contentieux des étrangers représente aujourd’hui 24 % des requêtes entrées dans les TA et parmi celles-ci, 43 % concernent des RAF.
Cette augmentation du contentieux intervient dans un contexte budgétaire difficile : depuis 2 ans la loi de programmation n’est pas respectée alors même qu’elle était fondée sur une base de croissance du contentieux de 5% annuels sans commune mesure avec la réalité de 2003 et 2004 :+ 17% et + 18% ces deux dernières années dans les TA.
D’où des tribunaux qui jugent en retard et dont le stock augmentent, même si les situations sont contrastées géographiquement. En matière de contentieux des étrangers, il existe aussi de grandes disparités. Mais les tribunaux et désormais les CAA depuis 1er janvier 2005, en application du décret du 29 juillet 2004, ne sont pas les seuls à crouler sous ce contentieux. Les administrations préfectorales, elles aussi ont du mal à suivre et très souvent nous avons des difficultés pour obtenir des mémoires en défense. Des erreurs se multiplient par ailleurs. Il arrive également qu’on évoque devant nous des attitudes inadmissibles des administrations (par ex refus de délivrer des récépissés).
Or, en matière de RAF notifiées par voie postale, vous le savez bien puisque vous l’indiquiez dans votre rapport de 2003 page 15, la majorité des décisions ne sont pas exécutées. Le taux d’exécution, ne dépasse pas 1% de sources diverses. A l’heure des restrictions budgétaires, quel gâchis de l’argent public et quel discrédit pour la rigueur affichée. Nous demandons donc la suppression des APRF par voie postale. Deux solutions :
la suppression « sèche » de ces arrêtés. Seuls les APRF par voie administrative, dont le taux d’exécution est nettement meilleur et peut encore s’améliorer sans doute, subsisteraient.
un système proche du système allemand, actuellement proposé par le CE : les refus de titre seraient assortis d’une obligation de quitter le territoire dans le mois qui suit ; recours suspensif ; jugement dans les deux mois sauf rétention (72 h dans ce cas) ».
M. MARIANI qui pensait nous interroger sur les APRF par voie postale est bien conscient de la situation et ne comprend pas l’attitude de l’administration. Il semble selon lui y avoir un consensus sur le sujet. Il en parlera au ministre de l’intérieur qui pourrait reprendre ces idées dans le cadre de son futur projet de loi.
En tout état de cause, nous avons demandé que si les APRF par voie postale n’étaient pas supprimés, qu’au moins nous puissions les juger sans contrainte de délai. En revanche, nous lui avons confirmé que le délai de 72 h pour les autres APRF, dont l’allongement a été bien accueilli et ne soulève aucune difficulté de mise en œuvre, devait subsister.
2- Le problème des étrangers malades :
« Beaucoup d’étrangers viennent se faire soigner en France ou tombent malades en France. Nombre de nos dossiers concernent des étrangers malades. La politique en la matière est plus rigoureuse. Néanmoins, nous devons appliquer la loi et respecter notre procédure contradictoire. Trois conditions doivent être remplies pour qu’un étranger malade obtienne un titre de séjour : un séjour habituel en France, les conséquences exceptionnellement graves d’un défaut de prise en charge de l’état de santé du malade et traitement approprié dans le pays d’origine. C’est sur cette dernière condition que nous rencontrons de grandes difficultés : le médecin chef de la préfecture remplit un formulaire où il coche des cases et les parties nous produisent parfois des attestations de médecins hospitaliers ou de ville, des rapports de la croix rouge, des informations données aux touristes qui montrent que telle pathologie ne peut être soignée dans le pays d’origine. Il nous faudrait du côté de la préfecture des éléments plus circonstanciés tant en ce qui concerne l’état de santé de l’étranger que la possibilité de lui donner des soins appropriés dans le pays dont il a la nationalité, car notre procédure est guidé par le principe fondamental du contradictoire et par l’obligation que nous avons de ne juger qu’aux regards des pièces figurant dans le dossier. Il ne faut pas changer les textes ; il faut changer les pratiques ».
M. MARIANI a pris note de cette demande.