Contribution dans le cadre de l’examen par l’Assemblée Nationale du projet de loi de finances pour 2022

Réponses au questionnaire adressé par M. le rapporteur spécial Daniel Labaronne

Pouvez-vous présenter l’Union syndicale des magistrats administratifs ? Quel bilan faites-vous de l’activité de l’USMA en 2021 ? Quelles sont vos priorités pour 2022 ?

Créée en 1986, l’USMA a recueilli près de 40% des suffrages aux dernières élections professionnelles. Depuis l’origine, notre syndicat milite pour un véritable statut de magistrat aujourd’hui revendiqué par la majorité de membres du corps. En 2012, le législateur a consacré une de nos revendications historiques, celle de l’inscription de notre qualité de magistrat dans le code de justice administrative à l’article L. 231-1.

Cette consécration législative devrait être poursuivie au niveau constitutionnel afin que la juridiction administrative y soit reconnue à part entière et pas uniquement à travers le Conseil d’Etat et le filtre de la QPC. Une loi organique nous protègerait d’évolution par voie d’ordonnance de notre statut.

Nous défendons également la création d’un corps unique de magistrats administratifs de la première instance à la cassation. Comme vous le savez il existe actuellement un corps des membres du CE et un pour les magistrats TA/CAA. Rien ne justifie aujourd’hui cet héritage historique incompréhensible.

Enfin nous demandons la possibilité de prêter serment et de porter la robe comme la plupart des juges en Europe. La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’indépendance du pouvoir judiciaire a écouté nos demandes et préconisé ces deux attributs symboliques. Nous poursuivons nos discussions avec le Conseil d’Etat gestionnaire mais demandons également l’appui des parlementaires sur ce sujet structurant pour nous.

Forts d’un sondage interne réalisé en 2020 auquel 800 magistrats sur 1200 ont répondu avec un résultat de 66% en faveur de la robe et 70 % pour la prestation de serment, nous avons pu réimposer la tenue du débat devant notre conseil supérieur. Seul le principe de la prestation de serment a été retenu. Nous estimons que la réforme de la haute publique qui va complètement brouiller notre image auprès du justiciable, le port de la robe est toujours plus d’actualité.

Cette réforme dont nous tentons d’expliquer les effets négatifs profonds sur nos carrières et nos vies personnelles, sur le niveau de compétence juridique, la vision que le justiciable a de nous et l’organisation des juridictions, pour un bénéfice supposé que l’on peine à comprendre, nous occupe beaucoup.

Sur l’ensemble de ces questions qui constituent lignes fortes, y compris en 2022, nous sommes bien évidemment à votre disposition pour échanger.

Nos autres objectifs cette année sont l’amélioration de nos conditions de travail (éviter que l’accroissement du contentieux n’affecte la charge de travail déjà très lourde). Cela passe par une véritable formation pour les greffiers et les aides à la décision, un recrutement à la hauteur des enjeux, des jours de congés réellement pris, une qualité de vie au travail et des conditions matérielles suffisantes pour exercer nos métiers, sans dématérialisation incontrôlée. Nous sommes aussi très concernés par la réforme liée à l’open data et pointons les risques de profilage des magistrats.

L’article L. 10 du code de justice administrative qui prohibe le profilage renvoie à l’infraction et aux peines prévues aux articles 226-18, 226-24 et 226-31 du code pénal dont on peut douter qu’elles seront efficaces voire même qu’elles s’appliqueront s’agissant de données mises à disposition.

Quel premier bilan faites-vous de l’activité respective du Conseil d’État, de la Cour nationale du droit d’asile, de la Commission du contentieux du stationnement payant et des autres juridictions administratives au cours de l’année 2021 ? Sur quelles difficultés rencontrées souhaiteriez-vous appeler l’attention du rapporteur spécial ?

Dans l’augmentation générale des saisines, la CCSP présente une situation inquiétante que vous connaissez. Elle a enregistré au premier semestre 2021 plus de requêtes que pour toute l’année 2020. Cette augmentation est structurelle. Elle résulte de l’inconstitutionnalité des dispositions faisant de l’obligation préalable de paiement une condition de recevabilité des recours devant la CCSP. L’évolution législative que vous envisagez jouera sur ce premier facteur. En revanche, la hausse s’explique aussi par le renforcement des contrôles des dispositifs de stationnement à Paris, ce que d’autres villes prévoient d’imiter.

La juridiction, qui compte 12 magistrats et 133 agents de greffe, n’est en capacité de juger que la moitié du flux entrant 2021. Son stock représente déjà plus d’un an de capacité de jugement et il est amené à doubler cette année. Il convient de préciser que lorsque le stock vieillit, il devient plus lourd à traiter. Les renforts de magistrat prévus permettront la création d’une chambre mais ils doivent s’accompagner de recrutements d’agents de greffe et d’aide à la décision puisque chaque magistrat encadre un cabinet de trois assistants du contentieux.

Nous connaissons l’expertise de Monsieur le député sur le sujet de la CCSP. Nous confirmons l’urgence de la modification législative portée par lui. Nous sollicitons également pour cette juridiction administrative spécialisée une évolution symbolique vers une plus grande juridictionnalisation. Cela passe facilement par un changement de nom : au lieu de « commission du contentieux du stationnement payant » cela pourrait être, sans changer l’acronyme, « cour contentieuse du stationnement payant ». Par ailleurs, dans le document budgétaire, Conseil et contrôle de l’Etat, il semble que son budget serait prévu dans l’action  « 05 – Fonction Études, expertise et services rendus aux administrations de l’État et des collectivités ». Or il nous semble que son budget pourrait faire l’objet, comme pour la CNDA, d’une action indépendante.

Le Conseil d’Etat a vu croître fortement les référés durant la crise sanitaire. Entre le 17 mars 2020 et le 17 mars 2021 647 recours liés à la pandémie ont été jugés en urgence.

Pour les juridictions administratives en général, le premier semestre 2021 confirme la hausse des entrées année après année. L’analyse nous semble plus pertinente en neutralisant 2020 qui n’était pas représentative.

Dans les TA, les entrées qui étaient de l’ordre de 90 000 à 100 000 au premier semestre entre 2012 et 2018 sont montées à 115 000 en 2019 et pratiquement 120 000 en 2021. Les sorties sont en hausse constante depuis 2013 passant de 92 700 à 119 500 en 2021.

Si l’on veut connaître les entrées sur une année complète, elles étaient en 2019, dans les TA de 231 300 affaires et dans les CAA de 35 700. En 2020, avec la crise, moins d’affaires ont été enregistrées ce qui représente tout de même 210 200 et 30 200.  Le premier semestre 2021 laisse présumer une année qui verra encore plus d’entrées qu’en 2019. A l’issue du premier semestre 2021, le stock de plus de deux ans augmente et atteint 10% dans les TA. Il n’y a plus de marges de manœuvre sans recrutement. Les magistrats ne peuvent plus absorber la croissance à effectif constant.

La demande de justice est assurément croissante sur le long terme mais une partie de notre énergie est aussi gaspillée en tâches inutiles. Un exemple issu du contentieux des étrangers, très prégnant dans nos juridictions : le fait que certaines préfectures n’accordent pas de RDV pour déposer des demandes conduit à saisir le juge de multiples référés. Pour chaque rendez-vous refusé en préfecture, nous enregistrons un dossier, organisons une audience, accordons une aide juridictionnelle à un avocat, rédigeons une décision…

A côté de cette augmentation de l’urgence pas toujours justifiée, les autres dossiers sont plus lourds et le droit comme la technique contentieuse plus complexes.

Nous constatons, même si cela n’est pas évalué, que la pratique de dématérialisation conduit à des dossiers toujours plus volumineux qui dépassent souvent les 500 pages.

Un exemple de complexité indue du droit : il n’y a pas une mais une douzaine de procédures distinctes avec des délais différents pour contester un refus de titre avec mesure d’éloignement. Le rapport Stahl proposait de ramener ces procédures à trois, ce qui serait raisonnable… et urgent.

Nous ne pouvons illustrer en quelques minutes la complexité croissante de la technique contentieuse mais elle est particulièrement forte, l’urbanisme en est une illustration. Pour chaque dossier, le juge doit instruire plus, demander plus, dire plus, faire plus dans un univers juridique dont lui-même peine parfois à démêler les fils. Cela n’est pas mesurable comme un nombre d’entrées mais particulièrement prégnant.

Nous avons atteint et probablement déjà dépassé la limite de productivité. L’USMA a adressé cette année un calendrier aux collègues afin de les encourager à décompter le nombre de jours de repos qu’ils prennent. La plupart sont loin de prendre leurs jours de congés légaux. Deux indicateurs supplémentaires pour lesquels nous reprenons les données de 2019 afin de neutraliser 2020 : le nombre jours de formation suivis a baissé entre 2017 et 2019 (passant de 1,66 à 1,28 jours par an et par magistrat). Le nombre de jours de congés de maladie ordinaire des magistrats est passé de 200 en 2016, à 236 en 2017, 279 en 2018 et 307 en 2019. Cette augmentation spectaculaire n’est pas en corrélation avec une augmentation de l’effectif mais bien avec une dégradation des conditions de travail.

Quel regard portez-vous sur l’évolution prévue des moyens budgétaires et humains du programme 165 en 2022 ? De votre point de vue, ces moyens seront-ils adéquats aux besoins respectifs du Conseil d’État, de la Cour nationale du droit d’asile, de la Commission du contentieux du stationnement payant et des autres juridictions administratives ?

Ce budget emporte notre satisfaction pour plusieurs raisons. Il appelle également au moins une réserve.

Nous portions la demande de création de postes supplémentaires de vice-présidents pour les tribunaux à plus de trois chambres et sommes contents de la voir satisfaite.

Nous demandions également la fin du contingentement des premiers conseillers de l’accès à l’indice HE B BIS (PC8) et là également, elle est satisfaite.

Cette année, le budget prévoit heureusement la création de plus de postes de magistrats 24 magistrats, dont 3 destinés à la CCSP). Le poids de la croissance du contentieux mais également les effets de la réforme de la haute fonction publique vont nécessiter des recrutements rapides et importants, sous peine de désorganisation complète des juridictions.

En outre, le repyramidage de vingt agents de greffe de C en B est pertinent.

Enfin, il est prévu une revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs à hauteur de 620 000 euros. Cette revalorisation était nécessaire en complément de celle de l’année dernière mais elle demeure insuffisante pour revaloriser le régime indemnitaire de l’ensemble des grades (conseiller, premier conseiller et président) sans parler de la nécessité d’une revalorisation du régime indiciaire qui sera en discussion l’année prochaine. Nous estimons qu’il manque au moins 400 000 euros pour cette unique revalorisation indemnitaire. En effet, en l’état actuel, l’ensemble des magistrats ne seront pas revalorisés ou à un niveau très faible. Nous pouvons d’ailleurs nous étonner que la présente revalorisation soit accompagnée des mots « réforme HFP » dans la mesure catégorielle alors qu’il n’y a pas de lien. Nous demandons à ce que cela soit enlevé afin qu’il n’y ait pas de confusion pour les années suivantes. 

Quel regard portez-vous sur la réforme de la haute fonction publique et ses possibles implications pour la juridiction administrative, notamment en termes de moyens budgétaires et humains ?

Nous portons un regard particulièrement sévère sur cette réforme qui a été conduite sans débat parlementaire sur un sujet important pour nos concitoyens, sans concertation avec les partenaires sociaux et sans prendre en compte la spécificité du métier de juge administratif. Cette réforme a donné lieu à un mouvement de grève des magistrats administratifs particulièrement suivi au regard du caractère extrêmement soudain de celle-ci et de l’absence de culture de la grève dans notre corps.

En résumé, cette réforme a consisté à appliquer une doctrine relative aux hauts fonctionnaires d’une nécessité de mobilité accrue – qu’il ne nous appartient pas de critiquer – aux magistrats administratifs comme si cette fonction était interchangeable avec d’autres de l’administration active.

Nous contestons d’une part les dispositions concernant la carrière des magistrats administratifs. A ce titre, nous estimons que les dispositions imposant la double mobilité et supprimant la possibilité d’un passage en cour administrative d’appel équivalant à une mobilité (les alinéas 23° et 24° de l’article 7 de l’ordonnance du 2 juin 2021 modifiant les articles L.
234-2-1 et L234-2-2) portent atteinte à la séparation des pouvoirs et aux principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la DDHC. Jusqu’ici, grâce à la « mobilité » en cour, le magistrat pouvait faire carrière entièrement dans son ordre de juridiction.

Les garanties énumérées plus haut se retrouvent dans la charte des droits fondamentaux de l’UE et dans la CEDH. Les dispositions critiquées portent manifestement atteinte à la magistrature administrative de carrière (2019-778 DC). Nous estimons également qu’elles méconnaissent le principe d’égalité entre les femmes et les hommes, et le principe d’égalité entre les magistrats administratifs résidant en province et ceux en région parisienne.

D’autre part, nous avons contesté les dispositions relatives à l’entrée dans la juridiction administrative tant pour les membres du Conseil d’Etat (risques sur l’indépendance et l’impartialité à propos des commissions de sélection, de la fonctionnalisation de l’auditorat et de la contractualisation possible) que pour les magistrats administratifs (entrée différenciée pour ceux qui proviennent de l’INSP).

Plus précisément pour répondre à votre question, la désorganisation des juridictions commence et il faudra plus de magistrats pour abattre la même quantité de travail. Un risque de baisse de qualité des recrutements se profile surtout s’il n’y a pas de revalorisation.

Aujourd’hui nous devons effectuer une mobilité de 2 ans minimum, en pratique plutôt 3 ou 4 à la demande des administrations et ce dans les 15 à 16 premières années de carrière pour n’être pas bloqué dans la carrière. Il ressort du bilan social 2020 qu’au 31 décembre, 224 magistrats étaient hors du corps, soit 15,8 % de l’effectif total. Entre 2010 et 2020, le nombre de départs est en moyenne de 40 par an.

Demain, le pourcentage de magistrats hors du corps est appelé à croître significativement parce qu’il faudra faire deux mobilités dans le même délai dont une immédiatement ou presque, qu’il sera impossible de renoncer à cette mobilité et que le passage en cour ne vaudra plus mobilité.

Aujourd’hui 30% des magistrats renoncent au grade de président de chambre en n’effectuant pas la mobilité existante. Seulement, il n’est pas possible de renoncer au grade de premier conseiller et de voir sa carrière bloquée au bout de six ans avec une rémunération très faible.

Un conseiller au premier échelon perçoit annuellement un traitement indiciaire brut de 21 818 euros, outre une part indemnitaire fonctionnelle de 13 000 euros et une part individuelle de 4 500 euros au coefficient 1 (ce coefficient peut être modulé de 0 à 3, il l’est très peu en pratique ce que notre gestionnaire veut modifier) soit 39 318 euros annuel brut. Un conseiller au septième et dernier échelon perçoit annuellement un traitement indiciaire de 35 314 euros, outre une part indemnitaire fonctionnelle de 14 600 euros et individuelle de 4 500 euros (au coefficient 1) soit 52 814 euros annuel brut. La faiblesse de cette rémunération fait que depuis plusieurs années un « reliquat » de gestion de 3 700 euros est versé annuellement aux conseillers. Enfin, depuis deux ans, l’ensemble du corps doit bénéficier d’une enveloppe supplémentaire de rémunération de 1, 2 millions. Pour le moment et dans l’attente du texte modifiant la part indemnitaire, elle abonde la part individuelle de tous les magistrats à raison d’environ 1 000 euros brut par an et par personne.

La mobilité est donc obligatoire pour accéder au premier grade conseiller (qui ne comporte aucun changement de fonction). Combiné à l’impossibilité d’aller en cour administrative d’appel pour valider une mobilité, nous estimons que près de 40% du corps devrait être en mobilité avec cette réforme. En passant de 15 à 40% de l’effectif hors du corps, il faudra plus de magistrats. Cela est d’autant plus vrai que ce déficit mathématique se doublera d’une baisse de technicité et d’une terrible désorganisation.

Les chambres, qui sont les formations de jugement, sont constituées pour l’année, de même que le tableau des audiences. La répartition des matières entre les chambres ainsi que les stocks de dossiers affectés à chaque rapporteur qui les instruit sont pluriannuels. Plus la juridiction est importante, plus les magistrats sont spécialisés dans le contentieux qu’ils traitent. Notre travail est fait de beaucoup d’anticipation dans le calendrier et donc de régularité. Un départ en mobilité se fait à tout moment en cours d’année alors que le mouvement des magistrats est annuel.

Sauf surnombre, la chambre ne peut juger en collégiale sans l’un de ses membres. Il faudra fermer des chambres ou compléter par des transferts en cours d’année. Le travail de réattribution de stocks de 150 à 400 dossiers sera considérable et il faudra se réapproprier ce stock…

Si les dispositions transitoires étaient nécessaires, la réforme incite déjà les magistrats actuellement en poste (quel que soit le mode de recrutement) à rechercher une mobilité pour ne pas être pénalisés lorsqu’il sera question de comparer les parcours en vue d’une promotion, sachant que nous avons déjà une difficulté de blocage des carrières pour l’accès au grade de président. Nous ne parlons pas ici de président de juridiction, mais bien de formation de jugement, de chambre.

L’organisation des tribunaux est déjà aujourd’hui difficile. L’instabilité des effectifs dans les grands tribunaux notamment en Ile de France les contraint à faire appel à des magistrats supplémentaires, ou à fermer des chambres faute de magistrat ou encore à s’organiser en chambre à 3 rapporteurs en prévision de départs en mobilité. En province également, de nombreux chefs de juridiction de petits tribunaux à une, deux ou trois chambres exhortent leurs magistrats à ne pas partir en mobilité pendant l’année judiciaire au risque d’une trop grande désorganisation.

Le corps des magistrats administratifs est un corps de sortie INSP. Dès lors qu’il ne figure pas dans le décret n°2021-1216, ce qui est mal vécu, il devient essentiel que les sorties INSP le rejoignent effectivement . Cependant, avant de rejoindre les TA et CAA, il faudra exercer comme administrateur pendant deux ans. Comment fera-t-on revenir ces futurs magistrats, qui auront commencé par un autre métier que celui choisi et devront sacrifier une part conséquente de leur rémunération pour venir dans les tribunaux assumer une charge conséquente d’un travail technique assumé sans assistance ?

Concrètement, l’USMA demande deux choses : l’anticipation de la désorganisation par un recrutement plus important ainsi que la revalorisation de nos rémunérations pour réduire la perte financière. A défaut, les conséquences seront graves pour le corps et les justiciables.

Plus généralement, quelles remarques vous paraît appeler l’organisation actuelle de la justice administrative ?

Nous nous permettons de renvoyer à la première question ainsi qu’à notre livre blanc.

Souhaitez-vous appeler l’attention du rapporteur spécial sur d’autres points particuliers ?

Les magistrats administratifs sont fatigués et inquiets. Leur charge de travail a beaucoup augmenté en quelques années. Ils n’ont guère de perspectives de carrière en interne où l’accès au grade de président de chambre (la première évolution de métier possible) est presque fermé. Plus des deux tiers exercent en province où il leur sera pratiquement impossible d’obtenir des mobilités. Leur compétence professionnelle reconnue ne leur ouvre pas plus l’accès à leur juge de cassation. La réforme de la haute fonction éveille un sentiment de déclassement que la faible revalorisation assortie d’une menace de modulation accentue. Les magistrats administratifs sont investis dans leur métier parce qu’il l’aime, y trouvent du sens et une certaine autonomie. Les évolutions en cours que nous subissons tout en en étant les laissés pour compte inquiètent beaucoup.

La reconnaissance de notre ordre juridictionnel dans la Constitution, de son unité avec des voies d’accès augmentées vers la cassation et les attributs de la justice apporteraient un souffle nouveau bien utile. Cela devient aussi indispensable du point de vue des justiciables.