Contribution de l’USMA au groupe de travail sur l’Outre-mer

A travers cette contribution, l’USMA souhaite que l’attractivité des postes outre-mer soit renforcée, que l’affectation en outre-mer soit choisie et non vécue comme un déracinement imposé. En outre, pour ceux qui seront néanmoins contraints d’y aller, que la vie sur place soit facilitée.

L’expérience en outre-mer est une richesse si elle se conjugue avec les intérêts des collègues qui y sont affectés.

L’USMA tient toutefois à relativiser l’absence d’attractivité de l’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique), certaines juridictions en métropole ayant également des difficultés à attirer et fidéliser des magistrats administratifs.

A titre liminaire, nous pensons que l‘idée d’affecter un magistrat en résidence sur le territoire de Mayotte doit être absolument abandonnée, compte tenu de l’isolement de cet unique magistrat dans un territoire qui est peu attractif et pour lequel le gestionnaire ne pourrait assurer ni la sécurité, ni le remplacement en cas de maladie ou de congés. L’USMA s’oppose donc vivement à cette proposition et a pu l’affirmer très clairement.

Un recrutement spécifique ?

Il faudrait probablement qu’il y ait plus de magistrats ultramarins, ces derniers pouvant avoir le souhait de rejoindre leur territoire d’origine et d’y rester de manière plus ou moins durable.

L’USMA est néanmoins a priori opposée à ce qu’il puisse exister un concours spécifique dans chaque territoire ultra-marin au regard de l’importance d’un concours national et, accessoirement, du faible vivier potentiel. En revanche, il nous paraît nécessaire qu’une vraie publicité soit faite sur les métiers de magistrats administratifs dans les facultés outre-mer afin de susciter des vocations.

L’accent devra être mis à notre sens sur les procédures de détachement et de tour extérieur afin d’attirer les futurs collègues sur place qui auraient un intérêt manifeste à rejoindre la juridiction administrative. D’un point de vue pratique, la commission restreinte du CSTA chargée d’examiner les candidatures devrait systématiquement auditionner par la voie de la visioconférence les candidats qui se sont déclarés intéressés par l’outre-mer.

Une information interne à renforcer

Depuis quelques temps, une réunion d’information est organisée pour la promotion CFJA ainsi que pour les collègues en poste. Il convient de la systématiser et de la proposer bien en amont, à savoir à partir du moment où la circulaire de mutation est diffusée aux collègues. Il ne sert à rien d’attendre le dernier moment, alors que la réflexion est quasiment aboutie, comme c’est le cas cette année.

L’USMA suggère au groupe de travail de préconiser la rédaction d’une brochure récapitulant l’ensemble des droits des magistrats affectés dans ces territoires et de prévoir un onglet spécifique dans l’intranet. 

La communication peut permettre de changer l’image de certains territoires qui sont perçus comme trop peu attractifs.

Une implication des chefs de juridiction

Le CSTA doit porter une attention très particulière au choix des chefs de juridiction en les incitant également, sauf contraintes apparues en cours d’affectation bien évidemment ou difficultés comportementales, à demeurer au moins trois ans en poste.

Ces chefs de juridiction doivent recevoir une formation spécifique sur les situations locales et la façon de faire rayonner la juridiction pour attirer de futurs collègues.

Un accompagnement RH clairement insuffisant

De l’avis de l’ensemble des collègues interrogés, l’accompagnement des collègues qui ont choisi ou ont été contraints de choisir une affectation outre-mer est insuffisant.  Une personne à la direction des ressources humaines devrait être formée (recrutée ?) pour être capable de répondre aux sollicitations des collègues en amont et surtout qu’elle soit en mesure d’accompagner activement les collègues lors des affectations. Dans certains cas les magistrats ont dû calculer eux-mêmes les indemnités auxquelles ils avaient droit.

Disons-le clairement, il faut proposer plus de services aux magistrats concernés : par exemple, les aider pour le déménagement, leur trouver le logement, l’école etc, bref leur faciliter la tâche. C’est une culture du service aux magistrats qui n’existe pas du tout actuellement et qui gagnerait à être installée, au besoin en partenariat avec des DRH de ministères présents outre-mer (ex : mutualiser des marchés de transport maritime de meubles et voitures aux tarifs négociés).

Pour faire le lien avec le point sur la publicité, un catalogue comportant une présentation détaillée des tribunaux est nécessaire avec description des locaux, emplacement du tribunal mais aussi solutions de logement, transports, caractéristiques des villes, des témoignages d’anciens ou d’actuels magistrats affectés dans les TA en question.

L’aide à l’installation de la cellule familiale

Comme la lettre de mission le suggère, cette question est primordiale.

L’attention à la situation professionnelle du conjoint est capitale. Le marché du travail est très limité et les compagnons et compagnes ne trouvent pas d’emploi sur place. Malgré la prime de 40% (du seul traitement indiciaire brut), cette perte de revenus associée à une vie chère rend l’affectation financièrement compliquée.

Pour les conjoints fonctionnaires ou militaires, il est demandé que le Conseil d’Etat se mette en relation avec les autres administrations afin de faciliter l’embauche en outre-mer pour le conjoint accompagnant, le cas échéant en surnombre.

Une arrivée simultanée des membres de la famille est un objectif à atteindre.

La carrière

Il convient de commencer par appliquer le droit commun et le droit spécifiquement pensé pour des magistrats. A ce titre l’USMA demande d’appliquer pleinement la notion de centre des intérêts matériels et moraux sur la priorité article 60 loi 84-16 et surtout d’obtenir une majoration de l’ancienneté comme les magistrats judiciaires (Décret n°93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature). Il s’agit d’une demande incontournable pour renforcer l’attractivité.

Une mutation valant mobilité

L’USMA a demandé à ce qu’au moins une des deux mobilités imposées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique puisse être géographique. Un changement de TA ou de CAA dans la carrière doit valoir mobilité. A fortiori l’affectation dans une juridiction d’outre-mer doit être considérée comme une mobilité dans la carrière si ce mot a un encore un sens.

Les orientations du CSTA ont conduit à accorder une préférence de choix d’affectation en cas d’affectation pendant 3 ans. Les résultats ne sont pas là et les collègues peuvent légitiment et comme tous les autres magistrats demander et obtenir leur mutation avant cette date. Il convient alors de réfléchir à ramener cette durée à deux ans, ce qui est souhaité par nos plus jeunes collègues. Elle pourrait éventuellement susciter des vocations mais surtout être une compensation pour les collègues affectés à la sortie de CFJA. A ce titre, il convient également d’examiner si la situation familiale ne devrait pas être prise en compte en cas d’affectation non désirée, nous pensons aux collègues avec charges de famille.  

Droit à la formation

Il doit être institué un droit à la formation en métropole au moins une fois par an dans le cadre des semaines de grand contentieux, notamment pour ne pas couper le lien avec la métropole et la communauté juridictionnelle dans son ensemble. C’est une demande importante il nous semble pour favoriser la cohésion entre les collègues. 

Et si on sortait de certains cadres ?

Dans le cas où il y aurait une année faste dans une juridiction, il ne faut pas hésiter à un surnombre car vu l’équilibre il se résorbera facilement. Certains collègues en sortie de CFJA, prêts à s’installer durablement et en famille, ont renoncé faute de réponse en temps utiles pour le conjoint. Là encore, le risque du surnombre n’en est pas un.

L’USMA demande au groupe de travail d’explorer l’idée selon laquelle il serait permis à des présidents P1-P4 et qui n’auraient pas l’appétence ou la possibilité de devenir chef de juridiction dans l’immédiat de candidater au tour de mutation conseiller/premier conseiller pour une affectation dans ces fonctions. Le travail ne manquera pas au regard des référés et de la solidité de l’expérience des collègues à l’instar d’un président assesseur en CAA. En cas d’expérience réussie, cela pourrait aussi permettre de repérer un futur président engagé.

Une expérience réussie en outre-mer doit être valorisée, au niveau des orientations CSTA, dans le cadre du passage au grade de président.

L’enveloppe indemnitaire allouée aux juridictions ultra-marines pourrait être plus importante. Au lieu d’octroyer une enveloppe supplémentaire limitée de 5% (1,05), il pourrait, vu le faible cout financier relatif que cette enveloppe soit au moins de 20%.

Chaque détail compte

Le GT devrait proposer un aménagement de la charge de travail (dispense de deux audiences lors de l’affectation, une dans la juridiction d’origine, l’autre dans la juridiction d’arrivée). Cela nous semble indispensable pour préparer au mieux son voyage et installation afin de garantir des débuts dans de bonnes conditions sans pression inutile.

Ces décharges pourraient également être utiles au moment du retour en juridiction métropolitaine.

Il devrait être instauré une exception à la règle des 4 ans d’ancienneté pour la prise en charge des frais de déménagement et du billet en cas de retour en métropole.

Il faut favoriser les échanges entre les trois juridictions des Antilles. La « relative proximité géographique » doit permettre de construire des ponts entre les trois juridictions. Favoriser le partage, les échanges, la formation ne peut que renforcer la solidarité entre ces juridictions en cas de besoin ponctuels et permettre aussi une découverte intéressante d’autres horizons.

Enfin, il faut lever l’interdiction existante dans les orientations du CSTA qui déconseille des affectations successives dans les juridictions d’outre-mer. Nous demandons un assouplissement permettant au moins une nouvelle affectation en outre-mer à la suite d’une première affectation en outre-mer.