Audition de l’USMA devant le Sénat pour l’examen de la loi de finances 2021

L’USMA a été auditionnée, ce 4 novembre 2020, par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 et a répondu aux questions de M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » consacrés aux juridictions administratives et aux juridictions financières.

Voici le résumé de notre intervention.

– Sur le caractère suffisant des moyens alloués aux juridictions administratives

L’USMA rappelle que les moyens alloués à la justice administrative sont insuffisants. Cela ressort également du rapport du Conseil de l’Eruope pour 2020 : les moyens alloués à la justice en France sont inférieurs à la moyenne des autres pays européens. L’USMA sollicite la création de postes supplémentaires de vice-présidents pour les tribunaux à plus de trois chambres. Ils pourront traiter de façon plus efficace les référés et se consacrer à des dossiers lourds de fond.
Il convient aussi d’augmenter le nombre de place aux concours d’entrée.

 – Sur la nécessaire revalorisation

Dans la loi de finances 2020, il a été prévu, par une mesure catégorielle, une « revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs (PC) pour 1253 ETP, la somme de 1 187 000 euros. ». Dans les faits, si nous lissons cette somme sur l’ensemble des magistrats, cela aboutit à une somme annuelle brut de moins de 950 euros, soit mois de 80 euros mensuel, toujours brut.
C’est largement insuffisant pour rattraper un retard pris depuis 2009. Nous demandons une réévaluation des indices et à très court terme l’augmentation de cette enveloppe dans le budget de 2021. Son triplement ne nous semble ni exagéré au regard du décrochage constaté ni injustifié au regard du travail accompli.

L’USMA désapprouve toute évolution qui aurait pour objet ou effet de renforcer la part indemnitaire de la rémunération des magistrats et plus encore d’augmenter la part modulable de ce régime indemnitaire.

– Sur l’évaluation de la qualité et de la quantité des déci­sions rendues

L’USMA souligne que le taux de réformation en appel n’est pas l’outil pertinent.

Par sa collégialité préservée et le précieux regard du rapporteur public, la justice administrative continue à rendre des décisions cohérentes et de qualité malgré la pression accrue et une difficulté croissante à assumer la charge de travail. Elle ajoute que la production juridictionnelle est le travail d’une équipe, relativement complexe. Diviser le nombre d’affaires par le nombre de magistrat ne rend que très imparfaitement compte du travail de la juridiction.

– Sur la juridiction administrative pendant la crise sanitaire

La juridiction a continué à fonctionner grâce à l’engagement de ses membres, à son pragmatisme et à un dialogue social de qualité. Même si le nombre de dossiers préparés a nécessairement été moindre du fait de sujétions personnelles et familiales, nous avons continué à travailler et lors du déconfinement, les audiences ont été très chargées. En outre, les collègues ont répondu présents lors des nombreuses audiences de référés liés au Covid. Toutefois, ce qui est valable un temps en période exceptionnelle ne pourra valoir indéfiniment du fait de la lassitude accumulée.

– Sur les éventuels gains de productivité

Il n’y a plus de « gain de productivité » à attendre des magistrats. Cela fait des années que ce constat est posé.Le travail mord de plus en plus sur les temps de repos légaux des magistrats. Nous ne voyons guère de gains s’agissant des outils informatiques et constatons même un alourdissement de l’instruction des dossiers ainsi qu’une inflation de leur contenu. C’est bien le travail des magistrats qui a permis à la juridiction administrative de ne pas être engorgée au point de s’étouffer et non le traitement non juridictionnel de certains dossiers, traitement qui est relativement chronophage et mobilise par ailleurs des magistrats particulièrement expérimentés.

– Sur l’aide à la décision

Si la qualité de l’aide à la décision est globalement satisfaisante, une réflexion est en cours pour organiser au mieux cette aide. Un groupe de travail a rendu son rapport en juillet dernier.
Plutôt que des recrutements de courte durée et en réaction au flux contentieux, l’USMA milite pour un vrai projet de long terme de création de cabinets de juges permettant une collaboration entre les aides plus stables et celles plus volatiles afin de faciliter le travail du magistrat encadrant.

– Sur la médiation

L’USMA considère que la médiation, telle que l’on est en train de la développer, pour intéressante qu’elle soit dans certaines cas, ne paraît pas susceptible de constituer une solution, même très partielle, à l’inflation contentieuse et le volontarisme affiché n’y changera vraisemblablement rien.

– La simplicifation du contentieux des étrangers

L’USMA partage tout à fait le constat, assez unanime, que dresse le rapport Stahl dans sa première partie et dans sa deuxième partie dont le titre est un bon résumé : « des procédures excessivement complexes, partiellement inadaptées et inutilement répétées ». Si certaines propositions doivent être discutées en détail, nous ne pouvons que souscrire à la rationalisation du contentieux qui fait passer d’une douzaine à trois procédures juridictionnelles, adaptées à leur réel degré d’urgence.

– La mission Thiriez

Après un premier temps où le concours direct avait purement et simplement disparu, il est envisagé dans le rapport une réduction de deux tiers des postes ouverts au concours direct. Le corps, qui bénéficie aujourd’hui d’un très bon équilibre entre les différents modes de recrutement en pâtirait gravement.

En outre, la formation, par un éventuel tronc commun, devra nécessairement se poursuivre par une formation spécialisante au CFJA au métier de juge. La juridiction administrative doit également demeurer en dehors du champ de l’Institut des Hautes Etudes du Service Public (IHESP), chargé de sélectionner les hauts fonctionnaires à fort potentiel managérial. Il s’agit selon nous d’une remise en cause des compétences du CSTACAA.

Enfin, on ne peut contraindre le juge de l’administration à des allers-retours incessants en administration. Il y va de son indépendance et de son impartialité.

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