Compte-rendu du CSTA du 13 mai 2020

NB : les mentions relatives aux situations individuelles ont été supprimées.

I. Approbation du procès-verbal de la séance du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel du 14 avril 2020 :

Le procès-verbal a été approuvé.

II. Bilan 2019 de l’attribution de la part individuelle de l’indemnité de fonction des magistrats administratifs :

La tendance à la modulation de plus en plus faible des primes se poursuit, puisque on observe,
cette année encore, un resserrement des indices autour de la moyenne.

De moins en moins de magistrats sont en dessous de 1 (1,93 % en 2019 contre 2,11% en 2018, et 7% en 2009), et de moins en moins de magistrats sont au-delà de 1.1 (5,4 % en 2019 contre 8,73 % en 2018. Un chiffre qui était de 22,41 % en 2009). La raison de ce resserrement est limpide : dans leur grande majorité, nos collègues travaillent beaucoup, nos traitements indiciaires n’évoluent pas et les chefs de juridiction considèrent, à juste titre, que notre travail mérite salaire et que nos rémunérations ne doivent pas être source de chicane ou de mortification.

Pour l’USMA, ce resserrement de la part variable autour de la moyenne démontre sans doute à la fois une homogénéité des compétences et des résultats individuels de nos collègues, mais aussi, pour l’essentiel, leur implication très forte dans les missions qui leur sont confiées. Il est également noté que l’augmentation de la prime se fait, pour une grande part, à l’ancienneté : 24,37 % des conseillers ont un taux de prime de 1, contre 5,06% des premiers
conseillers et 1,77 % des présidents, et plus on monte en grade, plus le taux de prime augmente.

En d’autres termes, les chefs de juridiction valorisent l’ancienneté dans le taux de prime : soit par choix, soit plutôt par effet cliquet (une fois qu’un magistrat a obtenu un certain taux de prime, on hésite à le diminuer). La pratique des chefs de juridiction confirme que le système de part variable, modulable, n’a pas grand sens, mais peut en revanche endommager le collectif juridictionnel, sans aucun bénéfice en termes de productivité collective.
Être juge administratif n’est pas une « course de formule 1 », et nos chefs de juridiction en sont conscients. L’USMA, lorsqu’elle demande une revalorisation de la rémunération indiciaire, dit donc tout haut ce que nos chefs de juridiction pensent tout bas : la modulation n’apporte rien à la qualité de notre justice. Si des difficultés existent, elles doivent être traitées par la voie disciplinaire ou de l’insuffisance professionnelle, voire en tenant compte de lacunes avérées, lors des demandes de promotion. Mais s’il s’agit de rémunérer le mérite de nos collègues, il faut revaloriser les traitements indiciaires. L’engagement des magistrats ne
fait aucun doute. Ils sont, dans leur immense majorité, dévoués à la mission que la Nation leur assigne. Et les chefs de juridiction ne s’y trompent pas.

Il a été décidé de la création d’un groupe de travail, ayant pour mission de réfléchir sur la part variable, et faire des propositions.

(…)

VI. Examen des orientations relatives à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de continuité d’activité par les TA et les CAA :

A la demande du Secrétariat général, les chefs de juridictions ont élaboré un plan de continuité de l’activité dans le but de déterminer les activités essentielles devant être préservées en toutes circonstances et les effectifs minimums nécessaires à la réalisation de ces missions.

En règle générale, les TA ont fait le choix de maintenir le traitement des référés libertés, des requêtes en contentieux des étrangers devant être jugées en moins d’une semaine et du contentieux électoral.

Les CAA ont connu une baisse plus importante de leur activité, limitée aux déférés et référés suspension, pour l’essentiel.

En pratique, les effectifs présents sur site ont pu être limités à quelques agents de greffe, en plus du chef de juridiction et du greffier en chef, ainsi que, le cas échéant, de présidents de chambre et de magistrats en charge des référés. Les agents de greffe présents en juridiction ont assuré un rôle d’accueil téléphonique, d’enregistrement des requêtes et de traitement des courriers papier, en coordination avec leurs collègues en télétravail, assurant le traitement des dossiers télérecours. Dans les grandes juridictions, des dispositifs plus fournis ont été mis en oeuvre.

Partout en France, il faut saluer la réactivité du Conseil d’Etat et des chefs de juridictions qui ont permis, dans un climat de confiance réciproque renouvelé, d’assurer les missions essentielles et de réduire considérablement la présence des agents et des magistrats.

VI. Examen des orientations relatives aux plans de reprise d’activité au sein des TA et des CAA :

A la demande du Secrétariat général, les juridictions se sont dotées de plans de reprise d’activité en s’inspirant des lignes directrices données par le Conseil d’État.

Avant la reprise d’activité, les juridictions ont procédé à un recensement confidentiel de l’état de santé des agents et magistrats, nettoyé les locaux et affiché les consignes ou recommandations quant aux gestes barrières et règles sanitaires à respecter.

Les locaux ont dû être adaptés :
‐ Accueil équipés d’hygiaphones,
‐ Limitation du nombre de personnes regroupées à l’accueil,
‐ Salles d’audience adaptées pour faire respecter les règles de
distance, avec parfois la mise en place d’un sens de circulation et un
marquage au sol,
‐ Une distance d’1m50 doit être préservée dans les bureaux partagés.

Les juridictions sont dotées de gel hydro-alcoolique, de masques jetables et plusieurs juridictions ont-elles-mêmes commandé des masques grand public.

La grande majorité des plans préconise le port du masque lorsque la configuration des lieux ou la nature des missions conduisent à des contacts inévitables et prolongés entre les personnes. Le port du masque par les magistrats au cours des audiences est globalement laissé à l’appréciation de chacun.

Attachée à cette consigne, l’USMA a tout de même relevé des mentions dans certains PRA visant à prohiber le port du masque en audience. L’USMA insiste sur le fait que ces plans seraient alors contraires aux consignes nationales. Elle invitera tous les magistrats empêchés de porter le masque en audience à faire remonter cette information et de ne pas accepter de siéger dans de telles conditions.

Les juridictions invitent les agents et magistrats à ne pas emprunter les transports en commun pour se rendre en juridiction, recommandent aux agents de prendre leur service selon des horaires décalés, le système de badgeage est adapté, l’accès aux salles de restauration est limité, voire interdit, les agents et magistrats étant en revanche autorisés à déjeuner, seuls, dans leurs bureaux.

Les assemblées générales et les moments de convivialité sont annulés.
Le télétravail est encouragé, l’appréciation étant laissée aux juridictions en ce qui concerne l’organisation des séances d’instruction. Les séances de délibéré sont, pour l’essentiel, prévues en présentiel.

Les avis d’audience dématérialisés sont privilégiés, et souvent accompagnés de courriers incitant les parties à ne pas se déplacer. Les rôles d’audience font l’objet d’un phasage, afin d’éviter toute concentration de personne. Le nombre de personnes pouvant accéder aux salles d’audience est limité. Les audiences auront lieu en présentiel, même si la visioconférence est admise, dans certaines juridictions, pour les audiences de référés ou les contentieux étrangers urgents.

La plupart des juridictions ont prévu d’étaler des audiences entre la mi-mai et la première semaine de juillet, tandis que les affaires traitées pendant la période de confinement pourront s’étaler jusqu’à la fin de l’année civile.

Les missions prioritaires concernent, pour l’essentiel, les affaires renvoyées en raison du mouvement de grève des avocats, les affaires traitées pendant le confinement, le contentieux électoral, les contentieux urgents ou devant être jugés dans un délai contraint.

Les juridictions communiqueront auprès du public et des partenaires extérieurs les modalités de reprise de leur activité.

L’USMA entend néanmoins faire plusieurs observations sur ces mesures :


– La première consiste à manifester sa surprise de constater que dans une circulaire du 6 mai 2020, la ministre de la Justice, Garde des Sceaux a maintenu une période transitoire de 3 semaines pendant laquelle seule l’activité judiciaire prioritaire reprendrait. Il était donc parfaitement concevable de différer la reprise d’activité dans les juridictions situées en zone rouge, pour ne pas contribuer à la mise en tension des services hospitaliers, voire de limiter
l’activité de ces juridictions à certaines affaires seulement.

– La deuxième consiste à insister sur sa volonté qu’aucun magistrat ne soit empêché de porter le masque en audience.

– La troisième consiste à rappeler que si les plans de reprise d’activité sont, dans leur grande majorité, basés sur un double principe de confiance et de souplesse, certains semblent tout de même partir du principe que la date du 11 mai correspond à une reprise d’activité normale, et  occultent le fait que les écoles n’accueilleront pas tous les élèves, y compris en zone verte, obligeant les parents à continuer à garder leurs enfants. L’USMA sera ainsi très attentive à ce que les contraintes de chacun continuent d’être prises en considération, de la même manière qu’elle restera très attentive au respect du principe, encore rappelé très récemment par le Secrétaire général, selon lequel il n’est pas attendu de rattrapage mathématique de la période de confinement, impliquant que tant le gestionnaire que les chefs de juridiction et présidents de chambre se satisfont du nombre de dossiers qui ont été préparés par les magistrats, sans
rechercher ni exiger un niveau de productivité normal. Elle restera enfin très attentive à ce que la reprise se fasse dans la solidarité, à l’égard notamment des rapporteurs publics et des greffes.

– La quatrième consiste à instamment demander que la situation des magistrats vulnérables soit davantage prise en considération, et que soient enfin mises en oeuvre des modalités de reprise d’activité adaptées, afin qu’ils ne deviennent pas les laissés pour compte des plans de reprise. En l’état, bon nombre des magistrats vulnérables sont et se sentent en mesure de travailler. Ils sont productifs, mais, restant dans l’impossibilité de se rendre en juridiction sans mettre démesurément leur santé en danger, ils se sentent au mieux inutiles, au pire stigmatisés comme une cause supplémentaire de désorganisation des juridictions. La situation sanitaire actuelle risquant de perdurer, il apparaît nécessaire de reconsidérer leur situation et de trouver des modalités de reprise d’activité juridictionnelle qui n’ajoutent pas de la vulnérabilité morale à la vulnérabilité physique. En l’état, la solution souvent envisagée du rapporteur de séance, peu usitée dans les TA et CAA, placent les magistrats concernés, obligés de reprendre les projets de décision après une audience et un délibéré auxquels ils n’ont pas participé, dans la situation d’aide à la décision et non plus de magistrat, ne nous paraît pas satisfaisante. La possibilité de tenir des visio-audiences pourra, de ce point de vue, constituer un début de réponse approprié.

– En dernier lieu, nous avons évoqué brièvement la situation de la CNDA. Si le CSTA n’est pas compétent, aucune instance ne l’est véritablement et l’observation mérite d’être entendue, car des tensions surgissent avec une acuité particulière en ce qui concerne le port du masque en audience (avec la nécessité de régler des questions relatives à la distribution de masques aux justiciables, de dispenser d’audiences les requérants qui se savent porteurs du virus, ou enfin
la possibilité laissée à l’initiative du président de chambre de prononcer un huis clos, plutôt que de prévoir un huis clos systématique).

(…)

VIII. Informations

Un projet d’ordonnance modifiant l’ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif a été soumis pour information au CSTA.

Celui-ci concrétise enfin la solution défendue par l’USMA, consistant à permettre à certains membres d’une formation collégiale de participer à une audience depuis un lieu distinct en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle. L’USMA se félicite que, dans ce contexte de crise singulier, cette possibilité ne soit pas fermée si et seulement si elle constitue le seul moyen pour certains de nos collègues de poursuivre leur mission.