Fiche débat n° 3: Mobilité, formation et dialogue des juges

Groupe de travail « Carrière »

FICHE DEBAT n°3 :

MOBILITE, FORMATION, DIALOGUE DES JUGES[1]

Les propositions de l’Usma en matière de mobilité interne :

– inciter les collègues à construire un parcours diversifié, tant en termes de fonctions que de matières, notamment pour l’accession au grade de président[2] ;

– ne jamais contraindre, la coercition étant source de risques, tant pour la juridiction que pour les magistrats concernés.

Les propositions de l’Usma en matière de mobilité externe :

– Modifier la loi pour ne prévenir que les incompatibilités objectives et permettre une mobilité dans les directions territoriales de l’Etat et des collectivités territoriales ;

– accompagner la mobilité des magistrats par de réelles actions prospectives auprès de l’ensemble des acteurs susceptibles d’accueillir des magistrats en mobilité, dans les fonctions publiques d’Etat, territoriales et les institutions internationales, et au conseil d’Etat !

 Les propositions de l’Usma pour décloisonner la juridiction administrative :

– admettre plus largement des magistrats administratifs au sein de la section du contentieux du Conseil d’Etat, par la mobilité et l’avancement, et intégrer au parcours des auditeurs un passage dans les TA et CAA ;

– accompagner le parcours des magistrats administratifs, de la première instance à la cassation, qui les sortent de cette sensation confuse de n’être que des Sisyphe du droit devant une montagne statistique.

Les propositions de l’Usma en matière de formation :

– créer une véritable école de la juridiction administrative, assurant la formation initiale de l’ensemble des agents et magistrats, de la première instance à la cassation, ainsi qu’une formation continue délocalisée.

  • La mobilité interne

 Juger sans entraves

L’USMAne proposera pas ici la mise en place de contraintes de mouvement au sein des juridictions. Certains de nos collègues, certes, conservent leurs fonctions de nombreuses années et peuvent ainsi quelque peu scléroser les mouvements et fermer l’accès à certaines fonctions.

Pour autant, d’une part, ces collègues, par essence expérimentés sur leurs fonctions, sont le plus souvent très bons. Ils forment et accompagnent les nouveaux arrivants et garantissent la qualité des jugements. D’autre part, déplacer de manière forcée un collègue expérimenté en lui retirant des fonctions qu’il maîtrise pour lui confier des fonctions ou matières qu’il ne maîtrise pas, c’est prendre un risque juridique pour le justiciable et un risque psycho-social pour le magistrat (et parfois pour ses collègues, par ricochet). 

L’USMA, qui admet l’intérêt pour la juridiction de construire des parcours diversifiés, préfère de loin le recours à l’incitation que l’aveu d’échec préalable à la coercition.

En d’autres termes, nous préférons qu’un chef de juridiction, plutôt que de déplacer d’autorité un magistrat, acte d’autorité qui peut atteindre son indépendance, indique à ce magistrat que son refus de changer de poste met en évidence ses difficultés d’adaptation aux situations nouvelles et son désir excessif de spécialisation, lesquels s’opposeront à l’évidence à son accès au grade de président.

Etre où ne pas être un « manager »

Pour les premiers conseillers, un premier accès à des fonctions de management, qui serait l’occasion de vérifier leur aptitude à occuper des fonctions de président, par la création de cabinets de juge, équipes d’aide à la décision placées sous le contrôle du magistrat.

Pour les présidents, la création de postes de vice-présidents sans chambre, permettant d’une part d’offrir des débouchés à ceux dont les aptitudes de magistrat sont incontestables mais dont les aptitudes de manager le sont moins, d’autre part de permettre aux chefs de juridiction et premier vice-président de se consacrer aux tâches d’organisation de leur juridiction, en confiant aux vp sans chambre les expertises et les référés.

Le magistrat couteau suisse

Et si des parcours de carrière sont inventés, comme il a été proposé au point précédent, la progression de carrière pourrait dépendre de la diversité des fonctions exercées, tant dans le cadre des formations de jugement que des activités accessoires, tant au regard des matières rencontrées que de la pratique ou non de l’encadrement, au sein et hors de la juridiction.

Si la polyvalence et la diversité des fonctions et matières joue un rôle réel dans la progression de carrière, alors la mobilité interne sera assurée.

Nous l’avons dit dans notre fiche n° 1 portant sur l’attractivité de notre métier, il nous faut construire des parcours de carrière au sein de la juridiction administrative, pour demeurer un corps attractif pour les potentiels entrants, quelle que soit la voie de recrutement, et pour garder avec nous ceux qui pourraient croire l’herbe plus verte ailleurs.

Mais construire également des parcours pour nos collègues arrivés de plus en plus jeunes dans le corps. Car eux seront, statistiquement parlant, présidents de chambre avant 40 ans et ne pourrons pas tous devenir présidents de tribunaux. Que proposons-nous à ces collègues ? 17 ans de fonctions de rapporteur ou rapporteur public, puis une présidence de chambre pour les 25 années qui suivent ? 

  • La mobilité externe

Ça bouge en province…

Nous avons exposé à M. le président de la section du contentieux, lors de notre rencontre du 31 août,  notre souhait, qu’il fait sien, de voir les fonctions diversifiées et l’accompagnement à la mobilité rendu plus efficace, notamment  par la modification des textes permettant aux magistrats officiant en province d’effectuer leur mobilité en collectivité territoriale, l’incompatibilité à leur retour en juridiction devant relever d’une incompatibilité objective, et non de principe.

Dans la logique du conflit d’intérêts, il serait ainsi possible de prévoir des déports par juridictions en raisonnant par matière ou par département selon la taille de la juridiction. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître le nombre de magistrats concernés par les incompatibilités actuelles. 

…Mais pas encore suffisamment à Paris

De manière générale depuis des années, l’USMA demande à ce que la mobilité des magistrats administratifs soit prise en charge et accompagnée de manière plus efficace par la direction des ressources humaine du Conseil d’Etat, laquelle doit se montrer pro-active et être en capacité de répondre aux interrogations des magistrats. Si la création d’un bureau dédié mérite d’être saluée, l’enjeu de la mobilité dans la carrière des magistrats mérite un effort supplémentaire. 

  • Le dialogue des juges administratifs : formation, échanges et mobilités

Le fossé qui demeure, au regard des résultats de l’enquête « climat social », entre la section du contentieux et les TA et CAA, doit être résorbé.

Au lieu et place des visites de la section du contentieux, avec questions préparées préalablement et réunion de l’assemblée générale des magistrats en salle d’audience, pourraient être préférées des rencontres moins formelles et plus spécialisées. 

Un échange entre les magistrats de tribunaux et cours en charge d’un contentieux avec un des rapporteurs publics officiant dans la chambre correspondante du Conseil, par exemple, ou encore la délivrance de formations délocalisées par un membre de la section, d’ores et déjà très appréciées pour les rares formations ainsi mises en place.

Il est par ailleurs indispensable d’ouvrir aux magistrats administratifs les portes de la section du contentieux, quand n’importe quel autre corps équivalent peut prétendre y effectuer sa mobilité. Les textes n’interdisent rien mais une pratique, d’ailleurs peu compréhensible, s’y oppose. Il faut ouvrir les portes du palais royal à ceux qui font, comme lui, le droit administratif chaque jour.

Et pourquoi ne pas envisager à l’inverse que l’apprentissage d’un auditeur passe par la case tribunal administratif ou cour administrative d’appel, pour que notre juge de cassation sache comment un dossier est pris en charge avant son intervention ?

  • La formation (management)

Ecole de la magistrature administrative ?

 Pour faire face à l’exigence de préservation de la qualité de notre justice, la juridiction administrative doit se doter d’une véritable école de la magistrature administrative (EMA, il faudra trouver autre chose…) chargée de la formation initiale et continue des magistrats officiant de la première instance à la cassation, de la formation aux changements de fonction et au management mais également de la formation initiale et de la formation continue des agents de greffe et des agents d’aide à la décision. Une école en capacité de délivrer des formations de qualité à l’ensemble des acteurs de nos juridictions, y compris au sein des juridictions, de manière délocalisée.

 [1]Entre magistrats de la section du contentieux et magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel…

[2]Qu’il s’agisse de fonctions de président manager ou, comme l’Usma le propose, de fonctions de président sans chambre pour ceux qui se préfèrent experts.