USMAg’ #23 – octobre 2021 : réforme de la haute fonction publique : deuxième tour ?

LE POINT SUR LA REFORME

Les magistrats administratifs ne seront pas auditeurs : clarifions le débat

Actuellement, l’auditorat est réservé aux énarques. Les premiers conseillers accèdent au CE comme maîtres des requêtes (MR) à raison de 1 à 2 magistrats par an (en pratique 2) et les présidents comme conseillers d’Etat (un magistrat tous les 2 ans). Avec la réforme, l’auditorat s’ouvre mais pas à nous.

L’article L. 133-5 du CJA dans sa rédaction à venir en 2022 prévoit que les auditeurs seront nommés « parmi les membres du corps des administrateurs de l’Etat et des corps ou cadres d’emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat ». Le décret n°2021-1216 fixant cette liste n’a pas vocation à recenser les corps équivalents aux administrateurs de l’Etat mais à choisir parmi ceux-ci ceux qui accèderont à l’auditorat après au moins deux ans de services publics effectifs. Il n’inclut ni les magistrats administratifs ni les magistrats financiers. 

Cette absence soulève deux questions : celle de l’intérêt de la voie d’accès qui ne nous a pas été ouverte et celle d’un éventuel « déclassement » du corps.

Point de déchéance, mais de la vigilance

L’USMA s’est depuis l’origine mobilisée sans réserve contre les effets de la réforme de la haute fonction publique qui ne prend pas en compte notre statut de magistrat. Il semble que la spécificité de notre fonction ait été finalement prise en compte … pour ne pas nous inclure dans une liste de « corps comparables » à celui des administrateurs de l’Etat. Pour autant, la future rédaction de l’article L. 233-2 du CJA prévoit bien que les magistrats administratifs seront recrutés « 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l’Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l’Institut national du service public (…). / 2° Et par voie de concours ». Il faut se concentrer sur l’effectivité de ce lien. Cela implique une revalorisation pour éviter que certains ne renoncent à rejoindre le corps après leur passage obligé comme administrateurs. Le gestionnaire en est conscient.

Ce que nous dénoncerons toujours c’est l’existence des deux corps de juridiction et la nouvelle doxa de réserver à des « gestionnaires de deux ans » l’accès à l’auditorat !

Si ce n’est comme auditeurs, entrons, entrons au Conseil

L’USMA est favorable à tout ce qui peut aller dans le sens du rapprochement et de la fusion des deux corps de la juridiction. Les deux syndicats ont écrit conjointement au Vice-Président, avant le décret, pour demander un accès à l’auditorat mais cette voie nouvelle n’aurait pu concerner probablement que le début de carrière peu après la sortie de l’INSP ou du concours. Dès le grade de PC, nous pouvons entrer au CE comme MR et l’USMA a proposé en CSTA et obtenu que la réforme prévoit l’accès de deux magistrats au moins comme maîtres des requêtes.

L’absence d’ouverture de l’auditorat renforce la demande que nous faisons depuis de nombreuses années que s’ouvre à nous l’accès comme maîtres des requêtes en service extraordinaire (MRSE). Aucun obstacle juridique n’existe. D’une nature très différente de l’accès réservé, il permettra aux collègues qui le souhaitent d’effectuer un détachement au Conseil d’Etat. Nos échanges avec le CE ne révèlent pas d’opposition de principe. Le temps est venu de concrétiser cette possibilité.

Comme nous, cette réforme de la haute fonction publique vous préoccupe. Nous nous en faisons l’écho auprès du gestionnaire tout comme nous ne manquons pas de relayer auprès de nos interlocuteurs parlementaires que la réforme est une occasion manquée et que les sorties du futur INSP vers le CE auraient dû être précédées d’un passage en TA et CAA plutôt qu’en administration, ce que vous étiez 64% à demander lors de notre sondage.

Un juge est un juge : ce que nous contestons dans la réforme du Conseil d’Etat

Si le cœur du combat de l’USMA concerne les TA et les CAA, nous ne pouvons admettre les atteintes que la réforme porte au juge de cassation de notre ordre juridictionnel.

L’USMA est opposée à ce que les auditeurs n’aient plus de statut. Ils sont nommés sur des emplois fonctionnels et soumis à une période probatoire non renouvelable de trois ans avant d’être intégrés comme membres à part entière du Conseil d’Etat (L. 133-5 du CJA).

L’USMA est opposée à ce que la carrière et le choix des futurs membres du CE soit le fait d’un comité de quatre membres et d’une commission de six membres, tous deux composés à parité de membres du CE et de personnalités qualifiées nommées par des autorités politiques.

L’USMA est opposée à ce que des contractuels de droit public accèdent au CE (L. 133-9 du CJA).

En conséquence, nous avons élargi notre recours contre l’ordonnance et notre QPC à ces dispositions relatives au CE dont nous pensons qu’elles sont incompatibles avec la qualité de juge que nous défendons !

Le débat au Sénat

Si le gouvernement ne veut pas d’une loi de ratification, le Sénat a inscrit le débat à son ordre du jour le 6 octobre prochain.

Vous trouverez sur notre site notre contribution écrite à la table ronde organisée par Mme la Sénatrice Di Folco le 20 septembre dernier réunissant les syndicats et associations ayant introduit un recours contre l’ordonnance n° 2021-702. Nous y donnons des détails sur les moyens de notre recours contentieux et explicitons les dangers de la réforme ainsi que la désorganisation qui commence déjà à se faire jour dans les juridictions. Nous vous signalons un article d’Acteurs Publics faisant le point sur les recours.

EN BREF

Congés et RTT : le décompte est lancé !

Nous avons adressé dans toutes les juridictions et pour tous les collègues des calendriers destinés à vous informer de vos droits et vous permettre de cocher les jours de repos réellement pris.

Ce décompte est un indicateur pour vous. Au terme de l’année, nous vous demanderons si vous acceptez de nous communiquer le résultat. Nous soupçonnons fortement que la plupart d’entre nous est dans l’incapacité de prendre ses jours de repos légaux. Le différentiel devrait donc abonder le CET. Aidez-nous à faire respecter nos droits. Si le calendrier ne vous est pas parvenu, merci de vous rapprocher de votre délégué USMA ou de nous écrire.

Qualité de vie au travail

Notre collègue Stéphane Wegner, qui avait déjà clarifié en trois questions le harcèlement moral, nous propose de reconnaître et distinguer le burn out, le bore out et le brown out. Ces trois formes de souffrance dessinent en creux les critères de l’épanouissement professionnel dégagés en conclusion. A lire…

Dernière minute : dématérialisation

Nous avons eu hier un échange avec le secrétariat général sur le projet de note relative à la dématérialisation, applicable dans les TA et CAA, ainsi que sur la future charte informatique de la juridiction, qui concerne la sécurité et s’appliquera également au Conseil d’Etat.

Au-delà de nos demandes pour que l’on cesse de bouleverser brutalement les habitudes de travail et que nous conservions a minima des possibilités d’impression, nos revendications quant à un meilleur équipement ont été partiellement entendues. Le service envisage que la dotation en troisième écran se fasse sur un matériel qui pourra être emporté à domicile.

Visite du TA et de la CAA de Nantes

L’USMA était en visite au TA et à la CAA de Nantes, les 14 et 15 septembre derniers. Le TA compte dix chambres, outre une chambre des urgences à laquelle sont affectés trois magistrats dont un a la qualité de référent.

Deux chambres à trois rapporteurs sont entièrement consacrées au traitement du contentieux des visas. Les collègues nous ont unanimement fait part de la lourdeur de ce contentieux, en nombre (20% des entrées du TA) comme en complexité des dossiers. Ils tentent de juger en six mois les dossiers en flux afin d’éviter la multiplication des référés.

Ce tribunal est logé dans un ancien hôtel particulier mais deux chambres travaillent dans un bâtiment situé à une vingtaine de minutes de marche du bâtiment principal et des deux salles d’audience. Le projet est de « ramener » ces deux chambres dans l’ancien hôtel particulier et de créer une nouvelle salle d’audience.

Concernant la CAA, depuis l’année passée, elle ne juge plus en appel les décisions du TA d’Orléans et a vu ses effectifs diminuer de deux magistrats. Comme pour de nombreuses juridictions, il y a une volonté claire pour réanimer le collectif juridictionnel au sortir du confinement.

Outre le fait d’accueillir deux juridictions, la ville de Nantes offre quelques mobilités intéressantes telles que conseiller juridique à la sous-direction des visas, chef de bureau à la sous-direction des naturalisations ou encore le service des pensions de retraite de l’Etat (Minefi). L’USMA tient à remercier les chefs de juridiction pour leur accueil, nos délégués pour leur engagement et leur aide si précieuse ainsi que tous ceux, magistrats mais pas uniquement, qui nous ont accordé de leur temps, fait part de leurs réflexions et de leurs interrogations.

Agenda de l’USMA

1er octobre
Audition devant la commission des finances de l’Assemblée Nationale
4 octobre
Rencontre avec l’association des membres du CE
5 octobre
CSTA
5 et 6 octobre
Visites de juridictions
14 et 15 octobre
Séminaire de la Fédération européenne des juges administratifs – droit fiscal
20 octobre
CHSTC exceptionnel : restitution de l’enquête sur le baromètre social
21 octobre
Visite de juridiction
22 octobre
Colloque « le juge administratif face à la critique » à l’université de Lille