Audition de l’USMA par le sénateur Bernard Saugey

L’USMA a été auditionnée le mardi 30 mars par le sénateur Saugey qui souhaitait recueillir nos observations sur la proposition de loi n° 130 de simplification et d’amélioration du droit.

Deux articles de la proposition de loi ont fait l’objet de nos interventions :

- l’article 40 : conseils des juridictions administratives aux collectivités territoriales

- l’article 6 (III) : retrait de l’obligation faite aux administrations d’instaurer des RAPO pour certains contentieux concernant les fonctionnaires civils

Rappel :

- l’USMA avait vivement réagi lors des débats à l’Assemblée nationale sur l’article 40 et a publié un communiqué de presse en janvier sur le sujet (http://usma.apinc.org/L-USMA-S-OPPO… ).

- l’USMA a écrit au Premier ministre pour obtenir la mise en œuvre effective des recours administratifs préalables obligatoires prévus par l’article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 (http://usma.apinc.org/L-USMA-ECRIT-… )

Vous trouverez ci-dessous, sur chacun de ces points, l’argumentaire développé par l’USMA lors de notre entretien avec Bernard Saugey.

I. Article 40 de la proposition de loi :

Cet article vise à permettre aux collectivités territoriales de consulter, pour avis, les tribunaux administratifs sur des questions de droit relevant de leur compétence.

Il est ainsi libellé :

« Après l’article L. 212-2 du code de justice administrative, il est inséré un article L. 212-3 ainsi rédigé : Art. L. 212-3. – À titre expérimental et pendant une durée de trois ans à compter de la publication de la loi n° du de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, des tribunaux administratifs et une cour administrative d’appel peuvent être consultés par les collectivités territoriales et leurs groupements sur une question de droit relevant de la compétence de ceux-ci. Cette expérimentation fait l’objet d’un rapport remis chaque année au Parlement, jusqu’au terme de celle-ci. « Les tribunaux et la cour concernés par l’expérimentation sont désignés par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre de l’intérieur. « La question, non soumise à une autorité juridictionnelle, fait l’objet d’une délibération motivée de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement. Elle est ensuite transmise au représentant de l’État dans le département s’agissant des questions posées par les communes et leurs groupements ou les départements, et au représentant de l’État dans la région s’agissant des questions posées par les régions. L’organe exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement et le représentant de l’État saisissent conjointement le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel. « La juridiction saisie rend son avis dans un délai de quatre mois. »

L’USMA a rappelé au sénateur Saugey qu’il est anachronique que les fonctions consultatives fassent encore partie des missions dévolues aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel : les juridictions ne sauraient être les conseils de l’exécutif, qu’il soit déconcentré ou territorial.

Le maintien, et a fortiori l’extension, de cette « dualité fonctionnelle », héritage du 19ème siècle et de la fonction consultative, auprès du gouvernement, du Conseil d’Etat, n’est en rien souhaitable. Instaurer ce nouveau mécanisme auprès des collectivités territoriales aura pour effet d’affaiblir l’indépendance et l’impartialité des juridictions administratives alors même que la priorité doit être de les renforcer, notamment par une évolution du statut de leurs membres.

Très souvent, dans le système actuel, lorsque des avis sont rendus aux préfets, ils entraînent des difficultés pour les formations de jugement appelées à statuer sur les contentieux nés de l’application desdits avis.

Ces difficultés ne manqueront pas d’être amplifiées lorsque la juridiction sera amenée à statuer dans un autre sens que celui préconisé par l’avis … et suivi à la lettre par la collectivité concernée !

Par ailleurs la charge de travail consistant, à terme et même avec le « filtre » de la co-saisine par le préfet, à rendre des avis à l’ensemble des collectivités locales ne saurait être supportée par les juridictions, qui luttent actuellement pour maintenir des délais de jugement raisonnables.

L’USMA dénonce, une fois de plus, le transfert de charges opéré du ministère de l’intérieur vers les TA CAA : si le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités ne sont quasiment plus effectués par les préfectures, il n’appartient pas aux TA CAA de se substituer à ces dernières.

Cette dévolution est contraire aux principes de valeur constitutionnelle d’indépendance et d’impartialité de la justice.

Elle est, d’autre part, incompatible avec les exigences européennes.

Enfin elle se ferait au détriment des prestataires de services naturellement à la disposition des collectivités locales, au premier rang desquels se trouve la profession d’avocat.

II. Article 6 de la proposition de loi

Cet article revient sur l’obligation faites aux administrations d’instaurer des RAPO pour certains contentieux concernant les fonctionnaires civils par la loi du 30 juin 2000.

Il se présente ainsi :

« III. – L’article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives est ainsi rédigé : Art. 23. – (…) À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° du de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle peuvent faire l’objet, à l’exception de ceux concernant le recrutement ou l’exercice du pouvoir disciplinaire, d’un recours administratif préalable dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Cette expérimentation fait l’objet d’un rapport remis chaque année au Parlement, jusqu’au terme de celle-ci. »

En étendant les RAPO déjà applicables aux militaires à l’ensemble des fonctionnaires civils, la loi du 30 juin avait fixé un cap et un objectif dont chacun reconnaît, aujourd’hui, le bien-fondé.

Il serait inopportun, dès lors, de renoncer à cette ambition au seul motif que les administrations concernées ont trainé les pieds pour mettre en place cette obligation légale.

A cet égard nous avons mis en parallèle la diligence de la juridiction administrative dans son ensemble lorsqu’il s’agit d’appliquer les réformes de procédure votées par le Parlement.

Dan ces conditions on ne comprendrait pas qu’une réforme aussi unanimement réclamée soit noyée dans les tourbillons d’une expérimentation en forme de renoncement.

Nous avons transmis au sénateur le texte de notre recours au premier ministre.

Nous avons fait valoir que seule une démarche volontariste permettrait d’atteindre le légitime objectif fixé par la loi du 30 juin 2000.

A suivre.