Ordonnance sur Mayotte : le droit au recours ne saurait être conjoncturel !

Son article 14 prévoit l’application, à Mayotte, des dispositions dérogatoires au droit commun de l’article L. 514-1 du CESEDA applicables à la Guyane, en vertu desquelles le recours présenté par un étranger contre une OQTF ne revêt pas un caractère suspensif.

Comme précédemment indiqué dans nos observations sur le projet d’ordonnance, l’USMA, attentive à ce qu’une justice administrative effective et de qualité soit accessible à tous, ne saurait se satisfaire de ce statu quo, qui fait fi de la condamnation de la France par la CEDH pour violation du droit au recours effectif dans l’affaire « Souza Ribeiro » (relative à la Guyane).

Le rapport au Président de la République du 7 mai 2014 relatif à l’ordonnance explicite ce choix en ces termes : «  13 000 reconduites à la frontière (soit l’équivalent de la moitié du volume des éloignements effectués en métropole) sont réalisées annuellement depuis Mayotte. Le caractère exceptionnel de l’immigration irrégulière à Mayotte justifie de ne pas renoncer à ce régime spécifique auquel les obligations européennes ne s’opposent pas. Une solution contraire aboutirait à une complexification de l’action administrative ainsi qu’à un engorgement de la juridiction administrative dont pâtirait aussi, in fine, le justiciable.

Une telle argumentation n’est pas recevable !

Tout d’abord, si la Cour européenne des droits de l’homme n’a certes pas exigé que le recours revête un caractère suspensif et n’a pas exigé que celui-ci revête une forme particulière, elle a cependant condamné la France pour absence de recours effectif, en relevant qu’aucun des recours introduits par le requérant n’avait fait l’objet d’un examen effectif, au fond ou en référé, par la juridiction administrative, de sorte que l’éloignement avait été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale. Cette ordonnance est donc contraire au droit européen.

Puis, dans un Etat de droit, l’action administrative se doit d’être soumise au principe de légalité et le droit des étrangers ne saurait échapper à cette exigence fondamentale. Le contrôle de légalité ne saurait être présenté comme une source de « complexification de l’action de l’administration ».

Et l’argument relatif à l’engorgement de la juridiction administrative, déjà écarté par la Cour européenne des droits de l’homme, n’est pas davantage tenable : s’il est indéniable que la mise en place d’un recours effectif contre les mesures d’éloignement porte en germe le risque d’un impact considérable sur l’activité du Tribunal administratif de Mamoudzou, il appartient à un Etat d’organiser ses juridictions de manière à répondre aux exigences qu’implique l’Etat de droit : le droit au recours ne saurait être conjoncturel…

Enfin, les 13 000 justiciables par an qui ne pourront pas contester leur éloignement devant une juridiction pâtissent bien davantage de l’absence de recours effectif que de la mise en