« Dialogue entre les deux ordres de juridiction », par M. Sauvé

Monsieur le directeur de l’École nationale de la magistrature
Mesdames et Messieurs les auditeurs de justice,
Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d’avoir été convié par la direction de l’Ecole nationale de la magistrature à m’exprimer devant votre promotion.

En faisant le choix de devenir magistrats, vous entrez au service de la construction ou, plutôt, de la consolidation de l’Etat de droit dans notre pays. Plus précisément, vous devenez des acteurs du service public de la justice. Rendre la justice est une belle vocation. C’est aussi une immense responsabilité. Vous l’avez sûrement déjà perçu lors de vos premiers stages. Vous en prendrez encore la mesure à l’occasion de vos futurs stages en juridiction et plus encore lors de votre première affectation. Avant cela, il faut, en complément de vos études de droit et, pour certains, de vos expériences professionnelles passées, vous familiariser avec les outils procéduraux, les méthodes de travail et le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire, mais aussi avec l’éthique des magistrats, du siège ou du parquet. Au-delà des techniques et du raisonnement juridique qu’il doit maîtriser, chaque magistrat doit aussi être conscient des enjeux et des défis auxquels la justice est confrontée dans son exercice quotidien et, de manière plus large, des questionnements qui la traversent.

En France, la justice est rendue par deux ordres de juridiction distincts et aussi par un troisième ordre, le dernier né, mais le premier juridiquement et protocolairement : le Conseil constitutionnel. Les deux ordres juridictionnels historiques sont l’ordre judiciaire, dans lequel vous êtes entrés, à la tête duquel se trouve la Cour de cassation, et l’ordre administratif, composé des juridictions administratives de droit commun – les 42 tribunaux administratifs, dont 31 en métropole, et les 8 cours administratives d’appel – et des juridictions spécialisées – en particulier la Cour des comptes, la Cour de discipline budgétaire et financière, la Cour nationale du droit d’asile ou les juridictions disciplinaires nationales des ordres professionnels.

Cet ordre, qui est régulé par le Conseil d’Etat, juridiction administrative suprême selon les termes mêmes de l’article L. 111-1 du code de justice administrative, reçoit et juge environ 300 000 recours par an, soit 10 fois plus qu’il y a 40 ans. Le dualisme juridictionnel, qui est souvent questionné et parfois contesté, est un élément essentiel de l’organisation et de la compréhension du service public de la justice dans notre pays. Mais si notre histoire, nos missions et nos compétences nous séparent, il nous revient conjointement de répondre aux attentes croissantes, et parfois pressantes, des justiciables et de dispenser un service de la justice de qualité : tels sont les objectifs partagés, pour ne pas dire communs, des juridictions aussi bien judiciaires qu’administratives.

Dans cet esprit, je souhaite évoquer devant vous les origines et les compétences de la juridiction administrative (I) ainsi que l’intérêt et l’utilité du dualisme juridictionnel (II). Au-delà de ce qui nous sépare et de ce qui fait notre spécificité, j’insisterai aussi sur ce que nous avons en commun : le fait d’être des juges et de concourir ensemble à la résolution des conflits au service des justiciables et de notre pays (III).

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