La réunion s’est tenue sous la présidence de M. Girardot, en présence de MM. Humbert et Meyer ainsi que des deux organisations syndicales. L’USMA était représentée par M. Laforêt, Mme Edert et Mme Triolet. Le SJA, à qui revenait la proposition du thème principal, a choisi l’avancement au grade de président.
L’avancement au grade de président
I. En préambule : l’USMA demande que le service réalise un travail de pyramidage et de prospective précis
Nous savons tous que la pyramide est défavorable à l’avancement de grade, avec des carrières qui s’allongent 16 ans en moyenne pour accéder au grade de président. Nous savons aussi qu’arrivent dans les années pivot de grosses promotions, en particulier les années 2008, 2009, 2011 et 2012.
L’USMA demande qu’un vrai travail prospectif sur la pyramide des âges soit annuellement effectué par le gestionnaire et présenté en dialogue social ou en CSTA. Il nous faut des chiffres précis émanant du gestionnaire qui prennent en compte les départs à la retraite ou du corps et permettent par exemple de tester des hypothèses telles que les effets d’un retour à deux rapporteurs par chambre demandé par l’USMA de longue date dans son livre blanc et préconisé dans les lignes directrices de gestion.
Il faudrait être en mesure d’évaluer l’ampleur des difficultés pour les anticiper au mieux, sans attendre d’être confrontés à un fort mécontentement dû au blocage des carrières de la moitié d’une promotion CFJA.
L’USMA demande également au gestionnaire d’indiquer en toute transparence ses projections et aussi de communiquer davantage sur le rôle et les missions des présidents de chambre afin que les candidats puissent faire des choix éclairés.
En effet si ce thème concerne la promotion au grade de président, il est aussi l’occasion pour nous de nous interroger sur les perspectives qui peuvent être offertes à ceux qui ne pourront ou ne voudront pas accéder à ce grade.
II. Ce qui nous semble insatisfaisant dans le système actuel de promotion au grade P1-P4
– Ainsi qu’il a été dit, le nombre de postes de président de chambre est insuffisant par rapport au nombre de postulants actuels et la difficulté est appelée à s’aggraver, au moins dans un premier temps. La carrière de nombreux collègues va se trouver bloquée.
– Pour répondre à l’insuffisance actuelle, il a été instauré un système très rigide et imparfait. Face à la pénurie de places, il faut monter dans le train au moment où il passe. En effet, une fois les années pivot passées, il devient plus difficile encore de prétendre à une promotion, alors même qu’elle peut être parfaitement méritée. Les magistrats sont donc contraints de candidater à un moment où cela ne correspond pas forcément à leurs aspirations ou à leurs possibilités de déménager.
En outre, votre voiture ne comporte pas autant de places que celle d’avant ou d’après. Le système des années pivot créé une iniquité dans les chances de promotion en fonction des tailles de promotions autour de l’année d’entrée dans le corps (qui s’ajoute à l’iniquité créée par la juridiction d’origine). L’année d’entrée dans le corps est discriminante et de nombreux magistrats sont voués, pour des raisons de mauvaise anticipation de départ à la retraite, à ne jamais accéder au grade de P1-P4.
A cela s’ajoute un risque de plus en plus sérieux de discrimination à l’âge. Face à la carence de postes, le service semble tenté de renoncer à promouvoir des magistrats parfaitement compétents mais relativement proches de la retraite. L’USMA s’oppose fermement à cette tentation et sera de plus en plus vigilante lors de l’établissement des listes et tableaux. En effet, la catégorie avis réservé semble avoir été détournée dans certains cas. Un tel choix, discriminatoire à l’égard des plus âgés, ne serait guère plus favorable aux jeunes P1-P4 qui, sans disjonction entre le grade et la fonction, devraient exercer les mêmes fonctions pendant 25 ans ou plus.
Enfin, la réalisation du tableau d’avancement implique là aussi une absence de choix, puisque le train bondé ne repasse qu’une seule fois. Pourtant, il n’y a aucun intérêt pour les postulants ou pour le corps à imposer aux présidents d’être, pour nombre d’entre eux, loin de chez eux pour deux ou trois ans. Ils ne connaissent pas la juridiction d’accueil, héritent logiquement de la chambre la moins demandée, leur prise de fonction en est inutilement compliquée et ils aspirent à rentrer rapidement chez eux. Les hasards de vacances de poste une année ne sont pas le meilleur outil d’allocation des moyens humains.
– Pour tenter de pallier l’engorgement futur, le gestionnaire préconise un parcours de carrière multipliant les mobilités. Les magistrats des nouvelles promotions au CFJA s’entendent dire qu’ils ne pourront jamais accéder au grade P1-P4 et le gestionnaire, à défaut d’offrir des perspectives de déroulement de carrière, souhaite fortement privilégier les allers-retours hors de la juridiction. L’USMA a déjà dit, y compris au contentieux, ce qu’elle pense de cette orientation pour un corps de magistrats. Ce n’est conforme ni à nos fonctions, ni aux intérêts du corps que de privilégier les seuls « profils gestionnaires » aux dépens de la diversité. Pourquoi former des magistrats pour leur suggérer fortement de quitter régulièrement le corps (alors même qu’il est déjà difficile de faire une seule mobilité) ?
III. Quelles raisons militent, selon l’USMA, en faveur d’une disjonction progressive du grade et de la fonction ?
– Tout d’abord, toutes les difficultés que nous venons d’énoncer en termes de déroulement de carrière. La disjonction est une réponse satisfaisante à la plupart d’entre elles. Elle soulève la question du choix des personnes destinées à présider une chambre mais la réponse pourrait être plus rationnelle que le hasard des années pivot et des postes disponibles.
– En outre, certains premiers conseillers très expérimentés peuvent souhaiter avoir le même déroulement de carrière que leurs collègues sans avoir d’appétence particulière pour la présidence d’une chambre. Il est contreproductif de les contraindre à se porter candidats à de telles fonctions pour n’être pas « bloqués » dans leur avancement, tout comme il est injuste de les bloquer alors que l’expérience bénéficie grandement à leur juridiction.
– Des présidents de chambre peuvent tout à fait, à un moment de leur carrière, souhaiter ne plus présider une chambre pour prendre en charge de multiples tâches partagées entre collègues (référé, commissions, commissaires-enquêteurs, BAJ…). Il faut permettre aux juridictions de s’organiser au mieux en fonction de leur composition.
– Au-delà même des difficultés qu’il engendre, nous ne voyons pas les arguments qui militeraient en faveur du maintien de ce système très rigide et hérité d’une conception assez pyramidale et administrative, qui ne correspond pas vraiment à l’organisation d’une communauté de magistrats. Les collègues sont de plus en plus nombreux à appeler de leurs vœux une souplesse accrue. Pour quelles raisons le gestionnaire s’y opposerait-il ?
IV. Dans un premier temps, la solution préconisée par l’USMA
Consciente qu’une telle évolution ne peut qu’être progressive, l’USMA demande, dans un premier temps, la création des postes de P1-P4 en nombre supérieur à celui des chambres. Cette situation existe dans certaines juridictions mais cela résulte plus de hasards que d’une véritable politique. Il nous semble, mais cela mérite d’être vérifié, que les petites juridictions où le chef de juridiction préside encore une chambre, où les tours de permanence reviennent vite, doivent recevoir une attention particulière et bénéficier plus rapidement d’une telle mesure.
Alors même que le nombre de postes de P1-P4 est insuffisant, ceux qui sont en poste sont largement submergés.
En juin 2019, près de la moitié des collègues ont répondu au questionnaire (SJA) sur les conditions et la charge de travail dans les juridictions administratives. Les proportions de répondants de chaque grade sont conformes à la sociologie du corps. A la question « êtes-vous satisfaits de vos conditions de travail ? », les présidents de chambre arrivent bons derniers en termes de satisfaction, derrière les rapporteurs publics et les rapporteurs. A une question relative à l’évolution de ces conditions de travail dans les cinq dernières années, ils sont 84 % à noter une évolution négative à très négative, contre 69 % des conseillers et premiers conseillers. Ce chiffre interpelle. Nous le pensons lié à la pression statistique qui s’exerce pleinement sur les présidents de chambre (qui eux savent et vivent l’inadéquation entre les objectifs et la capacité de jugement de leurs équipes) mais également à leur propre surcharge. Les tâches actuelles des VP se sont multipliées et diversifiées de telle manière que le temps consacré à la formation, à l’accompagnement des rapporteurs et la révision ne sont plus le cœur de métier et aboutit à une charge de travail déraisonnable pour nombre d’entre eux. Pour citer un collègue : « les présidents de chambre sont quant à eux confrontés à la nécessité de multiplier les missions et casquettes diverses, parfois même en installant des digues visant à protéger les magistrats de questions diverses et variées ».
La solution proposée par l’USMA permettrait de retrouver des marges de manœuvres pour faire face. Des chefs de juridiction pourraient ainsi proposer des organisations de travail plus créatives et adaptées. Des vice-présidents un peu déchargés pourraient faire profiter aux collègues de leur expérience juridictionnelle, réviser ce qui est aujourd’hui impossible pour la plupart et même traiter des dossiers de fond et non accumuler les tâches annexes, les ordonnances et les référés.
En outre, cette surcharge les contraint à « absorber » toute l’aide à la décision pour faire face. Comme cela ressort du rapport du groupe de travail, il n’est guère possible d’organiser les assistants de justice autrement qu’en assistance des présidents de chambre. Là encore, on s’empêche d’avoir une politique créative en la matière comme notre proposition de cabinets de juge.
A notre connaissance, la pratique de créer des plus de présidents de chambre supplémentaires existe dans les CRC.
V. Le choix des présidents de chambre
Comment harmoniser les avis des chefs de juridiction ?
L’art de l’avis pour promotion est peu encadré et insatisfaisant, notamment au regard du classement que le chef de juridiction doit réaliser.
Certains chefs de juridiction peuvent limiter le nombre d’inscrits aux nombres de poste susceptibles d’être vacants dans leur TA, alors que la liste nationale n’a pas cette vocation. Cette corrélation n’a pas de sens. Il faut que chaque année, les magistrats pouvant prétendre au grade reçoivent un avis éclairé sur leur situation, leur capacité ou leur parcours professionnel. A ce titre le classement local pose des difficultés par rapport à une liste nationale et il convient de s’interroger sa pertinence. Il ne s’agira donc pas d’exclure ni de comparer les candidats mais de proposer une liste de magistrats aptes à exercer ses fonctions comme le texte le prévoit.
Certains chefs de juridiction n’hésitent pas à soutenir pleinement leurs magistrats quand d’autres entendent donner un sens littéral au mot exceptionnel. On peut d’ailleurs s’interroger sur cette catégorie, faut-il la maintenir ? A tout le moins, l’USMA suggère d’informer les chefs de juridiction des pourcentages d’évaluation des candidats examinés et retenus. Il serait également utile de clarifier les règles quant à l’opportunité de restreindre le nombre de candidats
Nous avons reçu de nombreux courriels de mécontentement notamment face à l’incompréhension et au manque de transparence présidant aux choix des chefs de juridictions. Certains collègues s’interrogent aussi sur leur devenir dans la juridiction.
L’USMA demande à ce que les chefs de juridiction soient formés et informés et qu’un entretien préalable à l’avis ait lieu pour discuter notamment des motivations de leurs magistrats.
Comment procéder au choix final ?
L’instauration de la réunion avec le service préalable au CSTA est une avancée mais l’USMA appelle de longue date de ses vœux que cette réunion soit celle de constitution de la liste proposée et réunisse une émanation du CSTA composée d’un représentant de chaque organisation, du service, de la MIJA et une personnalité qualifiée. Travaillant ensemble, ils se doteraient de critères d’analyse communs, clairs et transparents !
VI. En résumé, les propositions de l’USMA
1- Que le gestionnaire réalise annuellement et présente en dialogue social ou au CSTA un travail prospectif sur la pyramide des âges.
2- Créer des postes de VP « supplémentaires », notamment pour prendre en charge des référés, des fonctions support (commissaires enquêteurs, expertises…), voire des fonctions administratives en appui aux chefs de juridiction.
3- A terme, disjoindre grade et fonction pour offrir plus de souplesse de gestion.
4- Dans l’immédiat, mieux préparer et informer les chefs de juridiction qui doivent être en capacité d’orienter leurs magistrats, de les conseiller utilement, de les évaluer et de leur expliquer les refus du CSTA. S’interroger sur l’utilité d’un classement local et sur la pertinence de la case « exceptionnelle » de l’avis au regard de la diversité des pratiques.
5- Prévoir que le tableau d’avancement, présenté en séance au CSTA, soit élaboré en amont par une émanation de cette instance selon des critères clairs.