I. Approbation du procès-verbal de la séance du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel du 14 janvier 2020 :
Le procès-verbal a été approuvé.
II. Examen pour avis d’un projet de décret modifiant l’article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure et le décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l’application du I de l’article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés :
Le projet de décret soumis à l’avis du Conseil supérieur a pour objet de modifier le 8° de l’article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure afin que le régime dérogatoire relatif au contentieux de la mise en œuvre des droits d’accès indirects aux données contenues dans certains traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’Etat, relevant de la compétence du Conseil d’Etat, soit généralisé à l’ensemble des données contenues dans Startrac, et non plus seulement aux seules données de ce système informatique, mis en œuvre par le service à compétence nationale Tracfin, intéressant la sûreté de l’Etat. Un projet de décret ayant un objet identique avait fait l’objet d’un avis favorable du CSTA dans sa réunion du 13 février 2018. Il s’agit de tenir compte de l’actualisation de la base réglementaire autorisant la mise en œuvre du traitement « Startrac ».
Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel a rendu un avis favorable sur le projet de décret qui lui est soumis.
III. Examen pour avis d’un projet de décret relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives :
La mise à disposition du public des décisions de justice résulte de deux textes successifs : la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (articles 20 et 21) et la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (article 33) : le législateur a supprimé, en 2019, le principe de prévention du risque de réidentification, qui était posé comme une condition préalable en 2016.
L’état du droit dans le code de justice administrative distingue deux dispositifs :
- L’article L. 10 du code de justice administrative prévoit la mise à disposition sous forme électronique de l’ensemble des décisions, après avoir supprimé les noms et prénoms des parties et des tiers. C’est l’étape d’anonymisation. Si les éléments de réidentification des parties, des tiers, des magistrats et des membres du greffe sont de nature à porter atteinte à leur sécurité ou au respect de leur vie privée, ils seront occultés. L’article L. 10 précise enfin que le profilage de magistrats est interdit à peine de sanctions pénales.
- L’article L. 10-1 du même code prévoit quant à lui que, sauf demandes abusives, les tiers peuvent se faire délivrer copie des jugements. La forme (papier ou électronique) n’est pas précisée et les noms et prénoms des parties ne sont pas occultés. Les éléments de réidentification des seuls parties ou tiers ne sont supprimés que s’ils sont de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée.
Ainsi, la mise à disposition prévue par l’article L. 10 du code semble destinée au « commerce des données », que ce soit par une exploitation directe, dans le cadre de la vente des données personnelles, ou indirecte par les algorithmes dits d’intelligence artificielle. Au contraire, les tiers, personnes physiques, sont concernés par la communication de l’article L. 10-1, qui existait antérieurement mais sous forme règlementaire.
Le projet de décret met en application les dispositions de l’article L. 10 du code de justice administrative à travers l’introduction dans le code des articles R. 741-13 et R. 741-14 nouveaux.
L’article R. 741-13 prévoit que la mise à disposition se fait dans un délai de deux mois et que les décisions d’occultation des éléments de réidentification sont prises :
- lorsque les risques concernent les parties et tiers, par le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul ;
- lorsque que les risques concernent les magistrats, greffiers et leur entourage, par le président de la juridiction.
L’occultation des éléments permettant de réidentifier une personne par croisement d’informations est bien plus délicate que la simple anonymisation, consistant à enlever les nom et prénom.
L’article R. 741-14 créé une procédure d’occultation ou de levée d’occultation qui peut être mise en œuvre, par toute personne intéressée, devant un membre du CE désigné par le vice-président du Conseil d’Etat, qui statue en deux mois.
S’agissant de la communication aux personnes physiques, le projet de décret met en application l’article L. 10-1 en complétant l’article R. 751-7 existant, relatif à la notification. En l’état, ce texte dispose que les « les tiers peuvent [se] faire délivrer une copie simple [de la décision] ayant fait l’objet, le cas échéant, d’une anonymisation ». Cette phrase est supprimée. Il est désormais prévu que les tiers devront identifier précisément les décisions dont ils demandent copie. Le droit d’accès des tiers n’est nullement élargi.
Les décisions seront mises à disposition sur Internet à compter d’une date arrêtée par le garde des sceaux, pour chacun des ordres judiciaire et administratif et, le cas échéant, par niveau d’instance et par contentieux. Par dérogation, l’arrêté pourra fixer, pour certaines décisions, une date de mise à disposition en ligne antérieure au décret.
Enfin, l’article L. 10 rappelle qu’il est interdit de réutiliser le nom des magistrats et greffiers afin « d’évaluer, d’analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées ». Ce faisant, l’article L. 10 renvoie à une infraction qui existe depuis 1994 et concerne le « fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». Ici, les données seront mises à disposition gratuitement et légalement. On peut douter que le profilage relèvera de ces faits délictueux et donc de l’efficacité de la protection affichée.
Plusieurs éléments justifient un vote défavorable de l’USMA sur ce projet de décret :
- En premier lieu, la Cour de cassation n’a jamais réussi, malgré des dépenses importantes, à disposer d’un algorithme fiable pour procéder à l’occultation des éléments de réidentification.
- Ce projet fait peser sur les magistrats une nouvelle obligation d’occultation des éléments de réidentification, mais reste totalement silencieux sur la question des modalités pour y procéder. Cette tâche supplémentaire, ô combien délicate, se fera sous leur responsabilité. Faute de précision sur les modalités de mise en œuvre, il est à craindre que les juridictions n’y procèdent que de manière exceptionnelle, prenant ainsi le risque de livrer la vie privée des justiciables aux « vendeurs » de données personnelles et de voir la responsabilité des magistrats engagée.
- Aucune évaluation de la charge de travail supplémentaire engendrée par cette obligation n’a été présentée.
- L’USMA, aux côtés de l’ensemble des organisations de magistrats, appelle avec fermeté au retrait du projet et à la mise en place de groupes de travail sous l’égide du Conseil d’Etat, pour l’ordre juridictionnel administratif, auxquels des représentants de la CNIL devraient être associés, afin d’établir un cadre sérieux et concerté pour la mise en place d’un open data, certes, mais d’un open data respectueux des libertés fondamentales.
Compte tenu d’un partage des voix, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel n’a pas été en mesure de rendre un avis sur le projet de décret qui lui est soumis.
IV. Examen du plan annuel de la formation initiale et de la formation professionnelle continue :
Le CSTA a examiné le plan de formation de la juridiction administrative pour l’année 2020, dont l’ambition première affichée est de rendre l’offre de formation plus accessible.
Après avoir rappelé que la charge de travail croissante des magistrats administratifs a des effets néfastes sur le suivi des formations (1,66 journées de formation en 2017 contre seulement 1,34 et 1,37 en 2018 et 2019), l’USMA s’est félicitée des efforts poursuivis par le CFJA pour rapprocher la formation des magistrats, que ce soit par le développement de modules organisés sur site (formations délocalisées ou locales) ou par le déploiement de la visioconférence qui pourrait, à court terme, permettre la connexion simultanée de 8 juridictions.
L’USMA a également salué la volonté du CFJA de mettre au point des formations communes aux magistrats et agents de greffe. Nous pensons en effet que la formation doit devenir un outil de décloisonnement, redynamisant les échanges au sein de la juridiction administrative, donnant du sens à nos métiers et promouvant le travail collectif au service d’une mission commune ; elle doit également permettre aux magistrats, de la première instance à la cassation, de se rencontrer et d’échanger tant sur les méthodes de travail et les contraintes de chacun, que sur les évolutions contentieuses et les enjeux de ces dernières.
L’USMA a aussi souligné, en ce qui concerne la formation initiale des magistrats, l’intérêt de l’individualisation des parcours, de la valorisation de la richesse des expériences et du développement des modules relatifs à la fonction de juger et au savoir-être du magistrat.
Nous avons souligné la nécessité de former au management, dans son acception humaine, non seulement les magistrats accédant désormais au grade de président, mais également les présidents de chambre et chefs de juridiction déjà en responsabilité ; un effort semble envisagé en ce sens, il nous paraît indispensable de le soutenir. A cet égard, il nous a semblé nécessaire de préciser qu’en la matière, comme dans les autres, si le recours à un prestataire extérieur peut être bienvenu, celui-ci n’est envisageable que sous réserve d’une connaissance préalable et réelle des enjeux et exigences du métier de magistrat, ou en duo avec un membre de la juridiction.
L’USMA a par ailleurs appelé de ses vœux une rationalisation du cursus de formation des magistrats promus au grade de président, en le concentrant sur une semaine, pour un gain d’assiduité, d’efficience, de cohésion et d’économie.
Enfin, nous avons salué la mise en place d’un cursus obligatoire pour les agents de greffe primo-arrivants destiné délivrer une culture et des pratiques communes, de même qu’une formation initiale pour les juristes assistants. Sur ce dernier point, nous avons néanmoins plaidé en faveur de son ouverture aux assistants de justice et assistants du contentieux.
VI. Question diverse relative au port de la robe à la prestation de serment, à la demande de l’USMA :
Cette question fera l’objet, de la part de l’USMA, d’une information particulière.
Le compte rendu est présenté selon le schéma suivant :
Teneur de la demande d’avis (en caractères normaux)
Avis de l’USMA (éventuellement, en gras)
Position du CSTACCA en bleu