Compte-Rendu CSTACAA du 11 décembre 2018

Le compte rendu est présenté selon le schéma suivant :

Teneur de la demande d’avis (en caractères normaux)

Avis de l’USMA (en gras)

Position du CSTACAA  en jaune

  1. Examen pour avis de deux projets de décret pris pour l’application de l’article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense

Une nouvelle charge sans moyens pour faire face

L’USMA avait formulé des réserves lors de l’examen de l’article du projet de loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, qui transfère le contentieux des pensions militaires d’invalidité en première instance et en appel aux juridictions administratives de droit commun. 

Le contentieux transféré n’est pas résiduel, même si les tableaux font état d’une baisse continue depuis 2010 et si l’un des deux projets de décret institue un recours administratif obligatoire. L’article 4 du décret fait peser sur la juridiction administrative les dépenses nées du transfert et, qui plus est, le stock existant au 1erjanvier 2020, inconnu, sera également transféré dans nos juridictions, alors qu’il aurait été préférable que les juridictions destinataires de nouveaux contentieux les jugent.

Le secrétariat général avait fait valoir, lors de la consultation du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sur la loi, que le transfert en cause pourrait constituer un argument efficace pour obtenir l’octroi de moyens humains et financiers en adéquation. Mais la loi de finances pour 2019, qui crée, hors Cour nationale du droit d’asile, 10 postes pour l’ensemble de la juridiction administrative alors que la pression contentieuse continue à augmenter, n’a évidemment pas concrétisé cet espoir. 

L’USMA a proposé que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel émette un avis défavorable sur ces dispositions transférant, à nouveau, une charge contentieuse, sans étude d’impact ni moyens nécessaires à la préservation de la qualité de notre justice.

Avis ou information ?

L’USMA avait fait remarquer (voir notre précédent CR du 13 novembre) s’agissant des décrets d’application pris en matière d’asile et d’immigration, que le choix du gouvernement de ne soumettre au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ces décrets pour information et non pour avis nous paraissait contestable au regard des dispositions applicables de l’article L. 232-3 du code de justice administrative. Le secrétariat général avait alors argué de ce que ces décrets d’application n’avaient pas à être soumis pour avis, au regard de l’interprétation donnée par la section des travaux publics de ces dispositions. 

Or force est de constater que les présents projets de décrets, qui comme les précédents sont des décrets d’application et font peser une charge sur la juridiction, à la fois organisationnelle et financière, sont soumis pour avis au Conseil. 

Nous avons donc à nouveau demandé au secrétariat général d’expliquer pour quelle raison les décrets d’application pris en matière d’asile et d’immigration devaient échapper à la procédure consultative.

L’USMA s’interroge sur l’opportunité d’engager une action contentieuse contre les décrets immigration, pour voir trancher la question par la section du contentieux, qui jugera à notre sens difficilement ce vice de procédure comme ne privant pas les magistrats d’une garantie.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a rendu un avis favorable au projet de décret.

  1. Examen pour avis d’un projet de décret relatif au contentieux des opérations d’urbanisme, d’aménagement ou de maîtrise foncière des jeux olympiques et paralympiques de 2024 :

Ce projet de décret vise à accélérer et unifier le traitement contentieux des litiges relatifs à différentes opérations nécessaires à la préparation, à l’organisation et au déroulement des jeux olympiques et paralympiques de 2024. La Cour administrative d’appel de Paris devrait statuer en premier et dernier ressort sur les litiges enregistrés postérieurement à l’entrée en vigueur du projet de décret, tout comme les tribunaux administratifs, pour les litiges dont ils sont déjà saisis.

Ces dispositions dérogent donc au principe du double degré de juridiction pour l’ensemble des litiges portant sur les actes afférents à la réalisation des projets d’infrastructures nécessaires à l’organisation et au déroulement des jeux olympiques, ainsi que pour les litiges portant sur les actes afférents aux constructions et aux opérations d’aménagement qui y sont liés.

Il est désormais malheureusement acquis que l’urbanisme est le terrain d’expérimentations contentieuses. On en connaît les raisons : aller vite, et en l’espèce aller vite au point de priver les justiciables du double degré de juridiction.

L’USMA s’oppose à tout renoncement, même partiel, au droit au recours. Si le double degré de juridiction n’est pas une garantie constitutionnelle, il est, dans les faits, l’ensemble des magistrats en sont conscients, une importante garantie de la qualité de notre justice.

Que le gouvernement choisisse encore une fois de privilégier l’efficacité économique au détriment de l’efficience judiciaire et de la garantie du droit du justiciable de bénéficier d’une justice de qualité nous désole.

Le double degré de juridiction n’a peut-être pas valeur constitutionnelle, mais les contraintes économiques, fussent-elles Olympiques, non plus.

En outre, supprimer le double degré de juridiction expose les décisions qui n’ont pas été revues par un juge du fond, à la cassation suivie d’un renvoi devant une juridiction du fond. Source d’engorgement de notre juge de cassation et d’allongement des délais, un tel dispositif, comme l’avait déjà souligné M. le Vice-Président Sauvé, peut se révéler finalement contre-productif, même en matière de délai de jugement.

Restriction du droit au recours et efficacité hypothétique, voilà le genre de dispositifs auquel il serait opportun de renoncer.

L’USMA a proposé que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel émette un avis défavorable sur le projet de décret.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a rendu un avis favorable au projet de décret.