Édito
Chères et chers collègues,
Alors que la charge de travail est trop souvent écrasante et que l’on assiste à une inquiétante désertification des juridictions, concilier qualité de la justice administrative et bien-être de celles et ceux qui la rendent est un défi majeur.
Depuis plusieurs années, l’USMA promeut la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) en défendant l’idée que, pour retrouver du sens dans l’exercice de notre métier dans un contexte de fort changement, il faut replacer l’humain au centre des préoccupations. Cette démarche ne vise pas seulement les « à-côtés » du travail et la convivialité mais l’ensemble des questions liées au travail (conditions et contexte, contenu, organisation, horaires et temps de travail, conduite du changement, etc) en prenant en compte le point de vue des personnes concernées au quotidien.
A l’occasion de cet USMag, nous sommes allés sonder les délégués pour identifier les leviers d’une meilleure prise en compte des richesses humaines dans le pilotage des juridictions.
Bonne lecture !
En bref
Réunion au cabinet du ministre de la transformation et de la fonction publiques
L’USMA, représentée par sa présidente Anne-Sophie Picque et Brice Lautard-Mattioli, membre du conseil syndical, a rencontré le 18 octobre le « conseiller statut général, FPE et encadrement supérieur » de M. Stanislas Guerini. Notre objectif : défendre l’attractivité du corps des magistrats administratifs, nécessaire au maintien d’une justice administrative de qualité.
L’attractivité, c’est d’abord une carrière qui ne soit pas un parcours du combattant et de bonnes conditions de travail. Pour cela, nous avons encore alerté sur les conséquences catastrophiques de l’obligation de double mobilité à l’extérieur d’un TA ou d’une CAA, tant sur le plan de l’égalité professionnelle que de l’organisation et du fonctionnement des juridictions. A l’instar des administrateurs de l’État, la notion de mobilité applicable aux magistrats administratifs devrait être conçue de manière moins restrictive (mutation dans un autre TA, et pas seulement en Outre-mer ce qui constitue déjà une avancée attendue de longue date ; mutation dans une CAA). Nous avons également rappelé nos demandes de correctifs à apporter à la suite de l’entrée en vigueur de la réforme statutaire du 1er juillet 2023, notamment en ce qui concerne l’avancement au grade de premier conseiller.
L’attractivité, c’est aussi la rémunération, dont l’alignement sur celle des administrateurs de l’État doit être achevé. Aujourd’hui, les montants d’IFSE versés à l’entrée dans les 1er et 2e grade des administrateurs de l’État sont très sensiblement supérieurs aux montants de la part fonctionnelle de l’indemnité de fonction des conseillers et premiers conseillers de TACAA. Pour que le bénéfice de la revalorisation indiciaire ne soit pas neutralisé, une revalorisation indemnitaire conséquente, sans remise en cause l’équilibre 75/25 entre la part fonctionnelle et la part individuelle, est nécessaire.
La prestation de serment, c’est presque fait !
L’article 52 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, adopté par la commission mixte paritaire, introduit la prestation de serment dans un nouvel article L. 12 du CJA. Si nous regrettons que le texte ne comporte de référence expresse aux fonctions juridictionnelles, il constitue néanmoins une grande avancée pour l’unité de la juridiction administrative et le renforcement des attributs liés à l’exercice d’une justice indépendante et impartiale. Le Conseil constitutionnel a été saisi du texte par plus de soixante députés le 16 octobre 2023, mais la saisine ne porte pas sur les dispositions relatives à la juridiction administrative.
Le 1er novembre est un jour férié !
Il est important que chacun d’entre nous puisse faire valoir son droit à la déconnexion ce jour-là et adapter son enrôlement en conséquence. C’est notre charge de travail qui doit s’adapter à notre temps de travail, et pas l’inverse. Il en va de l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle auquel nous avons tout autant droit que les autres agents publics !
Pour rappel, si vous posez des jours RTT dans une quinzaine où il y a un jour férié, vous devrez en poser 9 au lieu de 10 (article 4 de l’arrêté du 5 juillet 2004 relatif à la mise en œuvre du compte épargne temps dans les TA et CAA).
Zoom sur le guide des aidants
Publié le 6 octobre dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole sur l’égalité professionnelle, le « guide du proche aidant au sein de la juridiction administrative » apporte de nombreuses informations pratiques et juridiques à celles et ceux qui aident au quotidien un proche en perte d’autonomie du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap.
Après un point sur la notion de proche aidant, le guide liste l’ensemble des droits mobilisables que nous vous encourageons à faire valoir :
- le congé de proche aidant et le congé de présence parentale (décret n° 2020-1492 du 30 novembre 2020, complété par le décret n° 2023-825 du 25 août 2023 qui aligne le droit des agents publics sur ceux du privé) ;
- le congé de solidarité familiale (décret n° 2013-67 du 18 janvier 2013 relatif au congé pour solidarité familiale et à l’allocation d’accompagnement des personnes en fin de vie) ;
- le don de jours de repos (décret n° 2018-874 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants) ;
- les conditions pour bénéficier d’un temps partiel de droit (article L. 612-3 du code la fonction publique), une disponibilité de droit (article L. 514-1 à -8 du code de la fonction publique et article 47 du décret n° 85-986 du 16 décembre 1985), et des autorisations d’absence pour évènement familial.
Le guide énumère en outre les aides, dispositifs et accompagnements auxquels l’aidant et le proche aidé peuvent prétendre et fournit une liste d’interlocuteurs et de ressources.
N’hésitez pas à nous faire part ici de toutes questions ou difficultés de mise en œuvre.
Publication de l’arrêté du 20 octobre 2023 relatif à l’indemnité de fonction des magistrats administratifs
L’USMA a réalisé un tableau récapitulatif du traitement des magistrats administratifs, à jour des nouvelles grilles indiciaires, de la revalorisation du point d’indice et de l’arrêté du 20 octobre 2023 modifiant l’arrêté du 22 avril 2022 relatif à l’indemnité de fonction. Une erreur s’était glissée concernant les PC 11, corrigée sur la version consultable en téléchargement sur notre site internet, dont les pages « déroulement de carrière » et « rémunération » ont été mises à jour.
QUALITÉ DE VIE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL
De quoi s’agit-il ?
Dans le secteur public, la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) est une démarche qui regroupe toutes les actions permettant de combiner l’amélioration des conditions de travail et la qualité du service public, en s’appuyant sur la participation de chacune et chacun, en tant que membre d’un collectif de travail. A l’USMA, nous sommes effectivement convaincus que redonner toute sa place au collectif, à l’échange et à l’écoute ne peut qu’accroître la qualité de la justice rendue.
Au sein des juridictions administratives, de nombreuses thématiques peuvent être abordées au travers de la démarche « QVCT », fondée sur une nouvelle méthodologie collective, ascendante, où chacun peut se sentir acteur de son travail : pilotage des chambre et détermination des objectifs juridictionnels ; relations greffe-magistrats ; organisation des espaces de travail, de repos et de convivialité ; télétravail ; conduite des projets de la juridiction ; prévention des risques professionnels et des risques psychosociaux, etc.
Comment créer les conditions propices à cette nouvelle démarche au sein des tribunaux et des cours ?
Donner envie de retourner dans les juridictions
La crise sanitaire, en éloignant les magistrats de leur lieu de travail, a fortement impacté la cohésion des collectifs juridictionnels. La collégialité ne se limite pas aux SI et aux délibérés. La culture métier du magistrat administratif, c’est aussi frapper à la porte du voisin, et les fameux délibérés de couloir lorsqu’on est de permanence. Les échanges avec les collègues qui n’appartiennent pas à nos chambres se raréfient et l’isolement s’accentue. Fonctionner en silos, en vase clos peut être facteur de conflits et de risques psycho-sociaux, d’autant plus lorsque la charge de travail n’est appréciée que sous l’angle statistique.
Alors qu’on voit dans certaines juridictions des objectifs collectifs de présence se mettre en place au niveau des chambres, la question de l’aménagement des locaux en elle-même est trop rarement abordée. Les espaces communs sont essentiels pour créer du lien. Le temps où l’on se retrouvait en bibliothèque autour du Lebon appartenant au passé, les espaces pour échanger manquent souvent en juridiction. Lorsque les bureaux sont essentiellement partagés, les salles de réunion et des espaces de silence / repos sont également essentiels.
Enfin, l’ergonomie et le confort des espaces individuels sont souvent laissés pour compte. En dialogue social, l’USMA avait demandé le renfort d’ergonomes pour une meilleure adaptation de nos postes au travail dématérialisé.
Favoriser les moments communs
Les audiences d’installation font désormais partie du paysage de la rentrée juridictionnelle et permettent de faire connaissance avec les nouveaux collègues magistrats, agents de greffe et aides à la décision.
La qualité de vie et des conditions de travail, si elle ne peut s’y réduire, passe également par les « à-côtés » du travail et la convivialité. Les associations de juridictions, dont les actions ont vocation à réunir l’ensemble des membres de la communauté juridictionnelle, remplissent un rôle très utile pour renforcer le sentiment d’appartenance et la cohésion. C’est pourquoi leur action mérite d’être plus fortement soutenue. L’USMA a proposé lors du dialogue social du 21 janvier 2022 qu’en plus du financement par le CAS (à hauteur de 50 % des dépenses engagées pour les actions ponctuelles et de 25 % pour les actions récurrentes), ces associations puissent bénéficier de subventions annuelles de fonctionnement afin de leur apporter une souplesse d’organisation en leur évitant de devoir réclamer un budget spécifique pour chaque action ne pouvant être financée par les seules cotisations. Une dotation annuelle de 500 à 2 500 euros par an suivant les juridictions pourrait être envisagée. Affaire à suivre !
Créer les conditions de l’écoute
La méthodologie concertée de fixation et de suivi des objectifs juridictionnels promue par l’USMA pour lutter contre les dérives productivistes et retrouver du sens et une charge de travail raisonnable s’inscrit bien sûr dans une démarche « QVCT ». Nous y reviendrons prochainement.
La consultation des magistrats sur les sujets d’intérêt commun est une obligation réglementaire (article R. 222-4 du CJA). Cependant, lors des AG, qui devraient avoir lieu deux fois par an selon les recommandations du rapport « Gazagne », c’est encore bien trop souvent uniquement le seul chef de juridiction qui est écouté. L’USMA encourage le développement des pratiques consistant à diffuser l’ordre du jour à l’avance avec la possibilité d’ajouter des questions diverses et à préparer les AG en amont avec les délégués des organisations syndicales. Au-delà des AG, un dialogue social régulier entre les représentants des magistrats et le chef de juridiction est essentiel.
Enfin, sur le plan des risques psychosociaux, mais également des discriminations et des violences sexuelles et sexistes, la détection et l’écoute sont des sujets majeurs, d’autant plus délicats à l’heure du télétravail. Alors que les négociations sur le nouveau protocole Egalité viennent de s’ouvrir, l’USMA sera particulièrement attentive au renforcement de la formation des présidents et de l’ensemble des personnes ressources. L’efficacité des cellules d’écoute, souvent saisies trop tardivement de situations cristallisées, doit également être renforcée.
En conclusion, nous disposons déjà de pistes pour sortir d’une logique totalement hiérarchique et descendante de la prise de décision et se nourrir des expériences et des idées qui viennent du terrain. Alors que les juridictions administratives sont en pleine mutation (hausse du contentieux, proportion majoritaire du JU, réforme de la haute fonction publique, développement du télétravail des magistrats et du greffe, etc), il faut croire en la richesse du collectif !
Agenda de l’USMA
3 novembre |
Réunion entre les OS et le service sur les conditions de mise en œuvre la loi « Justice » et les projets d’évolution du régime indemnitaire |
6 novembre |
Rencontre avec les nouvelles promotions de magistrats issus du détachement et de l’INSP Rencontre avec le Vice-président du Conseil d’État |
7 novembre |
CSTA |
9 novembre |
Visite de juridiction par le CSSCT |
14 novembre |
CSSCT |
29 novembre |
Dialogue social trimestriel |
30 novembre |
Visite de juridiction |