USMag’#47 – janvier 2024 : Juger n’est pas une opinion

Chères et chers collègues,

Le 7 décembre 2023, le juge des référés du Conseil d’État a enjoint au ministre de l’intérieur de prendre dans les meilleurs délais toutes mesures utiles afin de permettre le retour en France d’un ressortissant ouzbek qui avait été éloigné du territoire à destination de son pays d’origine alors que la Cour européenne des droits de l’homme avait demandé aux autorités françaises de ne pas éloigner l’intéressé vers l’Ouzbékistan ou la Russie pour la durée de la procédure devant elle. Le ministre de l’intérieur a aussitôt fait savoir : « J’ai décidé de le renvoyer dans son pays, qu’importe les décisions des uns et des autres. Nous allons tout organiser pour qu’il ne puisse pas revenir ». Il s’agissait là d’une énième remise en cause de l’État de droit en 2023, au plus haut niveau de l’État.

Depuis le début de l’automne, l’autorité de la chose jugée est aussi malmenée chaque semaine par le préfet des Alpes-Maritimes. Voyez cet article dans Le Monde. Le 28 octobre, le juge des référés du TA de Nice a suspendu un arrêté interdisant un rassemblement organisé par un collectif « pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens » au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’expression et de réunion. Le préfet des Alpes maritimes a pourtant repris durant 9 semaines consécutives le même arrêté, pour autant de suspensions par les collègues de permanence qui ne voient même plus venir le représentant du préfet à l’audience

Que dire encore des arrêtés pris par le préfet de police de Paris depuis le mois de mai, sur instruction du ministre de l’intérieur, interdisant toute manifestation de l’ultradroite malgré les décisions des juges des référés du TA de Paris venant rappeler que la seule circonstance qu’un événement annoncé soit susceptible d’être l’occasion de troubles majeurs à l’ordre public, y compris en présence d’une menace terroriste, n’était pas de nature à justifier en toute circonstance une interdiction générale de manifester, dès lors que l’autorité administrative dispose des moyens humains, matériels et juridiques de prévenir autrement les troubles en cause que par une telle interdiction ?  

Au quotidien, nous constatons dans plusieurs juridictions des difficultés chroniques d’exécution des jugements, en particulier dans le contentieux des étrangers. Si de manière générale, des raisons matérielles expliquent les retards d’exécution par des préfectures débordées, il y a lieu de s’inquiéter de la situation de certaines préfectures qui assument de manière à peine voilée leur refus de respecter l’autorité de la chose jugée, parfois même annoncé dès le mémoire en défense ou à l’audience.

Juger n’est pas une opinion. Juger c’est dire le droit. L’État de droit et son corolaire, la séparation des pouvoirs, impliquent le respect inconditionnel des décisions de justice. L’exercice des voies légales de recours est le seul mode de contestation des décisions de justice dans une démocratie en bonne santé.

En 2024, comme en 2023, l’USMA sera particulièrement vigilante pour que la justice soit rendue de manière sereine et effective.

L’USMA souhaite la bienvenue aux 78 nouveaux collègues qui ont débuté leur formation initiale la semaine dernière. N’hésitez pas à nous écrire pour toute question !

Il s’agit d’une promotion historique : les magistrats nommés au 1er janvier 2024, et qui entreront en fonction début juillet, prêteront serment au Conseil d’État au cours du mois de juin. Cette promotion sera ainsi la première à connaître ce « rite d’intégration ».

La prestation de serment, réclamée et défendue de longue date par l’USMA au titre des attributs de la justice, marqueur de l’unité de la juridiction administrative, devient enfin réalité à l’article L. 12 du CJA !

Elle sera obligatoire pour tous les nouveaux magistrats nommés à compter du 1er janvier 2024 et aura lieu au Conseil d’État au cours de la formation au CFJA ou, s’agissant des magistrats nommés à la CCSP, avant leur entrée en fonctions. A l’occasion de ce moment solennel, chaque nouveau collègue sera ainsi amené à revêtir symboliquement ses nouveaux habits de juge administratif et à laisser derrière lui ceux qu’il portait auparavant. Si nous ne portons pas encore la robe, cette avancée symbolique est un énorme progrès.

Les magistrats déjà en activité, qui ont toutes et tous intimement fait l’engagement « de remplir leurs fonctions en toute indépendance, probité et impartialité, de garder le secret des délibérations et de se conduire en tout avec honneur et dignité » lors de leur entrée dans le corps, pourront demander à prêter serment, et ainsi, renouveler publiquement et solennellement cet engagement.

Le VP a prêté serment le 20 décembre au Conseil d’État en prononçant un discours fort que vous pouvez lire ou regarder ici. Concrètement, les membres du Conseil d’État et les chefs de juridiction qui en font la demande prêteront serment en salle d’Assemblée générale du Conseil d’État, devant le VPCE ou son représentant, lors de cérémonies publiques organisées au cours du mois de janvier 2024.

Les magistrates et les magistrats exerçant actuellement en TA, CAA, CNDA ou CSSP qui en font la demande prêteront serment au cours de cérémonies publiques organisées dans les prochaines semaines dans les juridictions, devant leur chef de juridiction désigné par le VPCE pour le représenter. En pratique, chaque cérémonie sera introduite par un discours du chef de juridiction rappelant l’importance des valeurs objets du serment pour la juridiction administrative. La question du serment dans les termes prévus par la loi sera ensuite posée par le chef de juridiction. Puis, à l’appel de son nom, le magistrat ou la magistrate se lèvera et répondra : « Je prête serment » en levant la main droite. Chaque collègue qui prête serment pourra inviter plusieurs personnes de son choix.

Vous avez probablement déjà été destinataires de courriels de vos chefs de juridictions afin de recenser les collègues qui souhaitent prêter serment et organiser les cérémonies.  N’hésitez pas à nous écrire ! 

Le 26 décembre, le Président de la République, la Présidente de l’Assemblée nationale ainsi que plus de soixante députés et sénateurs (affaire n°2023-863 DC) mais aussi plusieurs associations, le SM et le SAF, via une contribution extérieure, ont déféré au Conseil constitutionnel la loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » qui contient plusieurs dispositions contre lesquelles près de 18% des magistrats administratifs s’étaient déclarés en grève le 18 décembre dernier. Le recours à la vidéo-audience pour les étrangers placés en centre de rétention, la délocalisation des audiences et la généralisation du juge unique comme formation de jugement de principe à la CNDA sont notamment en cause.

Le Conseil constitutionnel a un mois pour statuer et devrait donc rendre sa décision avant la fin du mois de janvier.

L’USMA sera très attentive aux modalités d’application concrète de la loi qui sera promulguée

Les conseillers recrutés jusqu’au 1er janvier 2023 restent soumis aux anciennes conditions d’avancement au grade de PC. En cohérence avec le reclassement indiciaire intervenu le 1er juillet 2023, l’article 13 du décret du 28 décembre 2023 substitue les mots « 4e échelon » aux mots « 6e échelon » au premier alinéa de l’article R. 234-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction antérieure.

Les conseillers recrutés jusqu’au 1er janvier 2023 peuvent donc être promus PC s’ils :

  • justifient de 3 années de services effectifs ;
  • ont atteint le 4e échelon du grade de conseiller.

L’article 10 du décret du 28 décembre 2023 prévoit par ailleurs un tableau qui indique, selon la situation du conseiller, l’échelon de classement au grade de PC et, le cas échéant, l’ancienneté attribuée. Saisi par l’USMA, le service a indiqué que ce tableau ne s’applique qu’aux magistrats recrutés après le 1er janvier 2023. Les magistrats recrutés jusqu’au 1er janvier 2023 continueront donc de bénéficier du mécanisme antérieur de conservation de l’ancienneté acquise quel que soit l’échelon détenu dans le grade de conseiller (2e alinéa de l’article R. 234-2 du CJA dans sa rédaction en vigueur avant modification par le décret du 28 décembre 2023).

Compte tenu de cette évolution, n’hésitez pas à nous écrire si vous souhaitez échanger sur votre situation individuelle et les options qui s’offrent à vous quant à l’opportunité de différer votre avancement !

Les conseillers ayant une ancienneté minimale de 2 ans ainsi que tous les premiers conseillers sans condition d’ancienneté peuvent désormais se voir désignés à l’effet de prendre les ordonnances listées à l’article R. 222-1 du CJA.

Plusieurs dispositions procèdent par ailleurs à une mise en cohérence de la partie réglementaire du CJA afin de tenir compte de la nouvelle terminologie applicable aux anciens « P5 » (« président inscrit sur la liste d’aptitude prévue à l’article L. 234-4 » dite LA1) et « P6-P7 » président inscrit sur la liste d’aptitude prévue à l’article L. 234-5 » dite LA2).   

Enfin, le décret prévoit que les fonctionnaires de catégorie A issus du tour extérieur doivent dorénavant être titulaires d’un grade terminant au moins à l’indice brut 1015 et être classés à un échelon doté d’un indice brut au moins égal à celui du troisième échelon du grade de PC pour être classés au grade de PC à leur entrée dans le corps.

  • jeudi 18 janvier : mutations des présidents inscrits sur les 1ere et 2e listes d’aptitude ; établissement des 1ere et 2e listes d’aptitude
  • mardi 14 février : mutations des présidents (ex P1-P4) ; tableau d’avancement au grade de premier conseiller
  • mardi 12 mars : nomination de magistrats administratifs dans le corps des membres du CE au grade de maître des requêtes ; tableau d’avancement au grade de président (ex P1-P4)
  • mardi 9 avril : mutations des conseillers et premiers conseillers

N’hésitez pas à nous contacter.

8 janvier
Réunion d’information préalable au CSTA du 18 janvier (listes d’aptitude LA1 et LA2)
11 janvier
Visite de juridiction du CSSCT
18 janvier
CSTA
26 janvier
Réunion trimestrielle de dialogue social (thème principal proposé par l’USMA : « Mises en cause personnelles des magistrats et attaques institutionnelles »)
30 janvier
Audition AFNOR dans le cadre de la double labellisation égalité et diversité