USMag’#48 – février 2024 : Mises en cause personnelles des magistrats administratifs et attaques institutionnelles

Chères et chers collègues,

Nancy, Orléans, Bordeaux, Nîmes, Toulouse, Caen, Lyon, Versailles, Douai, Pau, aux quatre coins de la France, les cérémonies de prestation de serment rencontrent un beau succès au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appels, et nous nous en réjouissons !

Ce serment vient consacrer l’engagement des juges administratifs à remplir leurs fonctions en toute indépendance, probité et impartialité, à garder le secret des délibérations et à nous conduire en tout avec honneur et dignité.

L’exercice de nos fonctions requiert aussi la sérénité. L’USMA a proposé comme thème principal du premier dialogue social de l’année les mises en cause personnelles des magistrats administratifs et attaques institutionnelles.  Nous y revenons dans cet USMag’ ! Au menu des brèves, la publication de la loi « Immigration » avec le tableau complet des nouvelles procédures devant les TA réalisé par l’USMA, la prestation sociale complémentaire et un retour sur la réforme indiciaire.

Bonne lecture !

Après la censure totale ou partielle de 35 articles par le Conseil constitutionnel (décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024), la loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » a été publiée au JO du 27 janvier 2024.

Parmi les dispositions de « fond » entrées en vigueur dès le 28 janvier 2024 susceptibles d’intéresser directement le juge administratif, on peut notamment citer :

  • le nouvel article L. 435-4 du Ceseda sur l’admission exceptionnelle au séjour des étrangers travaillant dans un métier en tension ;
  • les nouvelles dispositions relatives aux cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une expulsion (articles L. 631-1 à L. 631-4 du Ceseda) ;
  • la nouvelle version de l’article L. 611-3 du Ceseda limitant aux étrangers mineurs de 18 ans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l’objet d’une OQTF ;
  • le nouvel article L. 741-5 du Ceseda interdisant le placement en rétention des étrangers mineurs de 18 ans ;
  • les dispositions relatives au contrat d’engagement au respect des principes de la République (article 46 de la loi) ;
  • l’article L. 731-1 qui permet désormais l’assignation à résidence de l’étranger lorsque l’OQTF a été prise moins de 3 ans auparavant, au lieu d’1 an précédemment.

Les dispositions procédurales quant à elles entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er août 2024.

Le contentieux des étrangers devant les TA sera ramassé autour de 3 procédures : « collégiale 6 mois », « JU 15 jours », « JU 96h ».

Trois points essentiels sont à retenir :

  • le juge de l’éloignement devient, le cas échéant, le juge du refus de titre de séjour quelle que soit la procédure  ;
  • la fin de la procédure spéciale « 8 jours » lorsqu’un détenu est susceptible d’être libéré avant que la décision du juge intervienne  ;
  • la fin des « OQTF 6 semaines » et le regroupement du contentieux des décisions liées à la demande d’asile devant le magistrat désigné.

Retrouvez ci-dessous le tableau réalisé par l’USMA permettant, en un coup d’œil, d’avoir un panorama complet des nouvelles procédures par type de décision !  

Enfin, vous le savez, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré les dispositions du nouvel article L. 922-3 du Ceseda relatives aux audiences délocalisées ou en visio pour les personnes placées en rétention. Elles entreront en vigueur le 1er août 2024.

Grâce à notre réseau de délégués notamment, l’USMA sera particulièrement vigilante sur les conditions de mises en œuvre de ces nouvelles règles procédurales qui viendront impacter l’organisation et le fonctionnement des TA au cœur de l’été, durant les permanences de vacations.

N’hésitez pas à nous contacter et échanger avec nous !

Le nouveau régime de protection sociale complémentaire (PSC) entrera en vigueur le 1er janvier 2025 dans la fonction publique de l’État. Il prendra la suite du dispositif temporaire consistant en la prise en charge forfaitaire par l’employeur d’un montant mensuel de 15 euros.

Les stipulations des accords-cadres interministériels des 26 février 2022 et 20 octobre 2023 conclus pour la fonction publique de l’État, qui concernent respectivement les volets « santé » et « prévoyance », vont être prochainement étendus par décret aux magistrats administratifs, aux membres du CE, aux agents du CE et de la CNDA et aux agents contractuels des juridictions, après consultation des instances représentatives du personnel.

A la suite d’une étude menée par un actuaire, le Conseil d’État a décidé de déployer ce dispositif de manière autonome.

Les négociations avec les organisations syndicales porteront notamment sur les garanties optionnelles « santé » et l’opportunité d’inclure la « prévoyance » dans le dispositif. Elles devront aboutir à la rédaction d’un cahier des charges puis au lancement d’une procédure de mise en concurrence pour la sélection de l’organisme complémentaire.

Une commission paritaire de pilotage et de suivi (CPPS) sera instituée pour assurer la mise en œuvre et le suivi de la PSC.  

Tous les magistrats administratifs auront l’obligation, sauf exception, de souscrire aux garanties « santé » de base définies au niveau interministériel que comportera le contrat collectif conclu avec l’organisme complémentaire. Cette adhésion obligatoire s’accompagnera d’une prise en charge par le CE d’un montant correspondant à 50% de la « cotisation d’équilibre » et permettra de bénéficier d’un panier de soins et d’un niveau de remboursement prévus par l’accord interministériel.

Selon l’issue des négociations, il sera le cas échéant possible de souscrire à des garanties « santé » optionnelles.

La question de l’inclusion dans le dispositif de garanties « prévoyance » fera également l’objet des négociations : l’accord interministériel du 20 octobre 2023 prévoit, d’une part, une meilleure compensation des pertes de revenus en cas d’ « accident de la vie » et, d’autre part, une participation de l’État de 7 euros par mois pour les agents qui souscriront à des contrats collectifs de prévoyance à adhésion facultative.

  • Février-mars : cinq réunions de négociation entre le service et les représentants des personnels afin d’aboutir à la rédaction du cahier des charges
  • Avril : lancement de la procédure de mise en concurrence
  • Début de l’été : sélection du prestataire

Vos représentants USMA sont mobilisés afin que ces négociations aboutissent aux choix les plus pertinents et les plus favorables pour l’ensemble des collègues.

N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part de vos remarques, suggestions ou interrogations !

Les conseillers ont connu depuis une dizaine d’années une nette amélioration de leur situation financière : il suffit, pour s’en convaincre, de comparer le montant de la rémunération (indiciaire et indemnitaire) d’un conseiller entré dans le corps dans les années 2010 avec celle d’un conseiller entré dans le corps à la fin de la décennie, y compris avec l’effet corrigé de l’inflation.

Si les conseillers entrés dans le corps avant le 1er janvier 2023 ont été reclassés à un échelon plus bas que celui qu’ils détenaient dans les anciennes grilles, ils ont toutefois tous été reclassés à un indice supérieur.

Du seul fait du reclassement, les anciens conseillers au 1er échelon (C1) ont gagné immédiatement 89 points bruts par rapport à leur ancienne situation, les C2 86 points bruts, les C3 29 points bruts, mais avec une ancienneté acquise, les C4 34 points bruts avec AA, les C5 30 points bruts avec une moitié d’ancienneté acquise, les C6 39 points brut avec ½ AA, et les C7 46 points bruts.

En outre, les conseillers ne seront pas retardés dans leur promotion au grade de PC grâce au décret du 28 décembre 2023, dont les effets sont pour partie équivalents à ceux de la clause de grand-père revendiquée par l’USMA. Mieux, les modifications statutaires ont permis à certains conseillers d’être promus PC plus vite qu’ils ne l’auraient été sans la réforme.

L’abaissement en numéro d’échelon n’aura finalement aucune incidence sur la promotion au grade de PC. Les CS5 et CS6 reclassés bénéficient, à cet égard, d’un droit d’option, selon leur situation individuelle et leur perspective de carrière.

En résumé, et pour ne prendre qu’un exemple, un conseiller 5ème échelon dans les anciennes grilles est ainsi passé en 6 mois de l’indice brut de 665 à 695 du fait du reclassement, puis 808 du fait de la promotion au grade de PC, soit 143 points d’indice. Il aurait progressé de 97 points avant la réforme.

De plus, les conseillers profiteront plus longtemps des nouvelles grilles nettement plus avantageuses que leurs collègues plus avancés dans la carrière.

Enfin, la réforme indiciaire est bénéfique pour la carrière vue dans son ensemble, avec des perspectives d’évolution bien plus intéressantes qu’auparavant. Elle évite un décrochage préjudiciable avec les grilles des administrateurs de l’État, dénoncé d’ailleurs depuis de nombreuses années par les deux organisations syndicales de magistrats, qui restent pleinement mobilisées en faveur d’une réforme indemnitaire afin de ne pas décrocher de nouveau.

On ne peut que se réjouir que nos futurs collègues, dont il faut rappeler qu’ils seront soumis à une bien trop stricte obligation de double mobilité, bénéficient de conditions de rémunération plus favorables qu’auparavant, assurant ainsi l’attractivité du corps des magistrats administratifs !

A l’occasion des vœux de la juridiction administrative, le Vice-président a rappelé que la juridiction administrative a été confrontée en 2023 à des attaques d’une violence inédite : les atteintes portées aux TA de Bastia et de Nantes, mais également la mise en cause de plusieurs juges sur les réseaux sociaux et dans certains médias tout au long de l’année.

Si, fort heureusement, ces attaques restent relativement rares et proviennent souvent de personnes insignifiantes qui se cachent derrière l’anonymat des réseaux sociaux, chaque attaque est une attaque de trop et le climat actuel inquiète.

Nous sommes de plus en plus interpelés, tant par des collègues soucieux de leur propre sécurité dans l’exercice de leurs fonctions, notamment des jeunes collègues qui vont devoir tenir leurs premières permanences, que par ceux qui, à juste titre, s’alarment de la remise en cause de l’autorité et de la légitimité des décisions de justice, cette fois-ci parfois à un haut niveau de responsabilité étatique.

Les différentes prises de parole du VP sur ce sujet et, plus largement, sur le respect des décisions de justice et de l’État de droit, ne laissent aucun doute sur la prise de conscience de l’institution et sa volonté de ne pas délaisser les collègues : « S’en prendre à un tribunal administratif, c’est s’en prendre à toute la juridiction. S’en prendre à un juge, c’est s’en prendre à l’ensemble de la collectivité de travail que nous formons ».

L’USMA salue cette prise de conscience qui se manifeste déjà par des actions concrètes. A cet égard, la protection fonctionnelle est systématiquement et rapidement accordée aux collègues victimes de ce type d’attaque qui en font la demande.

Dans ce contexte violent dans lequel nombre d’entre nous n’imaginaient pas devoir exercer leurs fonctions lorsqu’ils ont choisi notre beau métier, l’USMA a souhaité, lors du premier dialogue social de l’année, proposer quelques modestes pistes d’actions afin que nous puissions continuer à rendre la justice sereinement.

Un guide sur l’accueil et la sécurité des juridictions administratives a été réalisé en 2022 par la direction de l’équipement. La sécurisation des accès aux tribunaux et aux cours est principalement assurée par la séparation des flux public / privé, la mise en place de banques d’accueil spécialement aménagées et des équipements de sûreté électronique. Certaines juridictions bénéficient également d’un agent de sécurité pour contrôler et filtrer les entrées.

Si de gros travaux d’amélioration ont été réalisé ces dernières années ou sont en cours dans plusieurs juridictions, toutes ne sont pas au même niveau de sécurité et un diagnostic doit accompagner le renforcement de la sécurité de celles qui auraient besoin d’un vigile.

Une meilleure information des magistrats et des agents sur les dispositifs existants est par ailleurs nécessaire :

  • systématiser un tour des locaux lors de l’arrivée de tous nouveaux collègues, en sensibilisant à la vigilance sur les fermetures d’accès, la localisation des alarmes silencieuses ;
  • montrer et préciser le mode de fonctionnement des boutons anti-agression des salles d’audience ;
  • diffuser plus largement certaines fiches du guide : « les bons réflexes en cas d’agression ou d’intrusion » ; « la sûreté en 10 règles de vie au quotidien ».

L’offre de formation est faible sur les sujets qui touchent à la sécurité, et notamment sur la conduite à tenir face à un individu violent en audience. Un module sur la police de l’audience pourrait être introduit en formation initiale.

La violence pouvant également être véhiculée par les nouveaux moyens de communication, pourquoi ne pas intégrer dans la formation initiale un module sur comment réagir et quelles sont les personnes ressources en cas de mise en cause sur les réseaux sociaux ou les médias ?

Ces outils devraient pouvoir être accessibles à toutes les magistrates et tous les magistrats en fonction. Nous avons ainsi suggéré la diffusion d’un mémento permettant de trouver toutes les infos nécessaires lorsqu’on est confronté à une situation de violence réelle ou « virtuelle » et présentant les points essentiels du dispositif de protection fonctionnelle.

Dans le strict respect des obligations de discrétion et de confidentialité, il serait intéressant d’institutionnaliser, par exemple en CSTA, l’information des organisations syndicales sur les mesures prises par le secrétariat général du Conseil d’État : nombre de demandes de protections fonctionnelle sollicitées et accordées, nature des actions mises en place dans ce cadre (protection policière, action pénale, demande de retrait de contenu), engagement de poursuites pénales, etc. 

La veille sur les réseaux sociaux, internet et la presse, assurée par la direction de la communication, doit également être renforcée. Il parait aussi nécessaire d’être plus efficace sur la suppression des contenus injurieux et diffamants en ligne.

Enfin, des marques de soutien individuelles et personnalisées de la part du secrétariat général vis-à-vis collègues qui sont personnellement mis en cause sont nécessaires. Elles doivent pouvoir être accompagnées d’une proposition de soutien psychologique individuel lorsque la situation le justifie.

L’appui actuel de la Dircom aux chefs de juridiction semble permettre des réactions locales adaptée en termes de communication, mais le processus aujourd’hui à l’œuvre nous amène à proposer de lancer une réflexion sur l’intérêt d’un porte-parole de la juridiction administrative comme cela a existé par le passé.

7 février
Négociations « PSC »
8 février
 Négociations « Protocole Egalité II »
14 février
CSTACAA
22 février
Visite de juridiction
23 février
Présentation des organisations syndicales à la nouvelle promo du CFJA
29 février
Négociations « PSC »