Réunion de dialogue social du 5 décembre 2022 : le président de chambre

A la suite de l’adoption des nouvelles orientations du CSTA pour le passage au grade de président et du dialogue social sur le rapporteur public, et dans le cadre plus général de la réflexion sur la charge de travail, l’USMA a estimé nécessaire d’échanger avec le gestionnaire sur le métier de président de chambre et son évolution, en particulier en TA.

Le constat : un rôle central pour les collectifs juridictionnels, malmené par une charge de travail excessive

Le métier de président de chambre a profondément évolué. Il y a quelques années, le « bon » président de chambre était un excellent juriste doté d’une solide expérience juridictionnelle.

Aujourd’hui, il est devenu le couteau-suisse de la juridiction administrative.

Sa fiche de poste, enfin si elle existait, comme le réclame l’USMA, est bien garnie.

Le pilotage de la chambre et l’exercice de fonctions juridictionnelles

– organisation de l’activité de la chambre– évaluation des magistrats et agents– révision des dossiers de collégiale
– encadrement d’une équipe aux profils et fonctions variés– gestion du stock de la chambre – animation des SI et du délibéré
– formation et transmission des savoirs– contrôle et tri des requêtes à l’entrée– révisions des projets  
– selon les TA, juge de l’éloignement, juge unique ou, de + en +, en collégiale– ordonnances R. 222-1  – juge des référés dans l’immense majorité des juridictions

La vice-présidence d’une juridiction 

  • interface entre la chambre et le chef de juridiction
  • harmonisation entre les chambres sur les questions juridiques communes
  • membre de l’ « équipe de direction » de la juridiction

L’exercice de fonctions para-juridictionnelles 

  • animation de groupes de travail, notamment dans le cadre du projet de juridiction
  • missions de « référent » (médiation, communication, formation, diversité)
  • participation aux activités de rayonnement externe et représentation de la juridiction
  • présidence de commissions administratives

Compte tenu de l’amplitude de ses domaines d’intervention, et dans un contexte de forte hausse des référés (46 802 affaires enregistrées en 2021 soit un bond de + 81 % en 5 ans !), le président de chambre, en particulier en TA, a de moins en moins de temps pour se consacrer à son cœur de métier, qui est, comme son nom l’indique, de présider une chambre. Une des caractéristiques essentielles réside probablement dans l’animation de la collégialité et son volet révision, qui est parfois sacrifié.  Cela a notamment pour effet d’occasionner des transferts de charge sur les rapporteurs publics, voire les rapporteurs, et de ternir l’attractivité des fonctions.

Le bilan social de 2022 (chiffres 2021) recense 383 présidents (26,73% du corps) avec 7 présidents P7, 17 présidents P6, 92 présidents P5 et 267 présidents P1-P4. A titre de complément, il y a 839 premiers conseillers (58,55%) et 211 conseillers (14,79%) sur un total de 1433 magistrats. Le grade de président est le moins féminisé du corps (38,12% de femmes contre 61,88% d’hommes). Toutefois, en 10 ans, la part des femmes a progressé de 8 points dans ce grade.

Un président de chambre répondant à notre questionnaire sur la charge de travail estimait que l’ensemble de ses fonctions correspondaient à 1,5 poste de travail à temps plein.

57 % des présidents de chambre en TA se disent souvent (34%) ou très régulièrement (23%) « stressés ».  Rares sont ceux qui ne consacrent pas une bonne partie de leurs soirées et de leurs week-end à travailler, en particulier dans les premières années d’exercice de fonctions auxquelles ils sont insuffisamment préparés.

Les présidents de chambre doivent de surcroît exercer leurs fonctions de pilotage des chambres dans des conditions de plus en plus difficiles.

Les relations humaines se tendent, dans un climat encore fortement marqué par la crise sanitaire.  Les présidents doivent manager une collégialité dont les autres acteurs, rapporteurs et rapporteurs publics, sont eux aussi soumis à une charge de travail déraisonnable.

Dans ce contexte, le président de chambre idéal doit en plus faire le lien entre le chef de juridiction et ses magistrats.

Avec sa double casquette de président de chambre et de VP de la juridiction, son rôle est d’être une force de propositions à la fois ascendante et descendante. Il est le plus fin connaisseur du stock de sa chambre, le garant de l’équilibre des stocks entre les rapporteurs et de leur adaptation à l’expérience et aux compétences de chacun et il détermine et suit les objectifs concertés au sein de la chambre.

Ainsi, le président de chambre doit veiller à ce que la satisfaction des objectifs de la juridiction ne se fasse pas au détriment de la qualité des décisions rendues et du bien-être des collaborateurs de sa chambre. Il doit jouer un rôle actif dans le fonctionnement harmonieux et bienveillant de son équipe. Dans le respect de la charte des temps, le président de chambre est pleinement acteur d’une charge de travail soutenable pour ses magistrats, et il doit s’assurer de la prise effective de temps de repos par les rapporteurs et le rapporteur public.

Membre de l’équipe de direction de la juridiction, son positionnement est également essentiel pour la fluidification des équilibres entre les chambres.  

Tant pour l’attractivité des fonctions et la qualité de vie au travail des présidents de chambre, que pour le bon fonctionnement des collectifs juridictionnels et du service public de la justice administrative, il est temps de prendre des mesures permettant aux présidents de chambre d’exercer à nouveau pleinement et sereinement leur cœur de métier.

Les propositions de l’USMA

Améliorer les conditions de travail des présidents de chambre et renforcer les moyens

Les présidents de chambre en TA doivent pouvoir être soulagés de certaines de leurs fonctions.

Cela passe tout d’abord par un renforcement des effectifs.

Nous demandons la création de postes de 1er VP dans les TA de 5 chambres et plus, voire dans les TA de plus de 3 chambres lorsque la situation locale l’exige (exemple : présence d’un CRA dans le ressort, nombre de départements important, … ). Ce premier VP pourra exercer des fonctions transverses adaptées aux besoins de la juridiction, à déterminer par le chef de juridiction en collaboration avec l’ensemble des VP.

Nous demandons aussi la création de postes de VP supplémentaires dans tous les TA à 2 chambres, suivant l’idée que les fonctions de chef de juridiction et de président d’une chambre ne sauraient se cumuler de manière pérenne. Cette demande s’étend aux tribunaux à une chambre si les entrées le justifient.

Selon les besoins des juridictions, un renforcement des effectifs par la création d’un poste de VP supplémentaire en charge des référés peut être également envisagée.

Par ailleurs, il est possible d’aménager des décharges ponctuelles de présidence de formation collégiale en TA, au profit de premiers conseillers expérimentés. A raison d’une ou deux audiences par an, selon les besoins et les volontés, cela aura également le mérite de mieux préparer les premiers conseillers aux fonctions de président de chambre. Il s’agit d’ailleurs d’une préconisation des lignes directrices de gestion. 

Autre mesure allégeant la tâche des P1-P4 tout en permettant de diversifier les parcours au sein de la juridiction administrative, nous sommes également favorables, à des pôles premiers conseillers – juges des référés, à la condition que les juridictions soient suffisamment dotées en effectifs pour qu’une telle organisation se fasse sans vider les formations collégiales de leurs magistrats expérimentés.

Nous demandons également l’application stricte du principe selon lequel une chambre en TA est limitée à 2 rapporteurs et en CAA à 3 rapporteurs, comprenant le président assesseur.

Par ailleurs, il est anormal que le grade de président ne puisse être occupé par des magistrats à temps partiel, au moins à certaines périodes dans la carrière, sans que cette situation n’ait des incidences sur les autres collègues présidents. L’USMA a conscience que cette possibilité nécessite une capacité d’organisation des juridictions (affecter à cette chambre des rapporteurs eux-mêmes à temps partiel par exemple ; permettre les présidences ponctuelles de premiers conseillers) mais demande qu’une réflexion soit lancée sur le sujet.

Rappelons également que la dynamique d’une juridiction ne peut être que collective et les VP ont un grand rôle à y jouer. Il faut sonder le contenu des réunions de présidents (dites troïka) qui trop souvent ne permettent guère des échanges.

Enfin, nous demandons l’adoption concertée d’un référentiel national des bonnes pratiques de la présidence de chambre, tant pour le bien-être du président que celui de ses collaborateurs…et par ricochet la bonne santé de la juridiction. Il n’existe pas une seule manière de présider une chambre mais cela permettrait notamment d’aborder des questions transversales :  la révision, les dossiers rapportés par le président, la mise à profit de l’aide à la décision, l’application de la charte des temps, etc.

Renforcer la formation initiale

Nous militons pour une véritable formation initiale obligatoire de 15 jours destinée aux premiers conseillers promus. Cette durée impliquerait une décharge totale en mai ou en juin à la suite du CSTA de promotion et du choix des affectations. Il est important de prendre le temps de cette formation pour un exercice serein et préparé de ces futures fonctions.

La formation serait la suivante :

  • une semaine / dix jours de formation « théorique » groupée, en présentiel au CFJA, par des intervenants chefs de juridictions ou présidents de chambre, assistés d’un cabinet extérieur pour les questions plus managériales ;

Les modules doivent être cohérents, ne pas se recouper, et correspondre à la réalité des différents aspects des fonctions (gestion du temps, gestion dynamique des stocks et pilotage des objectifs concertés, révision et animation de la collégialité, animation d’équipes et évaluation, sensibilisation aux risques psycho-sociaux, gestion des conflits, missions transverses en tant que VP de juridictions).

  • quelques jours auprès d’un président  dans une autre juridiction que celle d’origine et d’affectation future afin de voir d’autres modes de fonctionnement et une mise en pratique.

Cette formation initiale devra être complétée par un regroupement d’un ou deux jours au bout de quelques mois de fonctions.

  • En complément de cette formation, nous encourageons, lorsque cela est possible, la présidence d’une audience dans la juridiction d’origine.

Enfin, comme nous l’avions proposé lors d’un précédent dialogue social sur la formation, les collègues qui ont pris leur premier poste en CAA ou à la CNDA devraient de façon facultative pouvoir suivre certains modules de la formation initiale lors de la mutation dans un TA.

Renforcer la formation continue des présidents de chambre et mieux les accompagner

L’USMA demande un droit à la formation continue des présidents de chambre, par un droit à décharge effectif.

Elle demande aussi un accompagnement spécifique des présidents de chambre lors de leur nomination mais aussi en milieu de parcours.

Cet accompagnement systématisé pourrait, par exemple, être confié à des présidents ressources, qui dans le cadre d’échanges pourrait donner des conseils au regard des difficultés rencontrées par le président de chambre dans l’exercice de ses fonctions afin d’aider à leur traitement rapide et éviter qu’elles ne s’installent, voire le cas échéant pour aider à la résolution des difficultés suscitées dont le chef de juridiction et/ou la MIJA auraient connaissance.

L’USMA demande enfin l’évaluation à 180° des présidents de chambre.

Cette évaluation ne viserait pas à se substituer ni même à compléter l’évaluation conduite par le CJ, mais en constituerait l’un des supports. Le panel d’acteurs consultés serait réduit aux membres de sa chambre (magistrats, greffe, aide à la décision).  Cette procédure est à distinguer de l’évaluation à 360° qui inclut les « partenaires extérieurs ».

Nous y voyons deux mérites :

Il nous paraît tout d’abord nécessaire de mettre en place un cadre, objectif, anonyme, qui permette au président d’avoir un retour de ses collaborateurs directs et puisse se remettre en question avant qu’une situation arrive à un point de non-retour.

Il est également nécessaire que le chef de juridiction dispose d’autres données et informations que les seules statistiques d’une chambre pour évaluer la personne qui la préside. Bien souvent les dysfonctionnements d’une chambre ne viennent aux oreilles du CJ que lorsque les difficultés sont déjà bien présentes, les souffrances exacerbées et le bon fonctionnement de la collégialité menacée.

Maintenir une rémunération attractive à la hauteur des responsabilités et des difficultés des fonctions

Des négociations vont s’ouvrir très prochainement sur la revalorisation indiciaire et de carrières pour l’ensemble des magistrats administratifs. Pour les grades de conseiller et de premier conseiller, il nous semble évident qu’un alignement avec les deux premiers grades d’administrateur de l’État est nécessaire- et inéluctable-sous peine de voir un déclassement et un affaiblissement de l’attractivité du corps des magistrats.

Pour le grade de président et le troisième grade des administrateurs de l’État, la problématique est spécifique dès lors que le nouveau système semble réserver à un très faible nombre de fonctions ce troisième grade.

 En tout état de cause, nous estimons essentiel que les fonctions de présidents, quel que soit le grade, demeurent attractives et que leur rémunération soit également revalorisée.

Diversifier les carrières

Toujours dans l’objectif de mieux suivre et accompagner les carrières, il apparait nécessaire de poursuivre la détection des profils P1-P4 à dominante « manager » et ceux à dominante « expert », sans limiter ce profilage à l’alimentation du vivier, ni à coller des étiquettes non interchangeables sur la tête des magistrats concernés.

L’idée est d’orienter les P1-P4 vers des postes adaptés tant à leurs aspirations et à leurs aptitudes qu’aux besoins des juridictions. Ce choix pourrait être à l’initiative du magistrat ou du chef de juridiction. Quelle que soit l’orientation choisie, des passerelles devront toujours être envisagées pour que les collègues qui le souhaitent et qui en manifestent les aptitudes ne soient pas cantonnés à un profil qui ne leur correspond pas ou plus.

Enfin, si nous ne demandons évidemment pas une obligation ou une invitation à la mobilité au grade P1-P4, une aide pour les présidents qui souhaiteraient un détachement serait intéressante. En conséquence, il faudrait permettre à ceux qui le souhaitent de s’y préparer avec un accompagnement et une diffusion de postes spécifiquement fléchés.