Réunion de dialogue social du 19 octobre 2022 : la gestion des effectifs et les suites à donner au rapport du groupe de travail sur l’Outre-mer

La gestion des effectifs

Le phénomène observé depuis 2019 à la suite des nouvelles orientations du CSTA et lignes directrices de gestion relatives à l’obligation de mobilité conditionnant l’avancement au grade de président, conjuguées à l’obligation d’effectuer désormais deux mobilités externes, ont des conséquences directes sur l’organisation et le fonctionnement des juridictions.

L’USMA, attachée aux principes d’indépendance, d’impartialité, d’inamovibilité, à la magistrature de carrière et à la qualité de la justice, s’était opposée à ces évolutions et avait alerté sur le risque de pénurie de magistrats qui allait en résulter en juridictions.

La définition des effectifs nécessaires au bon fonctionnement des juridictions au cours de l’année judiciaire semble courir derrière la réalité des mouvements de départs, insuffisamment anticipés.

Le sujet de la gestion des effectifs dans la situation actuelle, vaste et complexe, nécessite d’envisager des solutions diverses et combinées et une souplesse qui ne doivent pas heurter ces principes, ni amener des propositions trop rapides qui seraient de nature à le faire.

C’est la raison pour laquelle l’USMA demande, ainsi qu’elle l’a fait lors de ses auditions par l’Assemblée Nationale et le Sénat, avant tout des effectifs. La création annoncée de 25 postes de magistrats sera insuffisante si les jeunes magistrats recrutés ne viennent que combler les trous laissés par les départs à l’extérieur.

Des outils conjoncturels pour que les juridictions bénéficient de moyens humains au moment où elles en ont besoin

Différentes pistes peuvent être envisagées, qui combinées à d’autres selon les cas, méritent d’être expertisées.

Le deuxième mouvement de mutation des conseillers et premiers conseillers : une fausse bonne idée ?

Le système est séduisant en ce qu’il permet de coller au plus près de la réalité des effectifs dans les juridictions. Ainsi, si un magistrat qui devait arriver au 1er septembre ne vient pas ou si un départ a lieu en cours d’année, la juridiction demeure avec un magistrat de moins durant tout le reste de l’année judiciaire. Pour les raisons évoquées précédemment, le phénomène risque de se produire de plus en plus fréquemment.

Pour autant, un second mouvement ne doit pas avoir pour effet de déstabiliser encore plus les juridictions de départ. Il ne pourrait dès lors s’envisager lorsque l’intérêt du service de la juridiction d’arrivée le commande et à la condition que la juridiction de départ soit bien dotée en effectifs de magistrats. Reconnaissons que cela ne se présentera pas fréquemment !

La demande de l’USMA faite lors du CSTA du 18 janvier 2022 qu’il soit réfléchi à un second tour de mutation en cours d’année pour les PC/C au regard de l’instabilité à venir des effectifs est toujours d’actualité avec une attention spécifique à porter sur ses effets de bord.

Les effets frustratoires sur collègues qui ont espéré pouvoir bénéficier du second mouvement pourraient de plus être importants.

Le renforcement ponctuel de magistrats

Faire appel à des magistrats délégués (article L. 221-2-1 CJA) et magistrats honoraires permet également de pallier des vacances de poste frictionnelles jusqu’à l’exécution du mouvement de mutation suivant, mais ne présente pas que des avantages, faute parfois de candidats en nombre suffisant sur les juridictions qui en ont besoin. Le système des magistrats placés, envisageable dans l’hypothèse d’une augmentation du plafond d’emploi, présente également des questions pour un petit corps comme le nôtre. Son application aux spécificités de notre ordre juridictionnel mériterait d’être expertisée.

Les transferts de stock vers une autre juridiction

Cette solution est complexe à mettre en œuvre techniquement et souvent mal vécue par les collectifs juridictionnels qui récupèrent les stocks d’une autre juridiction. Elle doit rester réservée aux cas de difficultés aiguës et nécessite une méthodologie associée à une bonne pratique pour éviter des effets induits importants sur la juridiction qui reçoit le stock.

Ce rapide inventaire montre bien que ces pistes, au pire, constituent des rustines qui ne sont pas totalement satisfaisantes, et, aux mieux, méritent d’être davantage expertisées. Dans tous les cas, elles ne peuvent, prises isolément, suffire à solutionner le problème de l’instabilité des effectifs.

Des évolutions structurelles au service de la stabilité durable des effectifs juridictionnels

L’USMA réaffirme la nécessité de renforcer les effectifs en création pure et non un simple ajustement conjoncturel des départs. Pour que la gestion des effectifs ne se résume à la gestion des pénuries locales, des pistes d’évolution d’ordre plus structurel peuvent être envisagées pour éviter ces pénuries plutôt que d’y mettre des rustines !

Revoir le principe de la double mobilité obligatoire et les orientations du CSTA

Lorsqu’une réforme va dans le mauvais sens, il faut savoir rapidement s’adapter, y compris par des aménagements. C’est pourquoi l’USMA persiste à demander que l’obligation double mobilité externe qui favorise l’instabilité et la fragilité des collectifs juridictionnels soit réinterrogée. Nous demandons qu’une mobilité géographique au sein de la juridiction ou à un autre degré de juridiction puisse valoir la ou les mobilités statutaires.

Malgré le rejet de notre recours « contre toute attente »  par une décision du 22 mars 2021 n° 438202, nous persistons à demander la modification des orientations du CSTA adoptée le 10 décembre 2019 relatives à l’obligation de mobilité conditionnant l’accès au grade de président, et des lignes de gestion qui les transcrivent, au regard de leurs effets sur a structure du corps.

Pérenniser la conférence de gestion de réajustement pour l’allocation des moyens humains

Les conférences de gestion aux cours desquels les chefs de juridictions exposent leur besoin et négocient les objectifs de leur juridiction au regard des effectifs qu’on peut leur attribuer à compter du 1er septembre de l’année N+1 ont lieu entre octobre et novembre de l’année N. L’expérience du second tour de piste d’allocation des moyens au printemps pour les juridictions qui ont connu des mouvements importants après la rentrée judiciaire est positive et devrait être pérennisée.

Développer une gestion prévisionnelle des effectifs fine pour apporter des réponses ciblées

Nous regrettons ne pas disposer d’information précise sur les outils dont dispose le service en matière de gestion prévisionnelle des ressources humaines au-delà du suivi sous l’angle budgétaire. Si les règles de gestion sont soumises au principe de l’annualité budgétaire, une meilleure anticipation pluriannuelle des besoins en magistrats à affecter dans les juridictions doit être explorée, en développant une cartographie des besoins par juridictions en fonction d’une structuration idéale.

L’équilibre de l’effectif entre nouveaux magistrats, magistrats expérimentés et très expérimentés est subtile et devrait être suivi au-delà de la seule affectation de moyens. Elle a évidemment un impact sur la capacité de la juridiction à traiter le stock, notamment ancien. Le fonctionnement optimal des juridictions implique un savant équilibre entre renouvellement et stabilité qui doit être suivi et faire l’objet d’une réflexion.

Un suivi et un réel accompagnement des collègues entrant dans les tranches d’âges éligibles à la retraite, associé à l’étude de leur jours ARTT/CET est également nécessaire.

Mettre en place un plan pluriannuel associant recrutement et formation

La politique de recrutement dans les TACAA mérité d’être plus dynamique :

La sortie de l’INSP 

A ce jour, le corps des magistrats des TACAA reste un corps de sortie attractif INSP. Pour autant, il n’est même pas certain que les collègues lauréats du concours externe de l’INSP sortiront comme magistrats administratifs !

L’USMA demande au gestionnaire d’œuvrer pour que les collègues fléchés magistrats administratifs au bout de deux ans d’administrateur de l’État sortent comme magistrat administratif et soient détachés comme administrateur !

Les INSP interne (comme d’ailleurs les A+ passant le concours interne) entrent toujours dans notre corps comme conseiller, alors que certains d’entre eux ont une longue carrière derrière eux. L’USMA demande au gestionnaire de clarifier ce point et de rattraper la carrière des collègues.

Les concours externe et interne 

Il s’agit de la voie principale de recrutement et elle doit le demeurer. Pour conserver un vivier de futurs magistrats, l’aide à la décision est un outil précieux. Nous demandons à ce qu’un véritable investissement soit réalisé pour valoriser ce vivier.

Communiquer sur l’attractivité du métier dans les administrations et les facultés, valoriser les parcours professionnels des magistrats afin de donner envie à des jeunes diplômes de devenir magistrats, décharger les collègues qui se chargent de cette tâche et la valoriser dans leurs parcours de carrière.

Le recrutement au tour extérieur et par détachement

Ces voies ne doivent pas être la variable d’ajustement d’une politique RH mal maîtrisée. Il conviendrait également de communiquer vers les collègues dans les administrations, et de présenter notre métier.

Par ailleurs, l’accueil de détachés doit permettre une réciprocité dans les corps d’origine afin de développer des possibilités de mobilité dans les provinces par la signataire d’engagement.

Une seconde session de formation initiale complète ? 

L’hypothèse d’une seconde session de recrutement bénéficiant de la formation initiale CFJA telle qu’elle existait il y a quelques années afin d’adapter les recrutements aux besoins identifiés en cours d’année et renforcer les juridictions déficitaires est également une piste à explorer qui peut permettre de prendre en compte les besoins. A notre grand regret, cela impliquera la fin de la promo unique. Toutefois, si les besoins se maintiennent, cette double formation, avec une arrivée en juridiction au 1er juillet et au 1er janvier, semble nécessaire. Notre objectif est que l’ensemble des collègues bénéficient d’une formation de six mois complète qui est indispensable pour appréhender dans de bonnes conditions notre métier.

Les suites du rapport Outre-mer

Malheureusement le temps imparti pour ce sujet a été insuffisant lors de cette réunion et une nouvelle réunion spécifique a été demandée. L’USMA renvoie pour ce sujet à ses observations faites lors du CSTA du 7 juin 2022.

Les différentes propositions faites par le groupe de travail font l’objet d’une circulaire en cours d’élaboration par le service, pour celles qui ne relèvent ni des prérogatives du CSTA, ni de l’interministériel, qui nécessitent plus de temps. Une demande de consultation du document en cours de préparation a évidemment été faite.

L’USMA souhaite, en plus de ses propositions, insister notamment sur les points suivants :

  • laisser aux collègues temps suffisant pour s’installer convenablement
  • apporter une véritable aide à l’installation par le CE : frais déménagement suffisant, école, logement …
  • un droit à une formation en métropole et à une prise en charge retour avant 4 ans
  • une bonification pendant la carrière que ce soit sur l’avancement d’échelon ou sur le nombre d’année qui compte double dans l’ancienneté d’affectation. 
  • la reconnaissance qu’un poste en Outre-Mer peut valoir mobilité…ce qui se traduirait également par la possibilité d’un droit au retour dans la juridiction d’origine
  • un forfait de remboursement des frais de déplacement suffisant.
  • opposition totale à la création d’un tribunal administratif spécifique à Mayotte.