Édito
Chères et chers collègues,
Lors du dialogue social du 21 janvier 2022, l’USMA a choisi comme thème la qualité de vie au travail, auquel nous sommes particulièrement vigilants. Dans cet USMAg’, nous vous proposons à nouveau d’y réfléchir avec un focus sur la charte des temps ainsi que sur les récents travaux du Réseau mondial pour l’intégrité judiciaire de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) qui a rendu en mars 2022 un intéressant rapport sur le « bien-être judiciaire » (Judicial Well Being), à la suite d’une enquête regroupant 102 pays.
En bref
Le 1er et le 11 novembre : des jours fériés !
Les jours fériés sont chômés sauf nécessités de service. L’USMA vous invite à vous arrêter ces jours en adaptant le rôle de vos audiences en conséquence.
Aussi, pour rappel et pour vos futures demandes, si vous posez des jours RTT dans une quinzaine où il y a un jour férié, il ne faut pas en poser dix mais neuf ! (Article 4 de l’arrêté du 5 juillet 2004)
Le dernier CHST s’est tenu le 21 octobre
A compter du renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique au mois de décembre 2022, le CHSCT sera remplacé par la commission chargée d’examiner les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail dans les TA et CAA.En application de l’article L. 253-4 du code général de la fonction publique et du décret n° 2022-891 du 14 juin 2022, cette nouvelle instance aura les mêmes compétences que les formations spécialisées en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail des comités sociaux d’administration (CSA) créés par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Les représentants actuels des magistrats élus au CHSCT continueront à siéger dans la nouvelle commission jusqu’au prochain renouvellement du CSTA, qui aura lieu à l’issue des élections professionnelles du printemps 2023.
Le CE a annoncé qu’il allait prochainement revoir, dans le cadre de l’élaboration d’un plan de sobriété énergétique, le forfait mobilités durables pour permettre de le cumuler avec le remboursement des frais de transport. Ce forfait, qui existe depuis 2020, (décret n° 2020-543) permet un remboursement de tout ou partie des frais engagés au titre des déplacements domicile-travail en vélo (le décret parle de cycle ou cycle à pédalage assisté personnel…) ou en covoiturage. Pour en bénéficier, les magistrats doivent s’adresser au département de gestion des magistrats.
Réunion avec le directeur de cabinet du Ministre de la justice
Le bureau de l’USMA a rencontré le 21 octobre M. Jean-Denis Combrexelle, directeur de cabinet de M. Eric Dupond-Moretti et M. Philippe Baissus, conseiller services judiciaires.
Nous avons d’abord insisté sur l’importance de la prestation de serment et l’avons interrogé sur les véhicules législatifs susceptibles de porter le texte
En ce qui concerne la protection des magistrats administratifs, nous avons demandé que les auteurs de menaces, insultes, diffamations et autres outrages à l’encontre de juges administratifs, en particulier sur les réseaux sociaux, soient systématiquement identifiés et poursuivis.
Nous avons également demandé que la mobilité dans le judiciaire soit facilitée. M. Combrexelle partage notre constat de la dissymétrie qui existe dans la procédure de détachement et l’accueil des magistrats entre les deux ordres de juridiction. Cela n’est pas acceptable et il nous a témoigné sa volonté de mettre fin au parcours du combattant actuellement imposé aux magistrats administratifs qui souhaitent entreprendre un détachement comme magistrat judiciaire. Par ailleurs, alors que l’article 41-5 de l’ordonnance de 1958 continue de disposer que « le détachement judiciaire est d’une durée de cinq ans non renouvelable », une réflexion est en cours pour permettre un second détachement, qui pourrait intervenir par le biais d’une procédure simplifiée de recrutement dès lors que les collègues concernés bénéficient déjà d’une expérience judiciaire. M. Combrexelle s’est montré à l‘écoute de nos préoccupations et nous le remercions pour le franc dialogue qui a pu se tenir.
Le bien-être judiciaire
Zoom sur la charte des temps
Déclinée en 4 points clés et 21 bonnes pratiques, la charte des temps de la juridiction administrative est enfin parue !
Lors d’un dialogue social du 11 décembre 2020, l’USMA avait proposé une telle charte pour formaliser un droit à la déconnexion. Elle a été mise en œuvre par le Conseil d’État dans le cadre du protocole égalité : elle vise à promouvoir des pratiques plus attentives à l’équilibre entre les temps de vie professionnelle et de vie privée.
Il s’agit d’un premier pas important vers une amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Nous vous invitons à en prendre connaissance et à vous l’approprier.
Voici quelques exemples des recommandations qui y sont faites :
- Une culture managériale respectueuse de l’équilibre des temps de vie. La charte invite à veiller pour soi-même et pour ses collaborateurs à la prise régulière et effective des jours de congé et de récupération, à prendre en compte les besoins spécifiques de certains agents en matière d’horaires sans les stigmatiser (parents de jeunes enfants, parents âgés par ex) ou bien encore à veiller à éviter les dépassements horaires des personnels qui pratiquent le travail nomade ou le télétravail.
- Des horaires de travail respectés. La charte invite à inscrire le temps de travail effectif dans des bornes horaires comprises entre 8 heures et 20 heures et à considérer les dépassements comme devant demeurer exceptionnels.
- Un droit à la déconnexion et bon usage des outils numériques. La charte invite à faire figurer au bas des courriels adressés en dehors des horaires de travail ou durant le week-end la mention « , ce courriel n’appelle pas de réponse en dehors des heures de travail », ou une formule équivalente et à réserver l’usage de la mention « TTU » et le signal d’importance haute du message, aux cas, rares, d’urgence réelle. Dans un tel cas, exceptionnel, c’est le téléphone qui doit être privilégié.
- Des réunions efficaces. Elle invite à tenir les réunions, dans toute la mesure du possible, entre 9 heures et 18 heures, et à ne pas les faire démarrer après 16 heures, pour une fin prévisible à 18 heures. Lorsque les SI doivent se prolonger au-delà de 18 heures, il convient de tenir compte des contraintes personnelles des participants et de faire en sorte qu’elle ne durent pas au-delà de 19 heures. En cas de nécessité absolue d’aller au-delà de 20 heures, la charte recommande de prévoir un ordre de passage des rapporteurs qui tienne compte de leurs éventuelles contraintes privées.
Le Rapport sur le bien être judiciaire (UNODC)
Au paragraphe 194 du Commentaire des Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, apparait un concept intéressant : « Le juge devrait disposer de suffisamment de temps pour pouvoir préserver son bien-être physique et mental et se voir offrir suffisamment de possibilités de développer les aptitudes et les connaissances nécessaires à l’exercice efficace des fonctions judiciaires. »
Le Réseau mondial pour l’intégrité judiciaire a mené une enquête auprès notamment de juges. 758 personnes de 102 pays ont répondu. Vous trouverez ici le rapport en anglais, dont nous vous proposons ici un résumé (traduction libre). Après avoir posé le diagnostic, quelques solutions sont proposées, que nous tacherons à notre niveau de relayer au Conseil d’État.
Un diagnostic qui entre en résonance avec le baromètre social et notre questionnaire sur la charge de travail
Le rapport s’attache tout d’abord à explorer les expériences des sondés dans le maintien d’un bien-être physique et mental optimal.
Plus de 76 % des participants à l’enquête estiment qu’ils ne disposent pas de suffisamment de temps pour maintenir un bien-être physique et mental optimal. Une écrasante majorité des participants à l’enquête (environ 90 %) ont estimé que leur travail judiciaire leur apporte parfois, fréquemment ou toujours des sentiments d’épanouissement, de bonheur et de satisfaction. Mais plus de 92 % des participants à l’enquête ont indiqué que le travail judiciaire les stresse parfois, fréquemment ou toujours.
En ce qui concerne les causes : lourde charge de travail (80 %) ; disponibilité des ressources (65 %) ; structures et systèmes institutionnels (62 %) ; exécution des tâches (61 %) ; culture ou valeurs institutionnelles (54 %) ; pression et/ou critique générées par les médias et l’attention du public (51 %) ; et développement de carrière (50 %). Environ 58 % des participants à l’enquête ont attribué une partie du stress, de l’anxiété et de la tristesse à la pandémie de COVID-19.
D’autres facteurs sont pointés dans une moindre mesure : technologies, logiciels et systèmes utilisés par la justice (48 %) ; environnement physique de travail (48 %) ; rémunération (46 %) ; relations avec la direction (44 %) ; relations avec les collègues et le personnel (38 %) ; tentatives extérieures de faire pression, de menacer ou d’intervenir (35 %) ; et absence d’objectif ou de travail significatif (32 %).
La grande majorité des réponses concernent des charges de travail excessives, un stock croissant et l’incapacité de contrôler le volume de travail. À cet égard, les participants au sondage ont mentionné les défis suivants :
- Augmentation des demandes et de la pression de la direction pour conclure davantage de cas et privilégier la quantité à la qualité ;
- Horaires de travail longs et en dehors du bureau non reconnus ;
- Temps insuffisant pour rédiger des jugements et faire des recherches approfondies ;
- Le sentiment d’être « toujours en retard » et le manque de motivation qui en découle ;
- Incapacité à maintenir un équilibre travail-vie personnelle ;
- Insuffisance des effectifs judiciaires.
Le rapport explore ensuite les réponses et mesures existantes en matière de bien-être judiciaire par le pouvoir judiciaire et un focus est fait sur la pandémie.
Dans l’ensemble, si de nombreux participants ont souligné que les performances des juges et des membres de l’appareil judiciaire dépendaient de leurs compétences , elles dépendent également de leur bien-être physique et mental. Ils soulignent encore que le stress, l’épuisement professionnel, la fatigue et l’anxiété étaient incompatibles avec l’impartialité, l’indépendance et l’efficacité du juge et du système judiciaire dans son ensemble.
Des pistes de solutions
Le rapport propose 11 solutions, certaines très intéressantes, et qui ne sont pertinentes que si elles sont combinées avec une charge de travail raisonnable.
1. La première étape devrait être de reconnaître le problème et de sensibiliser à l’impact négatif du stress et des problèmes de santé sur l’exercice des fonctions judiciaires. Pour ce faire, il s’agit de promouvoir un dialogue ouvert, aider à atténuer le sentiment d’isolement et créer un espace sûr où chacun peut s’exprimer.
2. Le rôle crucial de l’encadrement (leadership) dans la promotion du bien-être : le gestionnaire devrait être proactif dans l’identification des risques existants dans le système judiciaire et être prêt à fournir des réponses rapides et à modifier les stratégies et les politiques en place en vue de garantir le bien-être physique et mental, optimal de tous les membres de la magistrature.
3. Le soutien par les pairs a été reconnu comme une valeur clé, y compris le mentorat, les opportunités de coaching, les discussions informelles avec des collègues et les réseaux de soutien pour parler des problèmes dans un environnement sûr.
4. Le soutien psychologique est une mesure efficace et indispensable pour maintenir ou améliorer le bien-être mental. Dans cette optique, les psychologues et thérapeutes sollicités doivent être spécialement formés aux facteurs de stress spécifiques liés aux fonctions judiciaires.
5. L’importance d’une formation continue sur le bien-être au travail qui serait animée par des experts conscients des spécificités de la fonction judiciaire.
6. De nombreux participants ont indiqué qu’être juge était une vie solitaire avec une charge de travail extrêmement lourde et, à cet égard, souhaiteraient davantage d’événements et d’activités permettant de renforcer le sentiment d’appartenance à une même communauté de travail.
7. Le bénéfice de documentations pratiques fournissant des recommandations concrètes que les juges pourraient mettre en œuvre pour promouvoir et optimiser leur bien-être.
8. L’amélioration des politiques en matière de congé annuel et d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (la charte des temps est une réponse par exemple).
9. Les magistrats devraient se préoccuper d’une meilleure répartition des charges de travail et ne pas promouvoir une efficacité malsaine qui force les gens à sacrifier leur santé pour respecter les normes de production. Cela renforce l’importance d’une bonne gestion, d’un suivi de la charge de travail, d’une répartition équitable de la charge de travail entre les tribunaux et les juges et des « rôles équilibrés ».
10. L’importance de greffiers ou d’aides à la décision capables d’assister les juges de manière appropriée et efficace. 11. Le rôle croissant de la technologie moderne dans la justice : investissement dans des équipements de bureau et des infrastructures de travail adéquats pour les juges et le personnel, un meilleur accès à la technologie et une formation à son utilisation.
Agenda de l’USMA
3 novembre |
Réunion de travail – Orientations du CSTA relatives à l’établissement du tableau d’avancement au grade de président |
4 novembre |
Présentation de l’USMA à la nouvelle promotion |
8 novembre |
CSTACAA |
10 novembre |
Échanges avec l’association Alter-Egale |
15 novembre |
Visite de juridiction |
16 novembre |
Échanges avec le Syndicat des juridictions financières |
17 novembre |
Réunion groupe de travail externe « accès au droit » |
24 novembre |
Participation au congrès du SJF |
25 novembre |
Troisième réunion du groupe de travail « charge de travail » |
29 novembre |
Visite de juridiction |