Compte-rendu du CSTA du 26 avril 2022

Approbation des procès-verbaux des séances du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel du 15 février 2022, du 22 mars 2022 et du 5 avril 2022 (CSTA exceptionnel)

Les procès-verbaux ont été approuvés.

Examen pour avis d’un projet de décret modifiant le code de justice administrative et le code de l’urbanisme

Avec l’objectif affiché de lutter contre les recours abusifs en urbanisme et de raccourcir les délais de jugement, ce projet de décret vise à supprimer un degré de juridiction pour certains projets, parfois le TA parfois la CAA, et à étendre aux refus l’obligation de juger en dix mois.

Il est ainsi prévu de supprimer l’appel pour :

– les projets d’habitation ou de lotissements situés dans les zones tendues et soumises à la taxe sur les logements vacants (pérennisation de l’actuel R. 811-1-1 du code de l’urbanisme) ;

– les refus d’autorisation de construire et les déclarations préalables autorisant un lotissement en zone tendue (nouveau) ;

– les actes relatifs à la création et la réalisation (approbation du programme des équipements publics) des zones d’aménagement concerté (ZAC) prévues aux articles L. 311-1 et suivants du code de l’urbanisme lorsque la zone à laquelle ils se rapportent porte principalement sur la production de logements et qu’elle est située en tout ou partie en zone tendue (nouveau).

L’étude d’impact nous apprend que la suppression de l’appel permet de gagner 17 mois sur la mise en chantier.

Il est prévu de supprimer la première instance pour les projets conduits en tout ou partie sur des espaces déjà urbanisés ou en zone tendue, et plus particulièrement situés dans le périmètre d’opérations d’intérêt national (L. 102-12 du code de l’urbanisme) et de grandes opérations d’urbanisme (L. 312-3).

Enfin le décret étend le délai de dix mois pour juger les recours contre les permis de construire certains projets de logements ou les permis d’aménager un lotissement, aux décisions les refusant.

Les objectifs politiques de célérité ne doivent pas conduire à une nouvelle atteinte portée à ce contentieux par la suppression d’un degré de juridiction. L’USMA s’y oppose fermement.

Nous sommes également très loin de partager l’optimisme de l’étude d’impact qui retient que « l’obligation actuelle relative au délai de jugement en 10 mois a d’ores et déjà peu d’incidences ». Elle retient un taux de recours moyen de 1,4 % et estime ainsi que le dispositif actuel concerne « 214 autorisations contestées par an, à répartir entre les 42 tribunaux administratifs ».

Prenant l’exemple du TA de Grenoble, l’USMA a pointé que les dossiers prioritaires actuels représentaient en réalité depuis l’instauration de cette obligation au 1er octobre 2018 et jusqu’au 13 avril 2022, 195 dossiers en moyenne par an, représentant 30% du contentieux sur les permis de construire et 17% du contentieux total de l’urbanisme enregistré dans la juridiction.

Il en résulte un effet d’éviction fort pour les autres requêtes en la matière, aggravé par les mécanismes lourds et complexes destinés à ce que les recours ne puissent pratiquement plus aboutir à des annulations. Le vieillissement du stock et son alourdissement est donc déjà très rapide du fait de l’obligation existante.

L’extension aggravera encore, le phénomène d’éviction, déjà cumulatif d’année en année. Les justiciables qui souhaitent réaliser un logement sans passer par un lotisseur, à supposer qu’ils parviennent à trouver un terrain libre, ont peu de chance d’arriver à leurs fins si un recours est introduit.

Il est plus que temps de poser un regard objectif sur ce qu’est devenu le contentieux de l’urbanisme en quelques années, d’entendre les magistrats qui ne comprennent plus leur office mais également les avocats confrontés à des justiciables désorientés.

L’USMA a noté avec intérêt la position des membres du CSTA très défavorable à ces restrictions de l’accès au juge en contentieux de l’urbanisme. Il a notamment été pointé la difficulté de connaître les périmètres des OIN. Plus généralement, les mesures ont été décrites comme inutilement complexes et contraignantes pour le juge et peu compréhensibles pour les justiciables.

L’USMA vote contre ce projet de décret.

Le CSTA a émis un avis défavorable

Examen pour avis de propositions de nomination de deux magistrats administratifs dans le corps des membres du Conseil d’Etat au grade de maître des requêtes

21 magistrats ont candidaté cette année (9 femmes et 12 hommes).

L’USMA adresse ses félicitations aux deux magistrats nommés (voir CR adressé par email).

L’USMA a indiqué que les critères de choix pourraient utilement être précisés pour orienter les candidats. Le « parcours diversifié » est un atout important. Nous avons demandé s’il existait une éventuelle difficulté pratique à candidater lorsqu’on est hors du corps depuis peu, dans l’idée précisément de diversifier son profil. Il nous a été précisé que l’avis récent du chef de juridiction était très utile. Enfin, l’USMA avait obtenu que le texte indique qu’il y aurait au moins deux recrutements par an parmi les magistrats administratifs. Cette année, il n’y en a que deux. Il nous a été indiqué que le CE a accueilli, au cours des dernières années, entre quatre et cinq personnes nommées au grade de maître des requêtes : deux magistrats des TACAA, un MRSE et, selon les années, un ou deux tours extérieurs. Cette année, le Conseil d’Etat accueillera pour la dernière fois deux maîtres des requêtes nommés au tour extérieur. En 2023, il n’y aura plus de tour extérieur et, si l’objectif de cinq nominations est maintenu, celles-ci seront à répartir entre les deux seuls viviers des magistrats administratifs et des MRSE. La qualité du vivier des magistrats administratifs est régulièrement saluée.

Par ailleurs, ce recrutement de deux maîtres des requêtes (article L.133-8 CJA) a été l’occasion pour l’USMA de revenir sur les détachements au CE en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire. Les dispositions de l’article L. 133-9 CJA concernant les MRSE n’excluent pas les magistrats administratifs, dont les candidatures n’étaient écartés qu’en raison d’une « doctrine ». Rappelons que pour répondre à la colère forte suscitée dans le corps par le décret dit corps comparés et grâce à l’action résolue de l’USMA, le précédent Vice-Président s’est engagé en CSTA à abandonner cette doctrine et à ouvrir les portes du détachement dans les sections administratives et contentieuses aux magistrats administratifs.

Il nous a été confirmé que nous pouvions utilement candidater comme MRSE mais dans les mêmes conditions que les autres postulants et qu’était recherché un « parcours diversifié ». Cette année sur 74 candidats, 8 étaient des magistrats administratifs. Aucun n’a pu être retenu mais il ne s’agit aucunement d’une position de  principe.

Nous attirons votre attention sur la publication au JO du 20 avril 2022 du second avis de vacance de 2022  pour accéder au poste de maître des requêtes en service extraordinaire. La date limite de candidature est fixée au 24 mai 2022 pour une prise de fonctions souhaitée au 15 octobre 2022.

Examen pour avis du tableau d’avancement complémentaire au grade de président pour 2022

voir CR adressé par email.

L’USMA adresse ses félicitations à ces collègues et leur souhaite une bonne prise de poste. Nous avons insisté sur l’importance de les rattacher à la formation de prise de poste qui débute en mai.

Examen pour avis du mouvement de mutation des conseillers et premiers conseillers

voir CR adressé par email

L’USMA a relevé que cette année, il faut plus de 11 ans pour accéder à la CAA de Lyon, 9 ans pour accéder à celle de Nancy, 6 ans pour Paris et Nantes. Cette situation devient très problématique alors que le service préconise, pour le moment, un passage en CAA pour parfaire l’expérience juridictionnelle en vue d’un passage au grade de président. Ce blocage est encore plus difficile alors que les collègues qui souhaitent y effectuer une mobilité n’ont plus que cette année et l’an prochain avant que la réforme de la HFP ne produise ses effets.

Reste à pourvoir 88 postes dans le cadre de la promotion CFJA et des recrutements nouveaux de septembre 2022

  • TA Amiens (2)
  • TA Besançon (1)
  • TA Bordeaux (5)
  • TA Caen (4)
  • TA Cergy-Pontoise (9)
  • TA Grenoble (1)
  • TA Guadeloupe (3)
  • TA Guyane (1)
  • TA Lille (6)
  • TA Limoges (2)
  • TA Marseille (5)
  • TA Melun (6)
  • TA Montpellier (1)
  • TA Montreuil (1)
  • TA Nancy (1)
  • TA Nantes (4)
  • TA Nice (4)
  • TA Nîmes (1)
  • TA Orléans (3)
  • TA Pau (4)
  • TA Poitiers (3)
  • TA Rennes (1)
  • TA Rouen (3)
  • TA Strasbourg (6)
  • TA Toulon (1)
  • TA Toulouse (10)

L’USMA souhaite que la situation des collègues du CFJA soit très finement analysée dans la composition des paniers au regard de la situation inédite à laquelle ils sont confrontés. Il ne doit pas y avoir de préemption automatique par les futurs collègues dont la sélection est en cours.

48 postes seront proposés au CFJA, sur 49 collègues, une magistrate ayant été affecté directement sur un poste pour des raisons de santé.

38 postes seront répartis entre les magistrats recrutés par le détachement et le tour extérieur à compter du 1er septembre 2022. Il a été précisé aux membres du CSTA que la répartition de ces postes sera réalisée en tenant compte des vœux d’affectation des magistrats
en formation initiale et de ceux exprimés par les candidats au détachement pour le mois de septembre. Pour le service la situation des magistrats actuellement en formation initiale n’est, du point de vue de leur première affectation, aucunement dégradée par rapport à celle de leurs prédécesseurs dès lors qu’habituellement, les paniers de postes qui sont proposés sont la résultante directe du mouvement de mutation mais que cette année il y a un net surplus de postes.  

Examen pour avis d’une demande de mutation d’un magistrat de la CCSP

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Examen pour proposition de désignation de deux magistrats du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel en qualité de membres du jury du concours de recrutement direct

voir CR envoyé par email

Situations individuelles

voir CR envoyé par email

Questions diverses

Le CSTA a été informé d’une recommandation du collège de déontologie du 22 mars 2022 relative au retour en juridiction de magistrats et magistrates après un passage dans un cabinet ministériel.

Vous trouverez cette recommandation en suivant le lien suivant.

L’USMA a demandé l’inscription de deux questions diverses :

  • La question de l’affectation des collègues issus des concours au 1er janvier 2023   

Dans notre USMAg d’avril nous avions alertés sur ce que nous percevions comme une déqualification annoncée de notre métier. En effet nous avions été surpris d’apprendre sur le site internet du Conseil d’Etat que les collègues issus des concours au 1er janvier 2023 pourraient être affectés en juridiction dès fin janvier et seraient formés en alternance. Aucune discussion n’avait eu lieu.

A la suite de notre message et de la demande de l’inscription à ce CSTA, il nous a été indiqué qu’il s’agissait d’une « erreur » que la mention allait être retirée du site internet, ce qui a été fait. Nous remercions le service pour cette rectification bien utile.

En effet, cette question est capitale à nos yeux et nous nous inquiétons d’une tentation de généraliser la formation en alternance au détriment d’une véritable formation initiale permettant à tous les collègues d’acquérir les connaissances indispensables à une prise de poste efficace et sereine. Il en va aussi de la charge de travail des magistrats en juridiction et en particulier des présidents de formation de jugement.

Nous demandons un bilan rapide, auprès des formés mais également des chefs de juridiction, sur les points forts et faibles de cette formation en alternance testée en premier sur les promotions ENA (2020 et 2021).

Elle va être étendue cette année aux détachés et tours extérieurs du recrutement complémentaire en cours. Nous avons demandé des précisions sur les modalités de cette formation. Elles nous seront données lors du prochain dialogue social consacré à la formation le 13 mai.

  • La situation au TA de la Réunion et de Mayotte

L’USMA a déjà alerté à plusieurs reprises le gestionnaire sur la situation des magistrats et agents de greffe assumant le contentieux des référés libertés de Mayotte.

Le diagnostic externe réalisé en août 2021 en raison d’un problème individuel au TA de La Réunion pointait déjà très nettement les risques psycho-sociaux liés à l’activité très particulière de Mayotte. Les magistrats y décrivaient les semaines de référés à Mayotte comme « extrêmement pénibles, mentalement et physiquement » engendrant anxiété et stress chronique. Les magistrats exprimaient des inquiétudes quant à leur équilibre voire leur santé. Le rapport concluait que : le TA de La Réunion ne présente pas un environnement de travail particulièrement dysfonctionnel mais que « si l’on considère conjointement les contraintes liées au fonctionnement du TA de La Réunion et celles relatives au fonctionnement du TA de Mayotte, alors le potentiel d’exposition aux RPS devient significatif, et est même appelé à devenir très préoccupant dans les mois et années à venir ».

Dans son rapport de décembre 2021, la MIJA a également relevé l’explosion de ces référés comme l’épuisement et le découragement des magistrats.

Quelques chiffres : Le nombre de référés-liberté durant les 4 à 5 semaines de permanence/magistrat/an a augmenté de 379 % entre 2019 et 2021. Cette croissance continue : durant les 3 premiers mois de 2022 on a enregistré + 432 % de référés liberté par rapport au même trimestre en 2019.

En pratique cela veut dire que l’on est passé de permanences à 40 dossiers par semaine en 2019 à des permanences à 140 dossiers par semaine actuellement.

Non seulement ce rythme n’est pas tenable mais le risque psycho social est encore aggravé par la perte complète de sens et l’absence de maîtrise des dossiers comme de la charge. Les magistrats rendent leurs ordonnances alors que dans la plupart des cas ils ne disposent ni des OQTF, ni d’informations fiables sur la situation des requérants (CRA, JLD, éloignement effectif). Les dossiers évoluent souvent en cours de journée (mémoire complémentaire développant des moyens nouveaux, communiquant des pièces nouvelles, révélant l’éloignement inopiné du requérant alors même que le greffe avait mis celui-ci en attente au CRA…). L’apparition de requêtes sur le fondement de l’article L. 521-4 du CJA émanant du préfet pour ajouter des pièces nouvelles qu’il n’a pas produites dans le délai imparti rallonge encore la procédure sur un même dossier.

La réponse, pour le moment apportée, d’une aide à la décision à Bordeaux n’est pas à la hauteur de la situation. Les alertes ne suffisent plus et les équipes sont à bout. Nous espérons une évolution procédurale mais nous ne pouvons l’attendre. L’USMA demande un renforcement du TA de La Réunion maintenant, dès ce mouvement de mutation, pour que ces permanences reviennent moins souvent.