Mission d’information sénatoriale sur la judiciarisation de la vie publique

Créée à la demande du groupe de l’Union centriste, le Sénat a constitué, en décembre 2021, une mission sur le thème de « la judiciarisation de la vie publique : une chance pour l’État de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie ? » qui a tenu sa première réunion le mercredi 15 décembre 2021 et dont les conclusions devraient être rendues en mars 2022.

L’USMA a été auditionnée, le 5 janvier, par le sénateur M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la mission d’information sur la judiciarisation de la vie publique qui s’interroge sur le « pouvoir croissant des juges » aux dépens de l’action publique. Les échanges ont été intenses. Nous avons parlé séparation des pouvoirs et état de droit mais également de notre quotidien.


A titre liminaire, la thématique générale que vous nous proposez d’explorer soulève les questions fondamentales de la séparation des pouvoirs et de l’état de droit. Vos questions laissent à penser que le Parlement et l’exécutif s’en estimeraient dépossédés au profit du juge alors que précisément les juges estiment l’état de droit menacé. Espérons que cet échange sera l’occasion de lever des malentendus.

Nous avouons une certaine inquiétude à devoir désormais communiquer de manière solennelle sur l’état de droit qui nous semblait être un acquis de notre démocratie. De façon inédite, l’USMA l’a fait par deux fois cette année, en juin 2021 à l’occasion de la réforme sur la HFP avec nos collègues judiciaires et financiers et de nouveau en décembre dernier.

Carence complète de moyens matériels et humains pour nos collègues judiciaires, déni de la qualité de magistrats pour les administratifs et financiers et, pour tous, transformation de nos gestionnaires (notre hiérarchie) en simples comptables de production nous menant droit à la submersion. Nous nous éloignons des valeurs du service public de la justice : indépendance et impartialité.

Les juges sont d’ardents défenseurs de la séparation des pouvoirs qui préoccupe la commission et qui est, pour nous, un aspect essentiel de l’Etat de droit que nous servons.

La DDHC rappelle qu’un Etat n’a pas de Constitution sans séparation des pouvoirs. Le Parlement est censé écrire le droit, l’exécutif l’appliquer et le juge en contrôler l’application. Un Etat de droit ne se conçoit pas sans cet équilibre. Or, notre Constitution consacre les deux premiers pouvoirs et parle de simple autorité pour le juge… et encore pour le seul juge judiciaire. Le juge administratif n’est pas protégé de la même manière par la Constitution, contrairement aux recommandations du Conseil de l’Europe. Nous le déplorons et avons demandé à plusieurs reprises sa consécration.

Le juge n’interfère pas avec le pouvoir législatif qui appartient normalement au Parlement. Or, celui-ci s’en départi sur des sujets majeurs par des habilitations données à l’exécutif pour légiférer par ordonnance, sans ratification postérieure. C’est alors l’exécutif qui « légifère » et non la représentation nationale. Là est un véritable risque sur la séparation des pouvoirs. La réforme de la haute fonction publique en est un exemple qui ne s’est pas limité à la simple réforme de l’ENA. Le Parlement a ainsi estimé que l’exécutif, devait mener sa propre réforme de la haute fonction publique, y compris de façon incompréhensible celles des juges considérés comme de simples fonctionnaires, puisque nous ne sommes pas protégés par un texte constitutionnel.

Cette réforme impose au juge administratif de venir régulièrement chez son défendeur pour pouvoir prétendre à un grade supérieur. Nous y sommes opposés, précisément parce que ce qui sous-tend cette obligation, la logique d’une administration qui se juge elle-même, constitue là encore une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Puisque le Parlement réfléchit au risque d’empiètement du juge sur les pouvoirs législatif mais également et surtout exécutif, disons qu’il nous semble normal que le juge administratif exerce un contrôle indépendant sur l’action de l’administration, ce qui est l’essence même de son office et un pilier de l’Etat de droit.

Enfin, notre syndicat a toujours été très clair quant au fait qu’il fallait un ordre administratif unifié de la première instance à la cassation qui ne pourrait que renforcer la séparation des pouvoirs.

Partagez-vous le diagnostic selon lequel les juridictions nationales et européennes exercent un pouvoir grandissant en ce qui concerne la production de la norme, sans avoir la même légitimité que les élus, au risque parfois d’entraver l’action publique ? Votre organisation a-t-elle mené récemment une réflexion sur ce thème ? Est-elle sensible aux critiques parfois exprimées dans le débat public à ce sujet ?

Nous ne partageons pas le diagnostic que vous posez. Rendre les juges responsables de l’inefficacité supposée de l’administration, car nous imaginons que c’est ce qui est entendu à « entrave à l’action publique » est nous faire un mauvais procès … politique.

L’évolution du légicentrisme vers un droit plus composite, issu de normes d’origine diverses est le fruit de deux évolutions majeures dans lequel le juge n’a aucun rôle et qui sont le corollaire à notre sens de l’ouverture des Etats :

– d’une part, l’adhésion de la France à de nombreuses conventions internationales qui influencent particulièrement les droits et les libertés  

– d’autre part, un mouvement de renouveau des droits de l’homme dans les suites de la seconde guerre mondiale, accompagné d’une place accrue du juge constitutionnel.

Au sortir de ce conflit, la loi est apparue comme un outil devant être complété, contrebalancé par des textes plus fondamentaux pour les raisons que nous connaissons tous. Pour assurer l’effectivité de la convention européenne des droits, il a été créé une juridiction spécifique et prévu, innovation majeure, une invocabilité directe devant les juridictions internes.

Cet héritage historique et cet espoir placé dans l’Etat de droit ne sont pas le choix du juge.

Ce ne sont pas les juges qui signent les traités européens et décident des règles communautaires.  Par contre ils les appliquent. Leur demander de ne pas les appliquer, en cas de carence du Parlement ou de l’exécutif équivaut à revenir à la théorie de la loi-écran et nous parait peu réaliste. Invariablement, les décisions des juges nationaux seraient annulées par le juge européen, qui prendrait alors encore plus d’importance. Des pans entiers de la souveraineté nationale échappent désormais aux Etats-membres et, en l’absence de loi ou malgré la loi, il existe au-dessus des normes nationales, des normes communautaires et internationales qui ont intégré notre hiérarchie des normes.

Les réactions à l’égard des décisions de justice sont souvent diamétralement opposées entre ceux qui estiment que nous favorisons trop l’administration et ceux qui retiennent que nous l’empêcherions de fonctionner. Ces réactions portent heureusement sur un nombre d’affaires infime par rapport au nombre de nos jugements et sont bien souvent le fait de la partie perdante plus que de connaisseurs du droit. En 2019 (pour exclure les crises sanitaires), les TA ont jugé plus de 220 000 affaires et les CAA plus de 34 000, qui concernent le quotidien de nos concitoyens.

 Au demeurant, le Parlement français s’attache à tout retranscrire en droit national positif, y compris les règlements européens pourtant d’application directe. Règlement, lois, décret voire arrêtés pour des textes réglementaires européens fortement détaillés. Si le Parlement tarde à retranscrire des directives, ceci est de la politique qui n’intéresse pas le juge.

L’USMA n’a pas mené de réflexion dans le sens que vous suggérez. Par contre nous nous sommes très régulièrement interrogés et avons agi contre le sens de la réforme de la haute fonction publique. Nous estimons, comme nous l’avons déjà dit, que le juge administratif ne doit pas être un administrateur. Il doit être séparé de l’administration, et ne doit pas s’y substituer.

Sur l’expression dans le débat public, il convient de distinguer lorsque le Conseil d’Etat intervient en tant que conseiller du gouvernement et quand il le fait en tant que juge administratif suprême afin d’éviter des confusions.

Pensez-vous que certaines évolutions dans la manière dont le juge administratif exerce son office ont pu contribuer à alimenter ce sentiment d’un pouvoir grandissant des juridictions (pouvoir d’injonction prévu aux articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, contrôle de proportionnalité, passage d’un contrôle restreint à un contrôle normal dans certaines matières…) ?

Le pouvoir d’injonction n’est pas un « pouvoir » mais une possibilité, sollicitée par le requérant, d’enjoindre à l’administration de tirer les strictes conséquences pratiques de la solution en droit. Il s’agit d’éviter un allongement des délais et une nouvelle saisine du juge. Il est par exemple enjoint à l’administration de réexaminer sa décision frappée d’illégalité. Ce « pouvoir » a été élargi en 2019 par le législateur afin que nous puissions enjoindre d’office, après avoir demandé leur avis aux parties, afin d’aller vers une plus grande exécution des décisions de justice. Cela constitue une tâche supplémentaire pour le juge. Nous ne pensions pas qu’il posait question au Parlement ou même à l’exécutif.

Le contrôle de proportionnalité n’est pas un contrôle en opportunité, mais une stricte évaluation aux vue des pièces présentées par le requérant de sa situation. Le contrôle de proportionnalité n’est qu’une technique juridique qui retranscrit la démarche intellectuelle à laquelle le juge, comme l’administration avant lui, se livre en examinant la vie privée et familiale d’un étranger, par exemple. Il reste peu de décisions qui ne peuvent être déférées au juge mais cette évolution n’est pas récente. Elle a permis aux administrés d’obtenir justice de certaines décisions et poussé l’administration à améliorer ses décisions pour éviter l’arbitraire.

Nous n’avons pas d’intérêt quant à l’issue du litige, de statistiques à atteindre sur le sens de nos décisions et la collégialité équilibre les subjectivités. Nous ne voulons pas de « pouvoir » plus grand mais simplement que le recours soit effectif pour le justiciable afin que notre métier garde son sens. Nous constatons par exemple en matière d’urbanisme que les réformes ont rendu pratiquement impossible d’annuler un permis de construire. Nos concitoyens et leurs avocats se font l’écho de leur insatisfaction dans nos prétoires, mais comme nous appliquons le droit….

Bien au contraire, nous avons le sentiment que le juge protège avec pragmatisme l’action administrative lorsqu’au final la décision est la bonne. Il en va ainsi des substitutions de motifs, de base légale, de neutralisation de motifs ou d’irrégularités procédurales …

La montée en puissance du droit européen peut également contribuer à renforcer le pouvoir du juge, qui peut être amené à écarter des dispositions de droit interne en cas de contrariété. Cela est-il fréquent en pratique dans les juridictions du fond ? Confrontées à des problèmes d’interprétation du droit de l’Union européenne, les juridictions du fond sont-elles encouragées à saisir la Cour de justice ou cette prérogative revient-t-elle de facto au Conseil d’État ?

Le juge du fond peut poser une question préjudicielle à la CJUE (article 267 TFUE) en cas de difficulté sérieuse comme il a la possibilité de faire une demande d’avis contentieuse au Conseil d’Etat (article L113-1 du CJA) lorsqu’une requête soulève une question de droit nouvelle, présente une difficulté sérieuse et se pose dans de nombreux litiges. Il n’y a aucun encouragement à saisir la CJUE et nous le faisons avec parcimonie, notamment au regard des délais de réponse. Toutefois des questions très complexes nécessitent parfois une clarification du juge européen pour éviter un allongement de la procédure ou la condamnation de la France in fine.

Depuis 2016, les juridictions administratives, excepté 2020, ont renvoyé entre 9 et 15 affaires par an (à ramener au nombre des décisions que nous rendons.  Il convient toutefois de préciser que c’est souvent le CE qui pose les questions. Sur douze affaires actuellement pendantes, 9 émanent du CE, 2 de CAA et 1 d’un TA.

Parmi les questions posées, le plus souvent elles sont très souvent en matière agricole ou fiscale.

Le juge administratif peut aussi saisir le juge judiciaire ou transmettre une question prioritaire de constitutionnalité. Tout ceci fait partie du dialogue des juges afin de sécuriser les règles de droit.

Pensez-vous que dans certains domaines, le droit des étrangers par exemple, la jurisprudence impose des contraintes telles qu’elles entravent la capacité de l’État à conduire des politiques publiques efficaces ? En d’autres termes, peut-il exister une tension entre la défense des droits et libertés individuels et la capacité du politique à porter l’intérêt général ?

Nous ne savons pas exactement ce que la commission retient comme « entrave » à des politiques publiques efficaces en matière de droit des étrangers. S’il s’agit de la disproportion considérable entre le nombre de décisions d’éloignement et leur très faible taux d’exécution, cela ne résulte pas des décisions prises par les magistrats. Au demeurant les décisions sont très majoritairement confirmées et ne nous intéressons pas à l’exécution des décisions d’éloignement.

Ce qui entrave l’action publique c’est l’empilement des textes et la paupérisation de l’administration. L’empilement normatif, sa combinaison mal organisée et l’instabilité des normes induisent une fragilité en cas de contentieux. Le juge les subit également. Tous les praticiens attendent une simplification du droit des étrangers. Le code a été réécrit sans simplification. Une réforme technique a été proposée mais l’exécutif a préféré ne pas ouvrir le débat en fin de mandature. Nous le regrettons.

Lorsque les administrations, comme les préfectures, voient leurs effectifs diminuer et leurs organisations sans cesse modifiées, la baisse de qualité des décisions et des écritures en défense, le recul de l’homogénéité et de la cohérence entre décideurs peut emporter un transfert de charge et non de pouvoir vers le juge. Nous pourrions évoquer le logiciel Louvois et des milliers de décisions de justice rendues à cause de ses dysfonctionnements. Un autre exemple récent peut être trouvé dans la multiplication des référés mesures utiles afin simplement d’obtenir un rendez-vous en préfecture.

Pour le reste nous ne voyons pas pourquoi l’intérêt général s’opposerait systématiquement à la protection des droits individuels. Il y faut, comme en tout, un équilibre.

Partagez-vous l’idée selon laquelle les décideurs publics, dont les actes sont contrôlés par le juge administratif, font désormais aussi l’objet de plus en plus souvent d’une mise en cause personnelle sur le plan pénal, qui peut « paralyser » la prise de décision ? Si oui, comment peut-on expliquer cette évolution ?  

Nos collègues judiciaires seront plus à même de répondre sur la question du risque pénal. La commission doit être en mesure d’obtenir les chiffres permettant d’objectiver le débat quant au nombre de décideurs publics faisant l’objet d’une procédure pénale au titre de leurs fonctions.

Les magistrats administratifs sont-ils sensibilisés à ces enjeux au cours de leur formation au Centre de formation de la juridiction administrative (CFJA) ? Dans la négative, quelles seraient selon vous les pistes d’amélioration ?

Nos tribunaux et nos cours administratives ne sont pas des lieux de pouvoir. Les magistrats administratifs recrutés sont à 11,5% des énarques, 44,5 % sont issus des concours internes et externes, 16 % sont issus du tour extérieur et 26 % sont détachés. L’âge moyen à la date de nomination oscille entre 34 et 37 ans et demi. Les magistrats nommés par la voie du détachement sont issus de corps variés : magistrats de l’ordre judiciaire, directeurs d’hôpital, enseignants du supérieur, commissaires de police, administrateurs territoriaux, administrateurs civils et magistrats financiers. Nous exerçons partout en France. Nos décisions ne sont pas hors sol ou fruit d’a priori politiques. Par contre nous avons besoin de temps pour bien juger. Or l’inflation contentieuse, les facilités données à saisir rapidement le juge pour des carences des administrations, l’absence de limitation de la taille des dossiers compliquent sans cesse notre office. Et si nos délais de jugement sont conformes aux normes européennes, nous ne tiendrons pas encore longtemps. Il est urgent d’augmenter les moyens pour éviter qu’à la difficulté de l’action publique ne s’ajoute la panne du juge administratif.

Quelles pourraient être les pistes de « rééquilibrage » des rapports entre les pouvoirs législatif et exécutif, d’une part, et l’autorité judiciaire, d’autre part ? Des lignes directrices sur l’utilisation de ses pouvoirs par le juge administratif devraient-elles être définies, notamment dans la Charte de déontologie des membres de la juridiction administrative ? Des outils techniques, par exemple un guide d’utilisation des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, permettraient-ils de donner plus de cohérence et de lisibilité à la jurisprudence ?

« Lignes directrices … dans la charte de déontologie » «  guide d’utilisation », voici des expressions curieuses dans ce contexte. Cette question est en elle-même problématique et semble dénoter à notre sens d’une méconnaissance du rôle d’un juge dans une démocratie. Vous savez bien qu’un pouvoir législatif ne peut donner d’injonction aux juges….

Nous pensons pour notre part que le législateur devrait veiller à prendre des textes clairs, éviter l’empilement et l’inflation législative. Ensuite, il convient que l’administration ait les moyens de les mettre en œuvre. Faute de quoi elle serait en risque de carence.  La jurisprudence est au contraire souvent plus lisible et cohérent que des lois votées sous le coup d’un fait divers ou plusieurs lois sur un même sujet pendant un laps de temps très court.

Le pouvoir grandissant des juridictions devrait-il conduire à renforcer les exigences de neutralité et d’impartialité des magistrats ou à envisager en termes nouveaux la question de leur responsabilité ?

Vos deux questions se fondent sur une hypothèse de « pouvoir grandissant » des juges alors que nous faisons le constat inverse. Pour nous le rééquilibrage doit se faire en accordant aux juges administratifs les garanties dignes d’un ordre juridictionnel indépendant au regard des critères du Conseil de l’Europe.

La justice est fondée sur les valeurs de loyauté, d’écoute, de respect, sous le regard de l’opinion publique, ce qui en fait un espace vivant de dialogue et un laboratoire de sociabilité démocratique. Il est des domaines où les arrêts rendus par les cours suprêmes tangentent des questions sociétales ou politiques mais le juge ne se saisit pas lui-même, il ne définit pas les règles, il ne fait que les appliquer lorsqu’on lui demande. La défiance des citoyens peut les entraîner à saisir le juge de questions sociétales. Cet intérêt pour le juge tient précisément à sa neutralité et à son impartialité dès lors qu’il ne tire aucun intérêt de ses décisions. Cela est si vrai que les conceptions ou idées différentes des magistrats ne les empêchent nullement de statuer collégialement au quotidien. Au contraire.

Votre commission s’émeut de la responsabilité pénale des décideurs, les juges sont eux-mêmes soumis à une telle responsabilité. Ils sont en plus soumis à une responsabilité disciplinaire. Ils sont astreints au devoir de réserve et s’abstiennent de mettre en cause l’exécutif ou le législatif. Nos décisions sont collégiales et nous défendons cette collégialité rognée par manque de budget. Personne ne bâtit un pouvoir personnel sur l’œuvre de justice. Nos décisions sont soumises à l’examen d’autres juges en appel et cassation. Quelle responsabilité voudrait-on ajouter ?

Il existe au cœur même de l’Europe des démocraties illibérales s’appliquant à contrôler la justice. Il serait regrettable que la France suive ce chemin.

Au final, les pouvoirs législatifs et exécutifs sont de nature politique. Le pouvoir judiciaire est d’une autre nature. Sa seule fonction est de trancher les litiges qui lui sont soumis conformément au droit, que celui-ci soit international et intégré à l’ordre juridique national (signature/approbation par le pouvoir exécutif et ratification par le pouvoir législatif), ou national et donc édicté par les pouvoirs exécutif et législatif. Son impartialité (qu’elle soit objective ou subjective) et son indépendance sont au cœur des garanties dues aux citoyens d’une « démocratie de droit ».

Comme le Parlement, nous sommes attachés à la valeur de la norme et également à ce qu’elle s’applique à tous. Il paraît difficile de concevoir un Etat de droit sans juges. Vous ne trouverez guère plus ardents défenseurs de l’équilibre des pouvoirs que nous. L’équilibre… et non la confrontation des pouvoirs.