USMag’#40 – avril 2023 – charge de travail : l’USMA demande une action globale

Édito  

Chères et chers collègues,

Il y a un an, l’USMA lançait un sondage pour mieux comprendre les facteurs d’alourdissements de la charge de travail. Vous avez été plus de 500 à répondre, témoignant à quel point ce thème est au cœur de vos préoccupations. Aujourd’hui, la réalité de la charge de travail des magistrats administratifs ne peut plus se résumer au nombre de dossiers jugés en une année et il devient urgent de repenser la manière dont celle-ci est évaluée.

Cela va bien au-delà d’une simple réflexion sur la norme, et doit intégrer la question des effectifs, de l’office du juge administratif, des outils de travail, des tâches annexes mais aussi du management par les présidents de chambre.

L’USMA a été entendue par le groupe de travail sur la « charge de travail », présidé par Brigitte Phémolant, qui doit rendre son rapport en juin. Retrouvez ici l’intégralité de la contribution et l’essentiel dans cet USMag’.

En bref

Attaques inadmissibles contre les TA

L’USMA a immédiatement réagi à l’occupation et aux attaques subies par les TA de Bastia, le 15 mars, et de Nantes, les 23 et 28 mars.

Nous réaffirmons dans cet USMag que ces deux évènements, sans lien, sont totalement inacceptables. Les juridictions administratives rendent la justice au nom du peuple français et sont garantes de l’État de droit. Elles doivent être soutenues au plus haut par les pouvoirs publics. Nous n’accepterons aucune banalisation ou amoindrissement de la gravité des actes. 

Nous apportons à nouveau tout notre soutien à l’ensemble des magistrats et des agents

Des robes … pour les notaires

Les notaires vont porter une robe ! Les magistrats administratifs toujours pas…  Non ce n’est pas un poisson d’avril.

Par un décret du 22 mars 2023, les membres notaires titulaires et suppléants des chambres de discipline et de la Cour nationale de discipline vont revêtir un costume lors des audiences disciplinaires.

Quelle est la logique du ministère de la justice qui a pris cette mesure règlementaire ? Si les notaires, dont juger n’est pas le premier métier, ont un costume d’audience pour la chambre de discipline, des magistrats devraient pouvoir en obtenir un.

Vous pouvez compter sur l’USMA pour continuer à porter cette revendication historique.

Coup d’arrêt du PJL « contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » avec l’annonce du saucissonnage du texte

La presse aime qualifier ce projet de loi comme étant la « première victime collatérale » de la réforme des retraites. Il ne faut pas que le juge administratif devienne également « une victime indirecte » tant il y a urgence à réformer et simplifier les procédures contentieuses.

Surtout, conformément à notre souhait et nos interventions constantes, cohérentes et réalistes, la commission des lois au Sénat avait supprimé par un amendement la procédure de six semaines en adoptant ainsi les recommandations du rapport Stahl et du rapport du sénateur François-Noël Buffet. Le texte, sur le point d’être débattu en séance publique, proposait donc trois procédures principales : une procédure collégiale (délai de recours d’1 mois et 6 mois pour statuer) et deux procédures à juge unique (délai de recours de 7 jours et 15 jours pour statuer ; délai de recours de 48 h et 96h pour statuer).

L’USMA sera vigilante à ce que cette amélioration se retrouve dans le texte lorsqu’il réapparaitra…

Nos aides à la décision ont du talent !

Lors de nos visites de juridiction, nous échangeons avec l’ensemble de la communauté juridictionnelle et rencontrons les vacataires, assistants de justice, juristes-assistants et assistants du contentieux. Les aides à la décision sont devenues incontournables pour les magistrats. Elles ont des idées mais parfois peu de relais. Voici quelques demandes qui nous semblent légitimes et que nous appuyons :

  • Une clarification de l’autorité hiérarchique pour les questions de ressources humaines
  • Une plus grande intégration au sein de la juridiction administrative
  • Une possibilité de suivre certaines formations en lien avec les matières de leur chambre d’affectation
  • Une rémunération qui correspond à leurs missions et à leurs qualifications. Il en va de l’attractivité de leurs fonctions et de la qualité du recrutement
  • La prise en compte de leur ancienneté lors de la titularisation dans le corps.

Charge de travail : l’USMA demande une action globale

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les effectifs ne progressent plus aussi vite que le volume du contentieux, les stocks gonflent et ils vieillissent. Au-delà des chiffres, vos réponses à notre questionnaire montrent que la réalité de la charge de travail des magistrats administratifs ne peut plus se résumer au nombre de dossiers jugés en une année. Les dossiers ne sont plus les mêmes qu’il y a dix ans ; les administrations submergées prennent des décisions moins cohérentes, au terme de procédures moins sécurisées, défendent moins bien et très tard ; l’organisation du travail est largement impactée par des ruptures de rythmes, surtout en TA avec l’explosion des référés et du contentieux de l’éloignement ; et, enfin, les missions non-juridictionnelles obligatoires chronophages sont en augmentation.

A partir de ce diagnostic, l’USMA propose trois grandes pistes d’amélioration :

Augmenter le nombre de magistrats en juridiction et stabiliser les effectifs

Il est hasardeux de croire que l’on compensera exactement les départs en mobilité par des recrutements en mobilité au niveau national. Cela est encore plus vrai au niveau local où les postes vacants en cours d’année judiciaire se multiplient.

Renouvelant les propositions faites le mois dernier dans le cadre de contribution au PJL Justice, l’USMA demande :

  • la poursuite de la création substantielle de postes de magistrats entamée dans le cadre du projet de loi de finances 2023 ;
  • la création de postes de premiers VP dans les TA de 5 chambres et plus ;
  • la création de postes de VP supplémentaires dans toutes les juridictions qui en ont besoin ;
  • l’abandon de la double mobilité, la réintroduction la mobilité en CAA, et que la mobilité statutaire soit étendue aux mobilités géographiques en Outre-mer.

Faciliter l’office du juge administratif

Les conditions d’exercice du métier de magistrat administratif ont profondément évolué. Dans un contexte où la demande de justice est forte, croissante et exigeante, notre office s’est enrichi et complexifié.

L’USMA demande :

  • l’incitation des parties à améliorer la structuration et la qualité de leurs écritures, en modifiant le CJA afin notamment de contraindre les parties à indiquer pour chaque moyen les pièces invoquées et leur numérotation et de mettre en œuvre le « mémoire récapitulatif automatique » ;
  • une expérimentation sur la limitation en nombre de pages des écritures transmises à la juridiction ;
  • le renforcement des compétences du greffe, afin de développer des missions de suivi de la procédure juridictionnelle et d’assistance aux magistrats dans l’instruction ;
  • la modernisation de nos outils de travail, qui doivent être performants et adaptés à un travail prolongé sur écran, notamment via le développement de portail contentieux ;
  • la meilleure prise en compte de l’office du JA dans la production législative et réglementaire, notamment s’agissant du contentieux des étrangers et de l’urbanisme ;
  • la fin des innovations jurisprudentielles qui ne mesurent pas suffisamment leurs effets potentiels sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux et viennent ainsi complexifier notre tâche (par exemple le développement du REP « dynamique » et des pouvoirs de régularisation).

Repenser la charge de travail qui doit être portée collectivement

Il est enfin largement reconnu que la « dictature de la statistique », qui fait fi de la qualité du travail juridictionnel accompli, de la complexité des dossiers, de l’expérience des magistrats, des ruptures de rythme et de progression engendrées par le traitement des contentieux urgents et de l’instabilité des effectifs en TA, conduisant à la « réorganisation permanente », ou bien encore du poids des activités extra-juridictionnelles obligatoires, conduit à une perte de sens et est facteur de risques psycho-sociaux. La « norme », chiffrée, individuelle, rigide, comme indicateur de la charge de travail, loin de refléter la réalité et la diversité de nos fonctions de magistrats, n’a plus de sens. Si elle reste un point de repère de ce qui est attendu, elle ne protège plus les magistrats. Lorsqu’elle est encore perçue comme telle, c’est bien souvent lorsque les rapporteurs sont confrontés à des présidents qui ne raisonnent que par le chiffre, ce qui n’a plus lieu d’être. Il est temps de changer de paradigme.

  • L’USMA propose, dans un premier temps, de créer des fiches de poste afin de définir les missions principales et annexes des magistrats.
  • Ensuite, il convient de donner leur place aux magistrats dans la fixation et le suivi des objectifs juridictionnels.
  • Ces objectifs doivent prendre en compte la réalité et la diversité des missions des magistrats, y compris non juridictionnelles.
  • Enfin le changement doit également passer par l’encouragement d’un nouveau management de proximité (recrutement, formation et évaluation des présidents de chambre). 

Retrouvez le détail de nos propositions ainsi que notre contribution ici.

Agenda de l’USMA

5 avril
Groupe de travail du CSTA sur la charge de travail
12 avril
Visite de juridiction
13 avril
Visite de juridiction
19 avril
CSTACAA