Compte-rendu du CSTA du 5 septembre 2022

Approbation du procès-verbal de la réunion du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel en date du 5 juillet 2022

Le procès-verbal a été approuvé.

Examen pour avis d’un projet de décret modifiant le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 qui régit notamment les procédures relatives à l’acquisition de la nationalité française

Le ministère de l’intérieur a engagé une dématérialisation des procédures d’accès à la nationalité française. En parallèle, le CSTA a été saisi d’un projet de texte modifiant le décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française. Il vise à instaurer, dans les procédures déclaratives de nationalité, une décision de classement sans suite, dont le contentieux relèvera de l’ordre administratif (contrairement au contentieux des refus d’enregistrement de la déclaration qui est de la compétence judiciaire). Les décisions en l’espèce sont prises par l’autorité administrative et sont en amont de la procédure judiciaire de souscription de la déclaration de nationalité. Un bloc de compétence judiciaire eût été plus clair mais il aurait exigé un vecteur législatif.

Le parallèle avec les procédures d’acquisition de la nationalité par décision de l’autorité publique laisse présumer un contentieux peu volumineux.

Toutefois cette nouvelle charge de travail va incomber aux juridictions nantaises, le TA étant déjà compétent sur certaines décisions du ministre chargé des naturalisations (Article R 312-18 CJA renvoyant à l’article 45 du décret 93-1362 du 30 décembre 1993).  Or cette juridiction est déjà très chargée par le contentieux des visas et les nouvelles décision d’autorisation de voyage Etias. Les moyens devront être à la hauteur de cette augmentation continue.

L’USMA a voté pour ce projet.

Le CSTA a émis un avis favorable.

Examen pour avis d’un projet de dispositions règlementaires relatives au régime contentieux applicable aux décisions relatives aux installations de production d’énergie de sources renouvelables et de dispositions législatives relatives à l’office du juge administratif en matière de contentieux des autorisations environnementales

Ce projet de décret est censé permettre le développement rapide des énergies renouvelables (éolien, énergie photovoltaïque, méthanisation, géothermie, énergie ambiante, énergie marémotrice, houlomotrice et les autres énergies marines, énergie hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et le biogaz) bloqué par les « lourdeurs administratives ».

Sans s’attarder sur le nombre de mesures importantes et le contentieux qui n’a pas été apprécié, l’USMA estime que ces projets de texte constituent un condensé des mesures de circonstance qui font perdre toute lisibilité et tous sens au contentieux administratif en reprenant les « innovations » du contentieux de l’urbanisme (régularisation obligatoire) et en allant plus loin (délais contraints sous peine de dessaisissement).

Le CSTA a été saisi de deux textes. 

  • D’une part, un projet de décret créant un article R. 311-5-1 dans le CJA afin que les TA et les CAA statuent dans un délai de dix mois à peine de dessaisissement concernant 22 types de décisions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable (hors éoliennes). Le délai de recours de deux mois n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif.

Après des compétences de premier ressort attribuées au CE (éoliennes de mer) et aux CAA (éoliennes terrestres), voici un délai sous peine de dessaisissement à l’instar du contentieux électoral ou des PSE.

L’activité de faire appliquer les textes est certes parfois gênante mais elle constitue une garantie essentielle que les intérêts ou les circonstances ne doivent pas conduire à entraver. Étrangement, l’inflation normative est inversement proportionnelle à la régulation que l’on souhaite voire véritablement exercée.

L’USMA, qui ne cesse de répéter que jouer à l’apprenti sorcier juridique en supprimant le double degré de juridiction ou en instaurant des délais indicatifs n’est pas acceptable, ne peut que s’insurger contre la mise en place délai sous peine de dessaisissement. Cette mesure n’est ni utile ni nécessaire et conduira à une désorganisation de la juridiction. Elle constitue un précédent extrêmement inquiétant.

En outre, la suppression de la prorogation de délai par un recours administratif signifie de facto celle du recours lui-même avant saisine du juge. Elle contribuera à dégrader la qualité des décisions administratives et accroîtra le nombre de saisines et d’annulations.

Plus accessoirement, l’USMA a fait deux remarques de légistique.

Comme nous l’avions évoqué pour la création d’un terminal méthanier au Havre, il pourrait être plus approprié de faire des renvois textuels plutôt que de recenser une liste de décisions. Par ailleurs, l’insertion à l’article R 311-5-1, dans un chapitre consacré à la compétence de premier ressort en raison de la matière, pour déroger à la compétence de principe des TA n’est pas cohérente.

Si ce texte devait avoir une place, l’USMA demande que ce soit après suppression du dessaisissement dans le code de l’urbanisme, à l’instar de l’article R 600-6, qui déjà pèse lourdement sur nombre de juridictions.

  • D’autre part un projet de loi modifie l’article L 181-18 du code de l’environnement, relatif à la régularisation en matière d’autorisation environnementale pour le rapprocher de celui des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Là où il est écrit que le juge peut faire une annulation partielle de la procédure (1°) ou surseoir à statuer (2°), la possibilité disparaît au profit d’une injonction. Pour le 2° le refus d’une demande doit désormais être motivé. D’une faculté nous nous retrouvons face à une obligation. L’USMA est opposée à ce mouvement qui consiste à ce que la loi dirige les mesures que le juge administratif peut prendre et que commande le litige. Pour conclure à un impact limité, on nous explique que le juge administratif fait déjà usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 181-18. Pour autant, on estime nécessaire de le contraindre. Peut-être ne régularise-t-il pas dans des hypothèses où cela est inapproprié ?

L’USMA a voté contre les deux projets de texte.

Le CSTA a émis un avis défavorable au projet de décret et un avis favorable au projet de loi.

Examen pour avis d’un projet de décret portant application de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, relatif au Conseil national de la médiation

L’article 45 de la loi 2021-1729 a notamment créé un conseil national de la médiation placé auprès du ministre de la justice. Ce conseil est chargé de : « 

« 1° Rendre des avis dans le domaine de la médiation (…) et proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l’améliorer ; 2° Proposer un recueil de déontologie applicable à la pratique de la médiation ;  3° Proposer des référentiels nationaux de formation des médiateurs et faire toute recommandation sur la formation ; 4° Emettre des propositions sur les conditions d’inscription des médiateurs (…) ».

Le décret soumis à l’avis du CSTA, fixe l’organisation, les moyens et les modalités de fonctionnement de ce conseil. La présidence relève, en alternance, d’un conseiller d’Etat ou d’un conseiller à la cour de cassation, assistés de deux vice-président(e)s issu(e)s pour l’un des associations oeuvrant dans le domaine et pour l’autre désigné par le conseil national des barreaux.

Le conseil national comprend 26 membres nommés pour trois ans, renouvelable une fois, parmi lesquels un « représentant des juridictions de l’ordre administratif » et le référent national médiation de l’ordre administratif. Le conseil constitue une commission permanente composée de six membres.

L’USMA s’interroge sur l’expression de « représentant des juridictions de l’ordre administratif », pourrait-il n’être pas magistrat administratif ? Si l’objectif est d’avoir justement un magistrat administratif, alors il convient de le dire aussi clairement que pour le magistrat de l’ordre judiciaire. L’USMA a donc demandé une modification en ce sens.

Par ailleurs, le projet de présentation indique, de façon surprenante, que la participation des membres des juridictions administratives « n’a pas vocation à avoir d’incidence sur le fonctionnement des juridictions administratives, notamment en termes de charge de travail pour les magistrats membres de ce conseil ».

Sauf à en déduire qu’il s’agira d’un conseil fictif, l’USMA a du mal à voir comment on pourrait prendre de nouvelles missions, au demeurant intéressantes, sans incidence sur notre temps de travail. Au moins quatre réunions annuelles sont prévues par le texte, assurément précédées d’un travail en amont pour préparer les écrits attendus. En outre, un magistrat administratif peut aussi être élu à la commission permanente. Pour l’USMA, cette indication traduit une certaine méconnaissance soit du sérieux et de l’investissement, soit de la charge de travail d’un magistrat administratif.

Le CSTA a proposé de modifier la rédaction pour que soit mentionnés « deux représentants des juridictions administratives » qui pourra inclure le référent. 

Même si nous regrettons l’absence de la terminologie de magistrat administratif, l’USMA a voté en faveur de ce texte, au regard de la solution proposée.

Le CSTA a émis un avis favorable.

Bilan de l’activité contentieuse des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel au 30 juin 2022

Ce bilan porte sur la période du 1er janvier au 30 juin 2022 et est donc, comme l’indique le service, à manier avec prudence

En TA, l’augmentation des entrées sur le premier semestre 2022 porte essentiellement sur les contentieux des étrangers, de l’urbanisme et de l’environnement.

Elle est particulièrement sensible à Nantes (+17,7%), Cergy-Pontoise (+15,2%) et Montreuil (+13,4%).

Le TA de Nantes est la juridiction qui a le stock de dossiers le plus important de toutes les juridictions de première instance. Malgré l’augmentation des entrées, le service a salué les efforts de la juridiction qui est parvenue à maintenir son taux de couverture.

Les entrées à Mayotte progressent de 41% en raison des procédures de référés, comme l’USMA l’avait souligné lors d’un précédent CSTA en demandant un renfort.

Malgré une augmentation des sorties (2,8% données brutes), le stock en TA poursuit sa progression (214 325 affaires, soit +3,4%).

Pour les CAA, la situation est plus saine avec une diminution de 11,1% des affaires enregistrées et une réduction du stock de 3,6 % (29 990 affaires).

Dans les TA, les affaires réglées résultent en premier lieu des audiences à juge unique (35%), devant les collégiales (34,2%) et les ordonnances (30,8%). La part des collégiales baisse tous les ans, elles représentaient 45,8% des sorties en 2014.

En CAA, pratiquement pas de juge unique (1,3%), les sorties se font en collégiale (55%) et par ordonnances (43,6%). Une seule CAA dépasse les 50% d’ordonnances (55,7%), l’USMA s’interroge sur la structure de son contentieux.

Le stock de plus de deux ansrégresse légèrement dans les TA (9,5% cette année contre 9,7% l’an passé) comme dans les CAA (5,1% cette année contre 5,4% l’an passé). Les situations sont très contrastées.

L’USMA note que les magistrats travaillent à un rythme toujours plus soutenu. D’ailleurs ces derniers l’ont exprimé eux-mêmes à travers le baromètre social. Au-delà de l’augmentation constante des entrées depuis 2012 en TA, le questionnaire réalisé par l’USMA, avant l’été, montre que plusieurs paramètres, qui ne se traduisent pas en chiffres, expliquent l’augmentation considérable de la charge de travail. Cela aussi doit être compris et pris en compte dans l’allocation de nos moyens.

Le service rappelle que 48 postes ont été ouverts aux concours cette année et qu’il est vraisemblable qu’il faudra en 2023 procéder à un nouveau recrutement pour pourvoir les postes.

Examen pour avis d’un mouvement de mutation spécifique aux magistrats de la Commission du contentieux du stationnement payant

Selon les orientations 1bis du CSTA : « les magistrats détachés à la CCSP ayant accompli deux années complètes de service au sein de cette juridiction peuvent solliciter leur mutation dans les tribunaux administratifs » et suivront la formation initiale au CFJA.

Le CSTA a été saisi de quatre demandes de mutation de magistrats, actuellement affectés à la CCSP, dans les TA.

Voir CR pour l’avis.

 Situations individuelles

Le CSTA a émis un avis conforme à la désignation des rapporteurs publics suivants :

  • Mme Charlotte BAHAJ (TA Nîmes)
  • M. Marc FREMONT (CAA Versailles)
  • M. Vincent MAZEAU (TA Paris)
  • M. Benoît RINGEVAL (TA Nice)

Retrouvez nos 10 propositions pour le rapporteur public dans le cadre du dialogue social du 8 juillet 2022. 

La désignation d’un nouveau rapporteur public à Nîmes s’explique par le fait qu’il manque un président (parti en mobilité au 1er septembre). Une collègue au grade PC, qui était rapporteure publique, va faire office de présidente dans une chambre qui enregistre de très nombreux référés.

Ce TA, qui a un fort pourcentage de contentieux lourds (notamment urbanisme et environnement) présentait pourtant une situation saine et un stock récent ayant justifié de lui transférer 200 dossiers du TA de Toulouse.  

Il s’est néanmoins trouvé rapidement fragilisé après être resté quelques mois sans chef de juridiction et avec la mutation de deux magistrats alors qu’une collègue seulement arrive du CFJA à mi-norme en novembre prochain. Le stock comme le calendrier des audiences deviennent difficilement gérables dans ce TA de 4 chambres d’autant qu’une partie des effectifs est à temps partiel…

Tout cela pour appeler l’attention sur la situation de ce tribunal et la précarité de nos équilibres lors des mouvements dès lors que nous n’avons pas ou plus de marges.

Voir le CR envoyé pour les autres situations individuelles.

Questions diverses

Le service a présenté un bilan du recrutement pour le cycle de préparation aux fonctions de chefde juridiction dit « vivier » pour 2022.

L’USMA demande depuis l’origine plus de transparence et d’information sur le vivier, qui ne doit pas déposséder le CSTA de ses prérogatives par une pré-sélection en amont des chefs de juridiction « potentiels », qui plus sans aucune information. Nous avons donc salué l’effort particulier de transparence réalisé cette année.

La procédure de sélection a été clarifiée : un examen collégial des 59 candidatures suivi d’une audition de 16 candidats par la présidente de la MIJA assistée des deux secrétaires généraux adjoints du CE et du secrétaire général des TACAA. A l’issue de cette procédure, ce seront 7 présidents P1-P4 (4 hommes et 3 femmes) qui suivront cette formation cette année.

Tous les candidats et candidates ont été informés de la possibilité d’avoir un entretien avec la présidente de la MIJA pour connaître les raisons pour lesquelles ils n’ont pas été retenus. Cette bonne pratique mérite d’être généralisée. Outre une ancienneté suffisante, les candidats retenus affichaient un parcours diversifié ayant occupé avec succès des fonctions de responsabilités (en mobilité ou avant de rejoindre le corps) et ont montré une capacité à se projeter dans les fonctions de chef de juridiction.

Nous avons salué la qualité de cette préparation. Toutefois comme l’USMA l’a déjà indiqué tout l’effort de formation au management ne doit pas être concentré sur ce vivier. Le service a rappelé qu’il n’est pas incontournable d’être passé par le vivier pour devenir chef de juridiction. Nous continuerons à rappeler que cela doit rester une réalité.

Un nouveau cycle devrait être organisé en 2023, les perspectives quant aux postes libérés en 2024 et 2025 paraissant meilleures.