Édito
Chères et chers collègues,
Au menu de ce numéro, bouclé avant les élections européennes, un peu d’actualité normative avec la décision QPC du 28 mai 2024 et le décret du 10 mai 2024 sur certains contentieux agricoles, un entretien avec la nouvelle présidente du syndicat des juridictions financières (SJF), et un évènement historique : la première prestation de serment de magistrates et magistrats nouvellement nommé(e)s, à quelques jours de rejoindre leur TA d’affectation. Nous y étions !
L’USMA tiendra son Assemblée générale le 5 juillet prochain. Adhérentes et adhérents, n’hésitez pas à venir échanger avec nous ! Bonne lecture.
En bref
Contentieux agricole : la multiplication des dérogations procédurales est confirmée
Le décret n°2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux décisions afférentes aux ouvrages hydrauliques agricoles et à certaines installations agricoles a été publié au JORF.
Ce décret instaure de nombreuses dérogations à la procédure contentieuse de droit commun, ce que nous avons dénoncées lors de l’examen du projet de décret en CSTA (voir notre CR du 12 mars 2024) :
- transfert au TA de Paris (au lieu de celui de Strasbourg initialement envisagé) de la compétence en premier et dernier ressort du contentieux individuel des IOTA agricoles nécessitant l’implantation d’un ouvrage hydraulique (du type méga-bassines) dont l’étendue est précisée (nouvel article R. 811-1-3 du CJA) ;
- suppression de l’appel pour le contentieux individuel des ICPE élevage, dont l’étendue est elle aussi précisée (nouvel article R. 811-1-4 du CJA) ;
- obligation pour les tiers de notifier leurs recours administratifs et juridictionnels (nouvel article R. 77-15-1 du CJA) et délai de recours ramené à 2 mois (article R. 181-50 du code de l’environnement modifié) ;
- cristallisation automatique des moyens (article R. 611-7-2 du CJA modifié) ;
- délai contraint de jugement de dix mois (nouvel article R. 77-15-2 du CJA).
Seul point de satisfaction : ce décret ne s’appliquera finalement qu’aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2024. Ainsi, pas de transfert de stocks !
En parallèle, le projet de loi d’orientation agricole a été voté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 mai et aurait dû être examiné par le Sénat à partir du 28 juin. Son article 15 prévoyait d’autres mesures dérogatoires pour le contentieux individuel des IOTA agricoles nécessitant l’implantation d’un ouvrage hydraulique et des ICPE élevage s’inspirant du contentieux de l’environnement et de l’urbanisme (limitation de la portée des annulations, irrecevabilité du référé suspension après l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens, condition d’urgence présumée, etc).
En nuisant à la cohérence et à la lisibilité d’ensemble du contentieux administratif, ces dispositions, loin de constituer une simplification, vont à l’encontre de l’intérêt des justiciables et d’une bonne administration de la justice.
Aide juridictionnelle pour les étrangers en situation irrégulière
Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du 2e alinéa de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique excluant les personnes de nationalité étrangère résidant en France irrégulièrement du bénéfice de l’AJ sous réserve des « situations particulièrement dignes d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès » et des exceptions prévues aux 3e et 4 alinéas du même article. Il a jugé que ces dispositions n’assuraient pas des garanties égales à tous les justiciables et les a censurées comme étant contraires au principe d’égalité devant la justice (décision n° 2024-1091/1092/1993 QPC du 28 mai 2024).
Les effets de cette décision sont applicables à toutes les affaires non jugées définitivement au 28 mai 2024.
Interview d’Audrey Cavaillier, présidente du Syndicat des juridictions financières (SJF)
Audrey Cavaillier a été élue présidente du SJF le 5 mars 2024. L’USMA a saisi cette occasion pour poursuivre ses échanges avec le SJF sur les sujets d’intérêts communs entre nos deux corps et les enjeux propres aux juridictions financières : effets de la réforme de la haute fonction publique, port de la robe, dialogue avec la Cour des comptes, etc.
Retrouvez l’intégralité de l’interview ici.
Assemblée générale de l’USMA le 5 juillet
L’USMA tiendra une assemblée générale le 5 juillet 2024. Vous pouvez encore nous rejoindre pour échanger et préserver le sens de notre métier !
Première prestation de serment de magistrats administratifs nouvellement nommés
« Emouvant », « joyeux », « solennel », « marquant dans une vie ».
C’est avec beaucoup de fierté que les magistrates et les magistrats nommé(e)s le 1er janvier 2024 ont prêté serment « de remplir leurs fonctions en toute indépendance, probité et impartialité, de garder le secret des délibérations et de se conduire en tout avec honneur et dignité » ce mercredi 5 juin devant le Vice-président du Conseil d’Etat, avant de rejoindre leur juridiction d’affectation le 1er juillet.
Les membres du CSTA ont été conviés par M. Didier-Roland Tabuteau à assister à ce moment historique en salle d’Assemblée générale. Et c’est avec beaucoup de fierté également que les élus USMA ont vécu cette cérémonie, aboutissement d’un long travail de conviction porté, longtemps en solitaire, depuis la création de notre syndicat en 1986.
Revêtir symboliquement les habits de juge …
« Nous sommes désormais de vrais magistrats. Avant la signature du premier jugement, le serment symbolise désormais l’entrée en fonction ».
Pour beaucoup de jeunes lauréats du concours externe, prêter serment marque la fin des études et le début de la vie professionnelle. « Il symbolise surtout le caractère très particulier des fonctions juridictionnelles » relève A., rejointe par une collègue qui note que la cérémonie et le discours du VP ont permis de « prendre conscience de l’engagement » qui est fait, publiquement, de respecter les principes du serment. « La fierté de rejoindre ce corps et de s’y sentir accueillie » se mesure dans les propos de la jeune femme. P. a lui ressenti « le poids des responsabilités et l’exigence des devoirs, gages de la qualité du service public rendu ». « La présence des proches, qui sont également de potentiels justiciables, renforce dans une certaine mesure cette responsabilité », indique-t-il. Sa collègue note aussi que le caractère public du serment des juges administratifs est « important pour la société ».
La diversité des origines professionnelles est une richesse pour notre corps. Nos nouveaux collègues qui ont eu précédemment une vie administrative témoignent eux aussi de la solennité du moment. « J’ai vraiment eu l’impression de quitter mes anciens habits de fonctionnaire pour incarner les fonctions de juge » rapporte S., issu du concours interne, qui précise que, selon lui, « aucun autre moment dans la formation initiale ne permet de mesurer avec autant d’intensité la spécificité des missions juridictionnelles par rapport à toute autre mission, y compris de service public ». B, venue du tour extérieur, relève également que « le serment est important car il nous met sur un pied d’égalité avec les autres ordres juridictionnels ».
… à défaut de porter la robe, pour le moment !
Égalité. Pas tout à fait, sans reconnaissance explicite de la juridiction administrative et du statut des magistrats administratifs dans la Constitution, ni robe… « Espérons qu’un jour la prestation de serment se fera en robe » relève C., en détachement.
L’USMA ne peut que partager cette aspiration et poursuit son travail de conviction.
Agenda de l’USMA
4 juin |
CSTA |
6 juin |
Protocole Egalité (synthèse et présentation du projet de protocole) |
18 juin |
CSSCT |
19 juin |
Audition sénatoriale (mission d’information « IA et métiers du droit ») |
26 juin |
Réunion trimestrielle de dialogue social (plan d’action charge de travail) |