Rappelez les résultats de l’USMA aux dernières élections professionnelles auxquelles elle a pris part
Les élections des représentants au conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) se sont déroulées du 15 au 22 juin 2023. Les magistrats administratifs ont voté pour la première fois sous la forme d’un scrutin électronique, ce qui n’a pas empêché un très fort taux de participation (75,35% de votants) de nature à conforter la légitimité des représentants élus et plus généralement des organisations syndicales.
L’USMA a obtenu un résultat de 49,28%, jamais égalé depuis sa création, et poursuit son ascension.
L’USMA dispose ainsi de 2 sièges au CSTACAA.
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L’USMA a tout d’abord poursuivi ses actions en faveur d’une magistrature administrative de carrière et de la consolidation du statut des magistrats administratifs. L’USMA est convaincue que les magistrats administratifs, garants de l’État de droit, ne peuvent être assimilés à des administrateurs exerçant des fonctions juridictionnelles.
A ce titre, une étape décisive a été franchie avec la consécration de la prestation de serment à l’article L. 12 du code de justice administrative (CJA) aux termes duquel :
« Avant d’entrer en fonctions, les membres du Conseil d’Etat et les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel prêtent serment publiquement, devant le vice-président du Conseil d’Etat ou son représentant, de remplir leurs fonctions en toute indépendance, probité et impartialité, de garder le secret des délibérations et de se conduire en tout avec honneur et dignité. / Ils ne peuvent être relevés de leur serment. »
Les magistrats nommés au 1er janvier 2024 ont prêté serment au Conseil d’État le mercredi 5 juin 2024 devant le vice-président du Conseil d’État, avant de rejoindre leur juridiction d’affectation le 1er juillet. Nombreux sont les magistrats nommés antérieurement qui ont fait la demande, comme le permet la loi, d’être appelés à prêter le serment prévu à l’article L. 12 du CJA.
D’autres étapes restent encore à franchir, comme une véritable constitutionnalisation de la juridiction administrative, le port de la robe, ou encore la création d’un corps unique de magistrats administratifs, de la première instance à la cassation.
Nous avons également œuvré pour l’attractivité du corps des magistrats administratifs, en demandant la suppression ou, à défaut, l’assouplissement de l’obligation de double mobilité, et en sollicitant l’alignement de notre régime indemnitaire sur celui des administrateurs de l’État.
L’USMA a en outre été particulièrement mobilisée sur les suites de la réforme statutaire du corps des magistrats administratifs, notamment s’agissant de l’avancement au grade de premier conseiller.
L’USMA a participé à divers cycles de négociations visant à améliorer les conditions de travail de l’ensemble des membres de la juridiction administrative :
- le deuxième protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes au sein de la juridiction administrative, signé le 6 juillet 2024, est le fruit de quatre réunions de groupe de travail, au cours desquelles l’USMA a notamment insisté sur les inégalités engendrées par l’obligation de double mobilité issue de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État ;
- l’accord collectif instituant un régime de protection sociale complémentaire au sein de la juridiction administrative, signé le 3 avril 2024, constitue quant à lui une avancée sociale intéressante pour les membres de la juridiction administrative.
L’USMA a déposé, conjointement avec le syndicat de la juridiction administrative (SJA), un préavis de grève le lundi 18 décembre 2023 contre certaines dispositions du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatives au contentieux administratif des étrangers.
Après la publication de la loi, l’USMA a été très attentive à sa mise en œuvre et a notamment sollicité un rendez-vous en mars 2024 avec le directeur général des étrangers en France en vue de l’élaboration du décret d’application.
L’USMA s’est également positionnée à plusieurs reprises contre les attaques dirigées vers la juridiction administrative et, plus généralement, contre les remises en causes de l’État de droit (voir par ex. l’USMag’ de janvier 2024 : « Juger n’est pas une opinion » ; ou encore l’USMag’ de février 2024 : « Mises en cause personnelles des magistrats administratifs et attaques institutionnelles » ; et tout récemment l’USMag’ d’octobre 2024).
L’USMA s’est mobilisée contre une charge de travail devenue déraisonnable, et a été force de proposition pour que des solutions concrètes soient trouvées rapidement.
Dans les suites du rapport du groupe de travail sur la charge de travail des magistrats administratifs remis au vice-président du Conseil d’État le 3 juillet 2023, l’USMA a appelé de ses vœux, lors de la réunion du CSTACAA de septembre 2023, un plan d’actions destiné à mettre en œuvre les préconisations de ce rapport. A l’occasion de la présentation du projet de plan d’actions sur la charge de travail aux organisations sociales de magistrats administratifs, l’USMA a fait un certain nombre d’observations. Nous attendons le déploiement de ce plan.
Nous avons également formulé plusieurs demandes relatives aux jours de récupération de temps de travail (RTT) dans la perspective d’une mise à jour de la circulaire du 27 février 2013 relative à la mise en œuvre du compte épargne temps dans le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.
Tout récemment, l’USMA a mis à jour son Livre Blanc qui retrace ses grandes orientations et les actions menées sur le terrain.
Quelles sont aujourd’hui les principales revendications de l’USMA et, si elles ne se confondent pas, vos priorités pour 2025 ?
L’USMA continue de porter ses revendications historiques visant à consolider le statut des magistrats administratifs :
- inscrire expressément l’existence de l’ordre juridictionnel administratif dans le texte de Constitution : seule cette constitutionnalisation permet de garantir l’existence et l’indépendance de la juridiction administrative, avec une loi organique régissant le statut des magistrats administratifs et les plaçant à l’abri de réformes relatives à la haute fonction publique, au gré des alternances politiques ;
- doter les magistrats administratifs des attributs attachés à la fonction de juger : si le symbole du serment est enfin devenu une réalité, le port de la robe pour l’ensemble de la juridiction administrative et, en cas de blocage injustifié du Conseil d’État, pour les seuls magistrats administratifs, n’a pas encore connu les mêmes avancées que celles des autres attributs de la justice auxquels notre syndicat est attaché ;
- inscrire explicitement le principe d’inamovibilité des magistrats administratifs sein de l’article L. 231-3 du CJA ;
- créer un corps unique de magistrats administratifs, de la première instance à la cassation, géré par un Conseil supérieur de la magistrature administrative composé paritairement : à ce titre, en 2022, quelques ouvertures ont été obtenues (accès aux fonctions de juge de cassation par la voie du détachement comme maître des requêtes en service extraordinaire ; élargissement de l’accès au Conseil d’État par la voie du tour extérieur, désormais ouvert chaque année à « au moins deux » membres du corps des magistrats administratifs, au lieu du plafond fixé précédemment), mais il reste un immense chemin à parcourir ;
- renommer le vice-président du Conseil d’État « président du Conseil d’État », en mettant fin à la possibilité que l’Assemblée générale du Conseil d’État soit présidée par le Premier ministre ou le garde des Sceaux (modification de l’article L. 121-1 du CJA), donner toute sa place à la Commission supérieure du Conseil d’État (CSE) et au CSTACAA dans le processus de nomination du président du Conseil d’État, dans l’attente de la fusion de ces deux instances, et élargir le vivier de personnes pouvant accéder à cette fonction aux présidents de tribunaux administratifs relevant de la 2nd liste d’aptitude (modification de l’article L. 133-1 du CJA).
Par ailleurs, deux priorités se dégagent pour 2025 :
1°) Poursuivre notre action en faveur d’une rémunération à la hauteur de nos responsabilités et de nature à garantir notre indépendance, l’attractivité du corps et la qualité de la justice administrative.
En 2023, l’USMA a été pleinement mobilisée sur le sujet de la réforme indiciaire, afin notamment d’éviter un « décrochage » par rapport au corps des administrateurs de l’État, qui serait préjudiciable à la justice administrative à l’heure de l’obligation de double mobilité, que l’USMA a d’ailleurs fortement contestée.
Les nouvelles grilles indiciaires des magistrats administratifs, entrées en vigueur le 1er juillet 2023 et mises en œuvre au mois d’octobre 2023, avec un rappel au 1er juillet, constituent le premier temps de la revalorisation nécessaire et attendue du corps des magistrats administratifs.
Nous sommes actuellement engagés dans des discussions pour la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs, et l’aboutissement de ces négociations sera l’une de nos priorités pour 2025. Les montants d’IFSE versés aux 1er et 2ème grades des administrateurs de l’État restent très sensiblement supérieurs aux montants de la part fonctionnelle de l’indemnité de fonction des conseillers et premiers conseillers des TACAA. Afin d’éviter tout décrochage avec la rémunération des administrateurs de l’État, de maintenir l’attractivité de nos fonctions et compte tenu des responsabilités qui sont les nôtres, nous revendiquons une revalorisation de notre régime indemnitaire. Il en va de l’attractivité de notre corps et de la reconnaissance de la technicité et de l’expertise des fonctions de magistrats administratifs, ainsi que des sujétions particulières qui nous sont propres. Pour l’USMA cette revalorisation doit concerner tous les grades, sans remise en cause de l’équilibre actuel 75%/25% entre la part fonctionnelle et la part individuelle du régime indemnitaire.
2°) Rétablir une charge de travail soutenable.
Lors de nos visites de juridictions ou au cours de nos échanges avec nos collègues, nous mesurons à quel point le sujet de la charge de travail est au cœur des préoccupations des magistrats administratifs. Ces derniers aiment profondément leur métier, mais nous font part de leur fatigue, de la perte de sens, mais aussi de congés non pris, de jours RTT posés pour rattraper un retard. Nous constatons aussi la hausse des arrêts maladie, la sous-utilisation du droit à formation. Les missions non contentieuses (présidence de commissions administratives, fonctions de référent au sein de la juridiction, missions transversales, activités de rayonnement de la juridiction administrative, etc) pèsent, non par manque d’intérêt, mais parce qu’elles ne sont pas prises en compte dans l’évaluation de la charge de travail et la détermination des objectifs.
L’USMA a appelé à un plan d’actions ambitieux sur la charge de travail, à mener à court, moyen et long termes, en insistant sur l’importance qu’il ne se réduise pas à la question de l’abandon ou non de la « norme », mais opère un véritable changement de paradigme par des leviers managériaux et organisationnels, mais aussi par des leviers de gestion des effectifs et de maîtrise des textes et écritures des parties. Beaucoup d’espoirs sont placés dans les solutions qui seront mises en place. Des résultats concrets pour retrouver une charge de travail soutenable, au service d’une justice administrative de qualité, sont attendus. C’est aussi l’attractivité du métier qui est en jeu.
Le secrétariat général du Conseil d’État a présenté en janvier 2024 aux organisations syndicales un premier projet de plan d’actions sur la charge de travail, qui a fait l’objet de nouvelles discussions lors de la réunion de dialogue social du 10 juillet 2024. L’USMA a fait un certain nombre d’observations, et nous attendons aujourd’hui le déploiement de ce plan.
Certaines revendications majeures du syndicat ont-elles été récemment satisfaites ?
La prestation de serment, qui constitue une revendication historique de l’USMA, a été instaurée par loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Elle est obligatoire pour les membres du Conseil d’État et les magistrats administratifs nommés à compter du 1er janvier 2024. Les membres de la juridiction administrative nommés antérieurement peuvent, sur leur demande, être appelés à prêter serment.
Par ailleurs, l’élaboration d’un projet de plan d’actions sur la charge de travail, que l’USMA a appelé de ses vœux lors du CSTACAA du 12 septembre 2023, constitue une autre source de satisfaction. Le projet qui nous a été présenté acte la volonté du secrétariat général du Conseil d’État d’opérer un véritable changement de paradigme dans l’appréhension de la charge de travail des magistrats administratifs, qui s’est considérablement alourdie et diversifiée ces dernières années. Nous avons formulé un certain nombre d’observations pour que ce plan d’actions produise des effets concrets et bénéfiques sur la qualité de vie et des conditions de travail des magistrats administratifs, et, par ricochet, sur la qualité du service public de la justice administrative. Le déploiement de ce plan d’actions et son appropriation par les chefs de juridiction et les présidents de chambre seront un véritable enjeu pour 2025.
Face à l’augmentation de l’activité contentieuse de la juridiction administrative, les moyens à sa disposition vous paraissent-ils suffisants ? Des travaux ont récemment été menés pour évaluer la charge de travail des magistrats de l’ordre judiciaire. Demandez- vous à ce que de tels travaux soient également menés pour les magistrats administratifs ? Avez-vous déjà procédé à des estimations de votre côté ?
Entre 2019 et 2023, les entrées dans les TA ont progressé de plus de 10% (231 280 en 2019, contre 257 329 en 2023) et les sorties de près de 8% (223 229 en 2019, contre 243 089 en 2023). Dans le même temps, en dépit de recrutements visant notamment à compenser les vagues de départ en mobilité consécutives à la réforme de la haute fonction publique, les effectifs de magistrats n’ont pas progressé dans les mêmes proportions.
Le volume contentieux augmente et change de physionomie. En 2023, le droit des étrangers représentait 43,3% des affaires enregistrées devant les TA, dont la majeure partie relève du contentieux de l’éloignement soumis à des délais de jugement contraints, et 56,8% des affaires devant les CAA. Devant les TA, ce sont également les référés qui explosent avec une progression de plus de 29% entre 2019 et 2023 (35 076 référés enregistrés en 2019, contre 49 716 en 2023).
Les « dossiers matières » changent eux aussi. Devant les TA submergés par ces flux d’affaires à juger rapidement, les dossiers en stock ont bondi de 19% entre 2019 et 2023 (173 792 en 2019, contre 214 292 en 2023). Le stock gonfle et vieillit. La barre des 10% de dossiers de plus de deux ans a été dépassée en 2022, ce qui n’avait pas été observé depuis 2014. Et ce stock se durcit, tandis que le volume des écritures et des productions des parties augmente de manière inversement proportionnelle à leur qualité. A cela s’ajoute la multiplication des délais de jugement contraints (notamment dans les contentieux des étrangers, de l’urbanisme et de l’environnement), qui provoque un effet d’éviction sur les autres dossiers en stock.
Dans le même temps, le droit s’est complexifié et l’office du juge enrichi. Outre le temps passé à la préparation du jugement, c’est celui consacré à la gestion du stock et à l’instruction qui s’allonge nécessairement.
Dans ce contexte, et alors que les missions non contentieuses confiées aux magistrats administratifs sont de plus en plus variées et chronophages, la charge de travail de ces derniers est devenue déraisonnable, comme l’a révélé le grand questionnaire de l’USMA sur la charge de travail réalisé en 2022 :
- 17% des magistrats déclarent prendre leurs 37 jours de repos, 11% prennent entre 33 et 37 jours, 25% prennent entre 25 et 32 jours, 38% prennent entre 16 et 25 jours et 9% prennent moins de 15 jours ;
- 86% des magistrats déclarent travailler même très partiellement pendant leurs congés (consultation de courriels par exemple).
Les résultats du baromètre social 2023 confirment l’absence d’amélioration sur le plan du rythme de travail :
- 63% des personnes interrogées estiment leur charge de travail incompatible avec leur temps de travail ;
- plus de 60% ne sont pas satisfaites de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ;
- 2/3 des collègues en temps partiel jugent leur rythme de travail inadapté ;
- 33% se déclarent « souvent » ou « très régulièrement » stressés ;
- 2/3 des magistrats ont déjà renoncé à une formation, à 90 % en raison d’une charge de travail trop lourde.
En outre, les départs en mobilité, en hausse depuis l’instauration de l’obligation de double mobilité, déstabilisent l’organisation et le fonctionnement des juridictions, et sont à l’origine de ruptures de rythme qui perturbent le travail des magistrats administratifs.
Cet état des lieux alarmant doit conduire à prendre des mesures pour que les magistrats administratifs retrouve une charge de travail soutenable et respectueuse de leurs droits au repos et à la formation, qui constituent des garanties du bien-être au travail et de la qualité de la justice rendue.
Selon l’USMA, l’heure n’est plus au constat, qui est désormais unanimement partagé, mais aux actes pour remédier à une charge de travail devenue déraisonnable et qui compromet la santé au travail des magistrats administratifs et, in fine, la qualité du service public de la justice administrative.
Un premier levier concerne les effectifs. L’USMA ne peut que réitérer les demandes qu’elle porte depuis plusieurs années :
- une augmentation des effectifs de magistrats et d’aide à la décision : à ce jour, nous ne disposons malheureusement pas du budget du programme 165 pour 2025, mais nous attendons bien évidemment que soit pérennisée la création de 40 emplois en 2025, 2026 et 2027, dont chaque année 25 magistrats et 15 agents de greffe, projetée dans le projet annuel de performance annexé au PLF 2023 ;
- la création de postes de premiers vice-présidents dans les juridictions de cinq
chambres et plus, puis dans toutes les juridictions ; - la création de postes de vice-présidents supplémentaires ;
- la dissociation entre le grade et la fonction de président, avec la création de postes de présidents en charge des référés, pour tirer enfin les conséquences du succès de la mise en place des procédures d’urgence, dans toutes les juridictions où le volume d’activité le nécessite ;
- la création de postes de responsables de pôles d’aide à la décision, lorsque leur ampleur le justifie ;
- le retour généralisé à des formations de jugement à deux rapporteurs en TA et trois rapporteurs en CAA, ce qui entraînera de facto la création de chambres, et donc de postes de président pour en assurer l’encadrement.
Cette réflexion sur les effectifs ne doit faire oublier les autres leviers qui sont résumés dans la contribution rédigée par l’USMA pour la réunion de dialogue social du 30 avril 2024 dont le thème principal était consacré au « Bien-être au travail : charge de travail et droit au repos ».
Quelles conséquences la réforme de la haute fonction publique a-t-elle eu pour le corps des magistrats administratifs ? En particulier, il nous a été rapporté que la rémunération des magistrats administratifs avait décroché vis-à-vis de celle des administrateurs de l’État, en raison d’un non-alignement du régime indemnitaire. Déplorez-vous également cela ?
L’USMA n’a cessé d’alerter sur les conséquences prévisibles de l’obligation d’effectuer deux mobilités statutaires en dehors des juridictions administratives, non seulement sur le fonctionnement et la stabilité des juridictions administratives, mais aussi sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
En 2023, 300 magistrats se trouvaient à l’extérieur du corps, soit 20,14% de l’effectif (contre 19,82% à la fin de l’année 2022, 16,82% en 2021 et 15,8% fin 2020), dont 253 dans le cadre d’un détachement. L’augmentation du nombre de magistrats en détachement s’explique principalement par la réforme de la haute fonction publique qui a créé un appel d’air auprès des magistrats, alors même que seuls les magistrats recrutés après le 1er janvier 2023 sont concernés par l’obligation de double mobilité.
Les départs nombreux en mobilité, qui surviennent souvent en cours d’année, génèrent une véritable désorganisation des juridictions, ainsi que nous l’avons déjà indiqué l’année passée :
- déficit mathématique : des postes sont vacants en cours d’année et le restent souvent jusqu’à la prochaine rentrée judiciaire, et ces départs en cours d’année obligent les collègues à compléter les formations de jugement qui deviennent incomplètes en cours d’année, alourdit leur charge de travail, complique la répartition des stocks et des matières et la tenue des permanences ;
- déficit technique : il y a davantage de débutants dans les juridictions.
L’instabilité des effectifs, particulièrement marquée dans les TA d’Île-de-France et proches de l’Île-de-France en transports, compromet la qualité du service public de la justice administrative. Comme le relève le rapport sur la charge de travail évoqué précédemment, l’hypothèse d’une compensation à terme de ces départs avec le retour régulier de magistrats arrivant en fin de détachement est très incertaine, car les réintégrations, lorsqu’elles se réalisent, ne s’effectuent pas nécessairement dans les juridictions déficitaires.
Nous craignons que le nombre de magistrats à l’extérieur du corps continue d’augmenter, et que la différence de rémunération entre le corps des magistrats administratifs et celui des administrateurs de l’État décourage leur retour en juridiction. La revalorisation indiciaire des magistrats administratifs devrait permettre d’éviter que s’accentue et se pérennise le phénomène de désaffectation des postes offerts dans la juridiction administrative, à la condition qu’elle s’accompagne d’une revalorisation indemnitaire suffisamment conséquente pour ne pas perdre en attractivité par rapport au corps des administrateurs de l’État en alignant notre régime indemnitaire sur celui des administrateurs de l’État.
Il est, en outre, très difficile pour les magistrats administratifs, et surtout les magistrates, affectés en région de trouver des postes en mobilité sans que leur vie privée et familiale n’en pâtisse. En effet, 60 % des détachements s’opèrent en Île-de-France, une offre de mobilité sur deux étant située en Île-de-France. Si des efforts sont menés par le département « recrutements et accompagnement des parcours » du Conseil d’État afin de trouver des postes de mobilité en région et d’accompagner les magistrats, force est de constater que la répartition géographique des postes de mobilité n’est pas en adéquation avec la démographie du corps. Cette situation risque d’entraîner des ruptures d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment dans l’accès au grade de président, comme nous l’avons relevé à de nombreuses reprises à l’occasion des négociations du deuxième protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes au sein de la juridiction administrative.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’USMA a demandé :
- l’achèvement de l’alignement de la rémunération des magistrats administratifs sur celle des administrateurs de l’État, en revalorisant leur régime indemnitaire ;
- la suppression de l’obligation de double mobilité et la restauration de la mobilité en CAA, ou, à défaut, une conception moins restrictive de la notion de mobilité, afin que l’une des deux mobilités exigées puisse être de nature géographique (mutation dans un autre TA) ou se faire au sein d’un autre degré de juridiction ;
- l’anticipation de la désorganisation par un recrutement plus important.
Lors de son audition, le Syndicat de la justice administrative a regretté la multiplication des délais contraints pour rendre une décision. Est-ce également votre cas ?
L’USMA considère que le fort accroissement du nombre de procédures à délai contraint est la cause de multiples difficultés pour les juridictions. Ces procédures spéciales sont sources de complexité et entraînent un effet d’éviction des autres contentieux, sans que leur nécessité soit toujours manifeste.
Pour aborder l’ensemble de ces enjeux et comprendre notre position, il convient de replacer la question dans le contexte plus général des différents contentieux administratifs, et de l’organisation des juridictions que leur traitement nécessite.
Le contentieux administratif est structuré autour du contentieux général (i), des référés (ii) et des contentieux à délai contraint (iii).
Il convient tout d’abord de souligner que des délais pèsent toujours, d’une manière ou d’une autre, sur tous les contentieux et toutes les formations de jugement, mais à des degrés différents.
(i) En contentieux général, sans pour autant être enserré dans un délai contraint, le juge doit statuer dans un « délai raisonnable ». Il s’agit d’une composante du droit à un recours effectif et à un procès équitable (article 6-1 CEDH). La méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement est certes sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle rendue, mais elle caractérise un fonctionnement défectueux du service public de la justice. Elle est de nature à engager la responsabilité de l’Etat (CE, 28 juin 2002, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ Magiera, n° 239575 -A).
Par ailleurs, toujours s’agissant du contentieux général, au-delà de cette contrainte juridique du « délai raisonnable », les juridictions se voient régulièrement rappeler par le gestionnaire l’objectif de réduction du nombre d’affaires en stock enregistrées depuis plus de deux ans, en écho à l’un des critères de la LOLF, examiné à l’occasion de chaque PLF. Ce délai de jugement devient un point de repère pour caractériser un seuil critique de délai de jugement. En ce sens, il s’agit en quelque sorte d’un « délai contraint »… mais au sens budgétaire et gestionnaire.
(ii) La première exception aux règles du contentieux général concerne le contentieux de l’urgence. Les référés ont connu une réforme décisive par la loi du 30 juin 2000, qui a profondément modifié la place du juge administratif dans la société. Efficaces et rapides, ces procédures sont plébiscitées pour obtenir la suspension de décisions administratives, ou mettre fin à une « atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté fondamentale. Il convient ici de relever que ces procédures de référés, pourtant justifiées par l’urgence, ne sont enserrés par aucun délai textuel, hormis le référé-liberté (délai de 48h : article L. 521-2 CJA). C’est surtout l’urgence qui impose la célérité au juge et aux parties.
Les juridictions doivent s’organiser ainsi pour gérer ce contentieux (permanences, chambres ou cellules dédiées aux urgences), ce qui implique un temps de travail spécifique de la part des magistrats et des greffiers, du matériel, des salles d’audience… tout un ensemble de moyens dédiés aux référés, et qui ne le sont donc plus au contentieux général.
Cet « effet d’éviction » peut engendrer, dans certaines situations, des difficultés structurelles très importantes. Entre 2020 et 2022, alors que les préfectures mettaient en place un système dématérialisé d’enregistrement des demandes de délivrance et de renouvellement des titres de séjour, d’importants dysfonctionnements dans les préfectures ont empêché les personnes étrangères d’obtenir des rendez-vous pour le traitement de leur situation au regard du droit au séjour. S’en est suivie une véritable « explosion » des requêtes en RMU (référés mesures utiles), principalement dans les juridictions franciliennes, qui, pour certaines (pour prendre l’exemple du TA de Montreuil), ont ainsi connu une hausse de 300% pour ce type de contentieux bien particulier (+1 600 requêtes de ce type entre 2020 et 2021). Or, le traitement de cette hyperinflation a été faite à effectifs constants… et a principalement été assumée par les présidents, au prix d’une déprise inévitable sur leurs autres nombreuses fonctions, notamment l’animation et la révision en collégiale.
(iii) Entre l’urgence et le délai raisonnable se tient cette catégorie hybride des « délais spéciaux » ou « délais contraints », qui existent dans des matières désormais nombreuses et dont l’organisation est hétérogène.
Longtemps, le délai contraint a été une caractéristique du contentieux électoral, mais son usage s’est étendu et concerne désormais de multiples matières : commission administratives paritaires, contentieux du licenciement collectif pour motif économique, contravention de grande voirie, démission d’office d’élus territoriaux, DALO, permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements, permis d’aménager un lotissement, droit des étrangers, MICAS, exécution des jugements, installations et ouvrages de production d’énergie renouvelable (hors énergie éolienne), référendum local, stationnement des résidences mobiles des gens du voyage, multiples procédures existant en droit fiscal…
L’instauration de ces règles contentieuses spécifiques n’est pas motivée par l’urgence stricto sensu. Pourtant les textes incitent, voire contraignent le juge à statuer dans le cadre d’un délai prédéfini qui peut être extrêmement court, proche des procédures d’urgence (cf. OQTF 96h) ou qui peut être plus long (10 mois pour les permis de construire de plus de 2 logements, ou encore 1 an pour les contraventions de grande voirie).
Par ailleurs, le non-respect du délai fixé est parfois sanctionné par les textes (dessaisissement de la juridiction, prescription de l’action publique), parfois (le plus souvent) non.
Ces contentieux se voient imposer à la fois des délais de saisine spécifiques, des délais de jugement particuliers, différents selon les contentieux concernés, et dont le non-respect est, ou non, sanctionné par le dessaisissement de la juridiction ou la prescription de l’action.
Les problèmes et difficultés liés à ces « délais contraints »
Tout d’abord, la légitimité de la procédure des référés (et des contraintes organisationnelles qu’elle impose aux juridictions) tient à l’urgence, qui leur est corrélé. Mais en contrepartie, le jugement rendu est normalement un jugement « provisoire » (à l’exception du référé liberté), dans l’attente d’un jugement au fond.
Rien de tel dans les contentieux à délais contraints : l’urgence n’est pas invoquée, mais il est malgré tout exigé du juge administratif qu’il juge vite, au fond, par des jugements revêtus de l’autorité de la chose jugée.
La nécessité d’une telle contrainte n’est pas toujours évidente à identifier. Certains litiges se voient ainsi enserrés par le législateur dans des délais contraints, alors que d’autres ne le sont pas, bien qu’ils emportent parfois de très forts enjeux, justifiant d’ailleurs que, spontanément, les juridictions les priorisent (par exemple, certains dossiers sensibles au regard de leur contenu, ou encore les plus lourdes sanctions disciplinaires). A cet égard, la forte augmentation du nombre de dossiers à délai contrait limite fortement la marge de manœuvre des juges dans la priorisation des affaires dont ils estiment qu’elles doivent être jugées rapidement.
En outre, la multiplicité des matières, des sous-catégories contentieuses concernées, et la multiplicité des délais de jugement, couplés à des délais de saisine différents, les rendent peu lisibles. Elles emportent des difficultés de gestion pour les juridictions (identification des dossiers, gestion d’une instruction spécifique, priorisation, allocation de ressources dédiés…), alors que les délais de saisine et d’instruction ne laissent pas forcément toujours aux parties le temps suffisant pour développer un argumentaire satisfaisant.
L’effet d’éviction induit par les « délais contraints » est donc manifeste. Ces procédures imposent en effet un traitement prioritaire de certains dossiers, au détriment des autres dossiers, des autres matières, alors même que le juge est parfois mieux à même d’identifier les dossiers qui nécessiteraient un traitement prioritaire. Cet inconvénient s’accroît dans un contexte où le stock des dossiers de plus de 24 mois tend à augmenter régulièrement (en particulier en TA avec +23,8% de hausse de la part de ces affaires en 2023 par rapport à 2022).
Un décret a récemment réformé la commission du contentieux du stationnement payant, devenue tribunal du stationnement payant. Êtes-vous satisfaits des évolutions apportées ?
Les changements apportés par le décret n° 2024-733 du 5 juillet 2024 sont sans mesure avec ceux envisagés par une récente proposition de loi adoptée par l’AN et transmise au sénat en décembre 2023.
Cependant, une modification, d’une forte portée symbolique, a tout de même été apportée, concernant le nom de cette juridiction administrative spécialisée, dont la gestion relève désormais pleinement du Conseil d’État (depuis le 1er janvier 2024). La nouvelle dénomination « tribunal du stationnement payant », qui entre en vigueur le 1er janvier 2005, était appelée de ses vœux par l’USMA (cf. notre audition en 2023). Elle permet de mieux exprimer et de mieux manifester la fonction juridictionnelle de cette juridiction administrative spécialisée auprès du justiciable.
En revanche, les ajustements apportés à la procédure contentieuse, certes utiles dans le cadre d’un contentieux de masse, sont d’une portée limitée :
- précision sur les pouvoirs du juge lorsqu’il statue par une décision unique sur plusieurs requêtes mettant en présence des parties identiques et donnant à juger une question similaire ;
- possibilité pour le juge de fonder sa décision sur une pièce produite dans un seul des dossiers joints dès lors qu’il a préalablement soumis au débat contradictoire cette production dans chacune des instances visées ;
- possibilité pour le juge de fonder sa décision sur un moyen relevé d’office dont les parties ont été informées dans une seule des instances jointes dès lors que cette information précise l’ensemble des instances concernées ;
- la demande d’exécution d’une décision du tribunal ne peut être présentée qu’après l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle dont l’exécution est poursuivie ;
- l’astreinte est considérée comme provisoire à moins que le TSP ait précisé son caractère définitif.
Surtout, ces ajustements procéduraux ne devraient pas être en mesure de résoudre les difficultés structurelles de cette juridiction, que M. le député Labaronne connaît bien, et qui était manifestement l’un des objectifs de sa proposition de loi n° 736, relative au contentieux du stationnement payant, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023.
A l’origine, la CCSP avait été dimensionnée pour traiter 100 000 requêtes par an, mais cette barre a été franchie dès 2019. Près de 160 000 dossiers ont été enregistrés en 2021, 161 701 en 2022 et 164 134 en 2023. Dans le même temps, 86 193 affaires ont été jugées en 2021, 110 866 en 2022 et 130 686 en 2022.
Nous savons que la CCSP a déjà fait d’importants efforts de productivité, et a bénéficié de créations de postes en 2022. Pour autant, la CCSP n’est pas parvenue à faire diminuer le stock de dossiers en cours. Le délai de traitement moyen est désormais d’environ deux ans, pour des enjeux financiers d’une portée très limitée (environ 30 euros pour les forfaits de post-stationnement (FPS) et 50 euros pour les forfaits de post-stationnement majorés (FPSM)).
La situation de cette juridiction apparaît donc préoccupante, et nous ne pouvons que rappeler la nécessité de lui allouer les effectifs nécessaires pour mener à bien sa mission.
Quel regard portez-vous sur la création de chambres territoriales au sein de la CNDA ? Quelle améliorations ou difficultés ce nouveau fonctionnement pourrait engendrer ?
La création des cours régionales du droit d’asile constituait l’une des deux principales mesures de la dernière loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, de 2023, avec celle prévoyant l’extension du recours au juge unique.
Avant la loi asile-immigration, l’USMA avait demandé la création d’antennes déconcentrées de la CNDA en régions. Il nous semblait que cette nouvelle organisation pouvait permettre de rapprocher le justiciable et le juge de l’asile, et de diversifier le « vivier » des membres de formations de jugement (présidents vacataires, assesseurs CE et HCR, agents de la cour) et des auxiliaires de justice (avocats, interprètes). Elle constituait également une solution préférable à la généralisation du recours aux visio-audiences (qui avaient été expérimentées dans les locaux des CAA de Lyon et Nancy).
Nous avons donc promu et soutenu le principe de la territorialisation de la CNDA, s’appuyant sur le maillage des CAA. Nous mettions cependant en garde contre certains risques liés à cette réforme :
- un risque de transfert de charge pour les juridictions d’accueil ;
- un déficit de moyens humains et matériels dédiés pour le bon fonctionnement des CAA et des CRDA ;
- la disponibilité en région des interprètes, même pour les langues qui ne sont pas rares ;
- la disponibilité des représentants du HCR, la spécialisation des chambres par pays d’origine ;
- l’atteinte à la cohérence de la jurisprudence.
A ce jour, la réforme est trop récente pour que nous puissions faire un bilan significatif.
Certaines des CRDA ont déjà été installées au cours de l’été (Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse) et ont tenu leurs premières audiences dans le courant du mois de septembre.
Nous pouvons indiquer que, à notre connaissance, leur création s’est faite de manière assez fluide, en dépit de difficultés concernant la mise en place du matériel, notamment informatique, et de quelques difficultés de recrutement des assesseurs.
Les questions matérielles (la gestion des locaux partagés notamment) risquent de constituer une source de difficultés. En effet, la croissance de l’activité contentieuse de l’une (ou des deux en même temps) rendra nécessaire la création de nouvelles chambres, qui devront être hébergées dans des locaux (bureaux et salles d’audience), ce qui pourrait créer des tensions dans l’usage des locaux et les moyens alloués à la fois aux CAA et CRDA.
Un autre effet de bord de la mise en œuvre de cette réforme concerne le découpage des chambres territoriales qui, tel qu’il a été décidé, va parfois éloigner certains justiciables de leur juge de l’asile (par exemple, l’Yonne est dans le champ de la CRDA de Lyon, alors qu’Auxerre se trouve à 2h de Paris mais à 4h de Lyon en transport en commun), ce qui contredit l’un des objectifs attendus de la réforme.
Attendez-vous du projet de loi de finances 2025 des dispositions particulières ?
Nous attendons une prise en compte, dans la loi de finances 2025, des besoins de la juridiction administrative et des efforts importants fournis par les magistrats, par la création d’un nombre de postes de magistrats, de greffes et d’aide à la décision à la hauteur de l’augmentation du nombre d’affaires enregistrées et traitées par les juridictions ces dernières années.
Nous rappelons qu’en 2003, les TA enregistraient 128 422 entrées et les CAA 15 640 entrées et que, 20 ans plus tard, en 2023, les TA ont enregistré 257 329 entrées, et les CAA 31 586.
Alors que le nombre des entrées a doublé en 20 ans, cette dynamique d’augmentation perdure encore. Le vice-président du Conseil d’État soulignait à ce titre que les entrées avaient augmenté de 6% entre 2022 et 2023. Au premier semestre 2024, les entrées des TA ont encore augmenté de 3,7% par rapport à la même période en 2023, alors que celles des CAA n’ont baissé que de 2,7%.
Alors que les entrées ne cessent d’augmenter, le nombre d’affaires en stock augmente également année après année, avec une part des affaires de plus de 24 mois passant en 2023 à 12% pour les TA et 4,6% pour les CAA.
Le traitement de ce phénomène d’augmentation constante des entrées et du stock ne peut plus reposer uniquement sur les seuls efforts des magistrats en poste. Un nombre de poste de magistrats et d’aide à la décision en rapport avec ces augmentations constante s’impose avec évidence.
Les efforts de productivité, recherchés dans l’optimisation des outils d’instruction[1] ou la dématérialisation, ont atteint leur plafond.
Le déploiement et la systématisation de la dématérialisation, qui peut faciliter et accélérer certains échanges, ont aussi eu pour corollaire d’entraîner l’inflation du volume des écritures (les dossiers comportent fréquemment plusieurs mémoires de plus 75 pages voire de plus de 100 pages) et des pièces annexes (participant à constituer de nombreux dossiers volumineux de plusieurs milliers de pages). C’est vrai dans des dossiers techniques d’urbanisme ou d’environnement, mais c’est également vrai dans le contentieux de masse (le droit des étrangers en particulier).
Le régime indemnitaire des magistrats administratifs doit également être réévalué, afin d’assurer l’attractivité du corps des magistrats administratifs, pourtant fortement impactés par une charge de travail qui ne cesse de croître, et afin d’empêcher tout décrochage avec le niveau de rémunération des administrateurs de l’État.
Souhaitez-vous appeler l’attention du rapporteur spécial, et plus globalement du législateur, sur d’autres points particuliers ?
Nous souhaiterions tout d’abord attirer l’attention du rapporteur spécial sur les objectifs et indicateurs de performance du programme 165 qui doivent, selon l’USMA, être revus.
La loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a introduit depuis le PLF 2023 un droit d’amendement parlementaire sur les objectifs et indicateurs de performance « pour chaque mission du budget général, chaque budget annexe et chaque compte spécial » (art. 15). Le renforcement du rôle du Parlement dans la démarche de performance invite à une attention renforcée vis-à-vis de la qualité de l’information présentée.
L’USMA a procédé à une analyse des limites des objectifs de performance actuels du programme 165 et des indicateurs associés à ces objectifs, et a esquissé des pistes d’amélioration afin de mieux appréhender l’activité des juridictions administratives. Elle formule cinq propositions, synthétiser dans un document que nous souhaiterions transmettre à M. le rapporteur spécial, qui pourraient faire l’objet d’amendements parlementaires dans le cadre des discussions relatives à la loi de finances 2025.
Par ailleurs, nous soutenons depuis notre création en 1986 et chaque année depuis lors l’idée que la constitutionnalisation de la juridiction administrative est une nécessité.
Le contexte nous paraît particulièrement approprié pour une telle constitutionnalisation. Les remises en cause récurrentes de l’État de droit nous semblent révéler la nécessité d’un ancrage de la juridiction administrative, composante essentielle de l’État de droit, dans le texte même de la Constitution.